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Ceci n'est pas un article sur l'expo Magritte à Beaubourg

Écrit par
Alexandre Prouvèze
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Exposition-événement au Centre Pompidou, sur l’œuvre du peintre surréaliste en habits de philosophe.

Sa pipe, René Magritte l’a cassée il y a bientôt un demi-siècle, le 15 août 1967, pour être précis. Son œuvre, en revanche, loin de s'éteindre, est restée l'une des pierres angulaires du surréalisme, considéré sous l'angle de la création graphique, aux côtés de celles de Salvador Dalí, Giorgio de Chirico ou Max Ernst. 

L'occasion paraît donc belle de remettre en perspective le travail du peintre belge sous l'angle affiché de "La Trahison des images" : sous-titre de cette exposition et titre d'un de ses tableaux les plus célèbres, plus connu comme le fameux 'Ceci n'est pas une pipe'. 

Jeux de mots et associations d'idées

« Je crois à la résolution future de ces deux états, en apparence si contradictoires, que sont le rêve et la réalité, en une sorte de réalité absolue, de surréalité, si l'on peut ainsi dire » : la définition donnée par André Breton en 1924 dans son premier 'Manifeste du surréalisme' pourrait apparemment résumer la dynamique initiale de Magritte.

Pourtant, c'est davantage le goût mêlé de l'image paradoxale, du calembour, du détournement à l'humour froid et des associations d'idées qui apparaît ici comme le moteur essentiel du travail de Magritte, pour lequel le langage verbal semble établir une véritable relation dialectique avec la représentation graphique.

Le dialogue du peintre et de la philosophie

Le regard porté par l'exposition embrasse une centaine d'œuvres. En les articulant autour de l'évolution philosophique de Magritte, elle permet de les mettre en relation avec le (très classique) mythe de la caverne de Platon, et de rappeler les échanges qu'eut le peintre belge avec Alphonse De Waelhens, traducteur de Heidegger, ou encore - et surtout - avec le philosophe français Michel Foucault, dont l'ouvrage 'Les Mots et les Choses', paru en 1966, marqua sensiblement Magritte, quelques mois avant sa mort. 

Evidemment, cette porte d'entrée à une œuvre majeure du surréalisme pictural paraît originale et assez féconde, replaçant la pensée artistique de l'époque dans un ensemble pluridisciplinaire, avec une méfiance bienvenue à l'égard des facilités de langage - qu'il s'agisse de mots ou de peinture. D'où certaines jolies mises en abyme, jeux de miroirs entre textes et formes, au sein desquels Magritte ne se départit jamais de sa distance poétique et ludique. 

Paramnésie ou... déjà vu ?

En somme, l'œuvre de Magritte présentée ici, bien que parcellaire, propose un angle et une vision qui méritent certainement qu'on s'y attarde. Pourtant, une fois l'exposition terminée, le besoin se fait sentir de la parcourir à rebours. Comme si l'on éprouvait un manque. Car ce qui fait défaut, paradoxalement, c'est un certain effet de surprise - d'autant plus étonnant que l'art de Magritte semble justement fondé sur le décalage et l'étrangeté.

Un coupable à cela ? Comme souvent, il s'agit du temps et de l'habitude. C'est ce qu'on comprend plus tard, pensif, en s'engouffrant dans les couloirs du métro pour tomber sur une affiche publicitaire de la marque de chaussures Mr Moustache, figurant une paire de jambes masculines, détachée du reste du corps et formant... des moustaches (voir ici).

Apparaît alors le problème majeur que rencontre le surréalisme aujourd'hui (en particulier dans le domaine, particulièrement séducteur, de l'iconographie) : la facilité de sa reprise. Ce que n'auront pas manqué de comprendre les publicitaires de tous poils des dernières décennies, banalisant finalement l'esthétique d'un mouvement originellement insurrectionnel pour en faire le B-A BA de l'esthétique arty dominante. 

Dommage, donc, que Magritte ait en partie été gâché par l'usage postérieur fait de son esthétique qui, à distance, paraît avoir sans doute été trop neutre, classique, élégante. Autrement dit, récupérable ; manquant de la brutalité obscène d'un André Masson, de la fureur inventive d'un Max Ernst. Qu'importe, le moment passé en compagnie du surréaliste belge ne manque pas de charme. Mais il finit par donner une folle envie de retourner, au bout du compte, au chaos initial de Dada. Pour une prochaine fois, peut-être ?

Quoi ? • Exposition Magritte - La Trahison des images.
Quand ? • Jusqu'au 23 janvier 2017.
Où ? • Centre Pompidou. 

Cette exposition fait partie de notre sélection des meilleures expositions à Paris

 

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