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« Après 30 ans, faire que la Cigale reste un haut lieu de la diffusion musicale à Paris » : entretien avec Jean-Louis Ménanteau, directeur

Rémi Morvan
Écrit par
Rémi Morvan
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Alors que la Cigale fête du 4 au 10 sepembre 2017 les 30 ans de sa réouverture avec un Jubilé qui réunira des artistes qui ont fait le sel de cette mythique scène, nous avons rencontré Jean-Louis Ménanteau, directeur du lieu depuis 2011. 

Quiconque s'est déjà penché sur la programmation de la Cigale ces 30 dernières années a forcément trouvé une date qui l'emballait. Même si la salle domiciliée au 120 boulevard Rochechouart a souvent été associée à la scène pop-rock, elle aura vu passer tous les styles musicaux et des milliers d'artistes. La programmation du Jubilé est d'ailleurs là pour le montrer. Qu'il s'agisse de la date « clin d'oeil au destin » de Catherine Ringer - elle avait fait la réouverture de la salle en 1987 avec les Rita Mitsouko - accompagnée des Sparks le lundi 4, des 30 ans du Rap français le 5, de la pop psychédélique de Temples le 6 ou d'Amadou & Mariam le 8, tous sont déjà venus à la Cigale et montrent l'ouverture de l'identité musicale de la salle. Enfin, le dimanche 10 septembre sera l'occasion de découvrir une rampe de skate sur la scène avec Busy-P en fond sonore.

© Robert Doisneau

Jean-Louis Ménanteau fut quant à lui le programmateur de la Nef à Angoulême pendant presque 20 ans. Patiemment, il a construit l'identité de la salle, devenue au fil des années une référence en France et même au-delà. Lorsqu'il prend la tête de la Cigale, c'est en qualité de directeur général d'une institution rodée, reconnue et sûre de sa force. Nous lui avons posé des questions sur son adaptation et sa vision de la Cigale. Une interview passé-présent-futur.

Jean-Louis, ça fait bientôt 7 ans que vous êtes à la tête de la Cigale. Quel rapport aviez-vous avec cette salle avant votre prise de fonction ?

J’avais déjà un rapport avec Corrida, actionnaire majoritaire de la Cigale. J’achetais des groupes pour la Nef à Angoulême dont Ben Harper ou les Rita Mitsouko (déjà !). Je venais aussi en tant que pro dans les concerts.

Avez-vous des souvenirs de concerts mémorables ici ?

Le plus gros concert que j’aie vu ici, c’était un plateau Black Angels/Black Keys en 2007. La salle était blindée, les murs suintaient et j’ai été impressionné par la qualité du son. La Cigale a un rapport scène-salle exceptionnel. Quand vous êtes sur scène, vous avez l’impression que le public vous embrasse, ce qui peut d’ailleurs être impressionnant pour certains artistes. 

Quelle est la culture musicale du directeur de la Cigale ?

J’ai 55 ans, j’écoutais les Stones, Dylan, Springsteen. Au début des années 1980, j’aimais beaucoup le rock australien.

Et aujourd’hui ? 

Je suis davantage sur le rock indé. En ce moment... [Il prend son téléphone pour regarder ses derniers titres écoutés] il y a le dernier War on Drugs, Brand News, le dernier Arcade Fire que j’aime beaucoup et King Gizzard & The Lizard Wizard, tu les connais ?

Oui très bien !

J'aime tous leurs albums mais c’est ‘Quarters’ qui a ma préférence. J’aimerais vraiment les faire jouer ici !

C’est quoi la journée type du directeur de la Cigale ? C’est la fête tous les soirs ? Ou est-ce qu’elle est très studieuse, bien loin des légendes urbaines du monde de la musique.

Il y a un côté très administratif la journée, et le soir c’est davantage faire de la représentation professionnelle.

Vous avez un rôle à jouer au niveau de la programmation ?

