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Entretien avec Marion Gabbaï, programmatrice du Levitation Festival, la personne qui connaît déjà les groupes que tu écouteras en 2019

Rémi Morvan
Écrit par
Rémi Morvan
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Alors que le Levitation Festival arrive à grands pas, nous avons rencontré Marion Gabbaï, nouvelle co-programmatrice du raout psychédélique angevin et sans aucun doute l’une des plus fines observatrices de la scène indépendante française.

Réaliser la programmation d’un festival, c’est un peu comme se placer dans la peau de Didier Deschamps. Il faut faire des choix, être cohérent et penser au prestige de l’institution qu’on remet – un peu – en jeu tous les ans. Au grand pays du psychédélisme, lorsqu’on parle de festival et d’institution, on ne peut qu’évoquer le Levitation Festival d’Austin. Qu’il s’agisse d’icônes comme le Brian Jonestown Massacre, le 13th Floor Elevator ou de références contemporaines tels Ty Segall, Thee Oh Sees ou Tame Impala, tous sont passés par la ville texane et le festival qui compte parmi ses organisateurs certains membres des Black Angels.

Alors, lorsque la décision d’exporter le festival en Europe est prise, c’est sur Angers, jumelée avec Austin et base de Radical, tourneur des Black Angels, que le choix se porte rapidement. L’an dernier avait vu le festival emménager avec succès dans le complexe du Quai, cette cinquième édition voit l’arrivée d’une nouvelle programmatrice, Marion Gabbaï, co-fondatrice de l’agence de booking My Favorite. Avec Rob Fitzpatrick, autre grand manitou d’Austin, ils ont concocté l’une des plus belles affiches de l’année, tous festivals et styles confondus. Arriver dans une machine aussi bien huilée que le Levitation n’est déjà pas chose aisée, alors réussir à y imprimer sa patte dès la première année relève quasiment d’un trip acidifié. C’est pourtant ce qu’a réussi à faire Marion Gabbaï en mobilisant ses tentaculaires réseaux et en faisant notamment confiance à une scène française toujours plus vivace et innovante. Interview à l'allure de petit guide illustré de la parfaite programmatrice de festival psychédélique. 

« Avec Rob, on se questionne beaucoup sur ce que veut dire psychédélique. Certains ont une définition très stricte ; avec des groupes où il y aura forcément de la guitare par exemple. Nous deux, on va davantage être sur une idée de transe. »

Time Out Paris : Marion, c'est ta première année en tant que programmatrice du Levitation. La première question que je me pose : ça se passe comment un entretien pour devenir programmatrice du Levitation ?

Marion Gabbaï : En réalité, c’était assez inattendu. Je voyais Doudou de Radical (co-organisateur du festival) pour un tout autre sujet et il m’a proposé. Je ne savais même pas qu’il cherchait, il m’a proposé spontanément.

C'est les 50 ans du Summer of Love. Est-ce que tu as été bercée par le mouvement hippie et la scène psychédélique ?

On ne peut pas dire que j’ai été ou suis une hippie mais j’ai toujours beaucoup écouté la scène psychédélique.

Parlons de ce terme de psychédélique qu’on utilise à tord et à travers. Pour toi, qu'est-ce qu'un groupe psychédélique ?

Je dirais que c’est plus un projet dans son ensemble, tant au niveau esthétique avec les visuels utilisés que dans les sons employés. Avec Rob, on se questionne beaucoup sur ce que veut dire psychédélique. Certains ont une définition très stricte ; avec des groupes où il y aura forcément de la guitare par exemple. Nous deux, on va davantage être sur une idée de transe.

Pour prendre un exemple, Black Devil Disco Club n’est clairement pas un artiste qu’on aurait pensé trouver au Levitation...

Cela faisait bien longtemps que Rob voulait le faire jouer et notamment à Austin. C’est un artiste qui peut jouer sur plusieurs tableaux, en représentant par exemple la branche électronique du psychédélisme.

« Une place existe pour ces groupes mais ça reste très difficile. Levitation reste par exemple un petit festival. [...] L’idée, c’est d’ouvrir le spectre. »

Levitation a toujours mis en avant toutes les musiques du monde. Tinariwen, Bombino, Imarhan à Austin, Tamikrest, Doueh et Cheveu, AMT ou encore Dungen. Est-ce qu'au fond, ce n'est pas le psychédélique musical, s'ouvrir à toutes les sonorités ?

