‘Amour’ est un film poignant, dévastateur de justesse : huis clos sur un couple d’octogénaires, Georges et Anne (superbement interprétés par Jean-Louis Trintignant et Emmanuelle Riva), face à la mort et au déclin physique. Mais enfin, c’est surtout un film sur l’amour (bien vu), dans ce qu’il a de moins niais et de plus viscéral ; la question étant, au fond : l’amour peut-il tenir à hauteur de la mort ? Haneke répond par l’affirmative. Et disons-le tout de suite, c’est à pleurer, d’autant plus qu’il n’y a pas une once de pathos. La profonde simplicité de son motif, alliée à la réalisation au couteau du maître autrichien – à coups de plans fixes précis, extrêmement picturaux, et d’une utilisation virtuose du hors-champ – fait de ce film un choc autant esthétique qu’émotionnel. Hors du couple, à peine quelques intervenants : leur fille (Isabelle Huppert, parfaite comme à son habitude), un ancien élève (le pianiste Alexandre Tharaud dans son propre rôle), ou le couple de gardien de l’immeuble parisien où logent Anne et Georges. Avec, au centre, leur corps-à-corps avec la mort. On n’en dira pas davantage afin d’éviter de gâcher quoi que ce soit du film, mais il faut préciser que ce qui fait de cet ’Amour’ une œuvre incomparable, c’est qu’une nouvelle fois après ‘Le Ruban blanc’ en 2009, Haneke laisse derrière lui la violence de ‘Funny Games’ ou de ‘La Pianiste’ pour s’attacher à une élégie de la douleur sobre, sincère. ‘Amour’ a beau ne fermer les yeux sur rien, il n’est jamais pervers, malsain ou complaisant. Au contraire, tout se joue dans des détails bouleversants, et la temporalité du film, pudique, est maîtrisée à la perfection. Pas le moindre mouvement superflu, ni le plus petit dialogue de travers. Un film quintessentiel, d’une beauté et d’une dignité à couper le souffle. Inoubliable.