Je n’y touche pas, c’est Corinne Mimram qui s’en occupe quasiment depuis les débuts. On fait juste des arbitrages quand il y a plusieurs propositions sur certaines dates.

Quels ont les critères qui guident ces arbitrages ?

Tout dépend de l’orientation artistique que l’on a envie de défendre.

Avant d'arriver à la Cigale, vous étiez à la tête de la Nef d’Angoulême, une salle dont vous aviez peaufiné la griffe musicale étape après étape. Quelle est la principale différence lorsqu'on arrive à la Cigale ? 

La Cigale est une salle privée alors que la Nef est une SMAC avec un cahier des charges. On était sur un projet culturel et artistique, avec une volonté de faire découvrir des groupes. La force publique nous aidait financièrement. On a réussi à faire de la Nef une très bonne salle mais également l’un des premiers lieux à faire des résidences d’artistes. Noir Désir, M, Wampas, ils sont tous venus. Généralement, on troquait la mise à disposition de la salle contre un concert pour nos adhérents.

En terme d’identité, comment définiriez-vous celle de la Cigale ?

Par rapport à Paris, ça a toujours été orienté pop-rock, un peu comme à l’Elysée Montmartre. 

A Angoulême, vous aviez aussi monté la Garden Nef Party, un festival à vocation écologique et solidaire. Est-ce quelque chose que vous avez importé à la Cigale ?

Quand je suis arrivé, on a mis en place les gobelets consignables. Cela se faisait sur les festivals parisiens, on a par contre été l’une des premières salles à le faire. Ça évite de marcher dans une mer de gobelets en plastique, ça simplifie le travail des agents de ménage et au-delà même des vertus écologiques, économiquement, grâce à des séries limitées, on peut gagner des sous. 

Même si vous n’êtes pas à la Cigale depuis 30 ans, vous avez passé presque 16 ans à la tête d’une salle de concerts. Voyez-vous un regain d’intérêt pour la scène indépendante ?

Globalement, on est à l’ère de l’industrialisation de la musique, et ça me fait peur. Avec tous les gros groupes de tourneurs, tu as une inflation sur les salles parisiennes. Le métier perd en amour, en humanité. 

Pour ce qui est de la salle en elle-même, avez-vous fait un lifting ?

On a refait la façade et remplacé la deuxième partie des fauteuils mais on ne veut pas non plus tout repeindre, on souhaite garder du cachet.

Dessin de Philippe Stark de la façade rénovée en 1987 © Marine Belz

Comment s’est construite la programmation des 30 ans de la salle ?

Emmanuel de Buretel [patron de Because Music] a voulu confier cela à Benoît Rousseau, programmateur de la Gaîté Lyrique. Sa mission était d’illustrer le spectre artistique que défend la Cigale depuis 30 ans. A côté du penchant pop-rock, elle a toujours voulu s’ouvrir aux différents styles et c’est ce que Benoît a réussi à faire.

Des dates du Jubilé, laquelle a votre préférence ?

La soirée Temples !

Des groupes que vous aimeriez faire à la Cigale ?

King Gizzard, vraiment. Suuns aussi.

Depuis votre prise de fonction, quels ont été vos trois concerts favoris ?

Tu me poses une colle mais Hanni El Khatib, Thee Oh Sees et le concert de Fat White Family que j’ai malheureusement dû interrompre le jour du Bataclan m'ont mis de sacrées claques !

Enfin, qu'est-ce qu'on peut souhaiter pour les trente prochaines années à la Cigale ? 

La Cigale est une vieille dame et je suis fier de l’accompagner sur le chemin du spectacle. Pour les 30 prochaines années, le but, c’est que cette salle reste un haut lieu de la diffusion musicale à Paris.

Quoi ? Les 30 ans de la Cigale
Quand ?
Du 4 au 10 septembre 2017
Où ? 
La Cigale, 120 boulevard de Rochechouart, 18e 
Combien ? 15,80-33 € (Billetterie ici)

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