Oui vraiment ! Alex Maas des Black Angels aurait vraiment voulu avoir Aldous Harding, ce n’est pas vraiment l’artiste qu’on aurait vu jouer au festival. On a envie de s’ouvrir au maximum.

Quel serait le groupe actuel qui mériterait le plus l'étiquette de « groupe psychédélique » ?

King Gizzard & The Lizard Wizard !

A côté du Levitation, tu es depuis 2014 à la tête de l’agence de booking My Favorite, avec Jean-Sébastien Nicolet. J’ai lu dans plusieurs interviews que ce qui prédominait dans vos choix de booking, c’était avant tout l’artistique. Est-ce que c’est quelque chose que tu as retrouvé au Levitation ? Ou est-ce qu’il y a un objectif de remplissage et donc de signer des groupes bankable ?

On ne peut nier qu’il faut toujours trouver un juste équilibre. Malgré tout, Levitation reste quand même un festival tourné vers la découverte. Même si le festival est jeune, un public commence à prendre rendez-vous chaque année. Plus le succès sera au rendez-vous et plus on se permettra d’inviter plus de découvertes.

Avec My Favorite, vous êtes en lien très étroits avec Born Bad, label phare de la scène indé. En tant que programmatrice, sens-tu un regain d'intérêt du public pour la scène indépendante rock française ?

Même si je ne faisais pas ce métier il y a dix ans, c’est clair que l’intérêt pour l’indé ne fait que grandir. Suffit de voir la multiplication des festivals (Visions, Freakshow, Binic) en France sur cette scène-là pour s’en rendre. Mais au-delà de la musique, les gens veulent vivre une expérience de festival dans de plus petites structures où plus de places est laissée à ces petits groupes.

Quand je pense à Born Bad, à My Favorite ou au Levitation, c’est un constant refus des compromis qui prédomine. Penses-tu que l'intransigeance paye toujours ?

Je me pose pas trop la question dans ce sens-là dans la mesure où je n’aurais pas commencé à faire du booking si je ne travaillais pas avec des groupes que j’aime. C’est aussi une impression très positive que tu as, mais qu’est-ce que « bien marcher » ? C’est vrai qu’une place existe pour ces groupes mais ça reste très difficile. Levitation reste par exemple un petit festival. Les gens dont tu parles, c’est un peu les mêmes personnes et l’idée, c’est d’ouvrir le spectre.

J'ai lu dans plusieurs articles l'importance du sexisme dans l'industrie musicale. Les gars de Levitation sont pareils ou pas du tout ?

Aucun souci là-dessus et c’est surtout un sujet qui tient à cœur à Rob. Sans faire de la discrimination positive, il a envie de mettre en avant la scène musicale féminine. On n’aurait pas choisi un artiste parce que c’était une femme mais on s’est posé la question en voyant le line-up très masculin. Mais au fond je pense que le sexisme dans l’industrie musicale est le même que dans d’autres domaines.

Comment se passe le travail avec Rob ?

On échange nos idées. Je vais ensuite chercher les projets. Quand on travaille sur des artistes français, je remonte les propositions à Rob et on décide avec Doudou.

Est-ce qu’inconsciemment, ton rôle au Levitation n’est pas de mettre en valeur la scène française ? 

La scène française est extrêmement intéressante ces dernières années et ça se voit dans les programmations des festivals. Rob a depuis le début voulu mettre en avant le patrimoine musical français et notamment angevin.

Venons-en aux coulisses du Levitation. Les trois groupes que tu conseilles d'aller voir cette année ?

Petit Fantôme, Bo Ningen et Group Doueh & Cheveu. 

Un groupe que tu aurais aimé faire jouer cette année ?

Les Bryan’s Magic Tears qu’on n’a pas pu faire venir pour cause de manque de place !

Y aura-t-il un Levitation à Austin en 2018 ?

Normalement oui.

Quel groupe français tu aimerais emmener là-bas ?

Petit Fantôme !

Quoi ? Levitation Festival
Où ? Angers
Quand ? 15 et 16 septembre 2017
Combien ? De 33,20 € à 53,20 € (places à prendre ici)

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