À force de rêver d’évasion sans jamais dépasser la N118, les familles parisiennes commençaient à tourner en rond. Puis Paris Society a posé son dévolu sur un vaisseau de pierre du XIIe siècle, dissimulé entre deux rideaux de forêt à une heure chrono de la capitale. L’ancienne cistercienne devient alors un repaire bucoluxe pour familles (aisées) en manque de chlorophylle, où l’on croise plus de doudous que de moines, et autant de poussettes que de bouteilles de Saint-Émilion.
Pendant que les enfants mènent des quêtes moyenâgeuses entre ruines moussues et barques à la dérive – ou filent au Kids Club Tartine et Chocolat dès 3 ans – les parents, eux, renouent avec un luxe rare : celui de ne rien faire. Ou alors tout le contraire. Flotter dans la piscine, transpirer au yoga (Bandha, évidemment), pédaler, jouer à la pétanque, chanter au karaoké ou s'illustrer au blind test. Tout ça sans jamais franchir les grilles du domaine.
Et puis il y a le Réfectoire des Moines. Majestueux comme promis, voûté, constellé de bougies comme un décor de cinéma. Tout d’un Poudlard. Depuis qu’Instagram s’en est emparé, l’endroit tourne à plein régime : on y shoote les plafonds, les assiettes et son latte en contre-plongée. Outre les plats débordants de homard (il y a aussi de l'épaule de veau et du poulet rôti), pour 145 euros (et encore 25 euros de supplément si vous n’êtes pas client), c'est surtout la beauté du lieu qui nourrit. Pour le reste, l’Abbaye ratisse large : plats canailles aux Chasses, cuisine de grand-mère (bien liftée) à l’Auberge, pizza à la truffe à la Trattoria, cocktails léchés au James’ Bar et ambiance tamisée pour conversations confidentielles au Betty’s.
Ici comme ailleurs, Paris Society orchestre ce qu’il maîtrise sur le bout des doigts : un décor travaillé qui respecte la mémoire des pierres. Cordélia de Castellane signe la décoration des chambres de l’Abbaye, des Haras et des pavillons. Boiseries anciennes, draps lourds, tomettes cirées, baignoires à pieds. C’est dans la Ferme de l’Abbaye que nous avons passé la nuit, une bâtisse posée au milieu des bois, à l’écart du cœur historique du domaine. Ouverte en 2024 et pensée par Corinne Sachot, elle aligne 145 chambres plus rustiques : murs chaulés, vue sur les prés, et chevaux qui broutent au réveil. On croise les enfants au potager, on goûte une crêpe tiède après une promenade entre les arbres centenaires. Tout autour, 65 hectares de verdure.