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Entretien : Beth Ditto lance sa collection de vêtements

Écrit par
Elsa Pereira
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Drapée dans une robe motifs baisers de rouge à lèvres, Beth Ditto rayonne. Immédiatement accessible et souriante, elle nous accueille dans une chambre d'hôtel luxueuse, une tasse de café à la main. Ses escarpins traînent au pied du canapé. A Paris pour quelques jours, Beth présente à la presse sa collection de vêtements grande taille (du 44 au 58), une collection éthique produite exclusivement aux Etats-Unis et qu'elle a imaginée pour que les femmes se sentent (enfin !) bien dans leurs fringues et ceci sans se soucier de la mode et de ses injonctions temporelles. Beau programme. Au total, onze pièces composent ce vestiaire coloré, vendues aux US entre 65 et 395 dollars. Rencontre avec la charismatique chanteuse de Gossip et dorénavant styliste Beth Ditto.

 

Beth Ditto / Collection printemps-été 2016 © Ezra Petronio

La mode a toujours été importante pour vous ?  

Quand j’étais ado, je me cherchais beaucoup. Je venais de découvrir le punk, et j’avais très envie de m’habiller punk mais aussi de porter une coiffure bouffante... J’ai toujours aimé me maquiller et me coiffer, je me teignais les cheveux avec du Kool-Aid. Dans les années 1990, c’était une grosse tendance grunge. J’étais super réputée à l’école.

Mon style a complètement changé autour de mes 14-15 ans, je suis devenue une tout autre personne. Mon rêve, c’était de porter des « pedal pushers » comme Mary Tyler Moore (ndlr : une star de la télé américaine). J’étais totalement obsédée par elle. Mais c’était impossible d’en trouver dans le commerce, alors j’en ai confectionné avec ma mère. On passait nos après-midi à dessiner nos propres patrons sur du papier journal. Petite, j’étais rondouillette, c’était difficile de trouver des vêtements. A l’époque, c’était très différent, les matériaux comme le stretch ou le denim n’existaient pas.  

Pourquoi se lancer dans la mode ?

Je n’ai jamais été satisfaite à l’idée de ne faire qu’une seule chose. Je pense que la musique c’est cool, mais ce n’est pas tout. D’autant plus que j’ai commencé à faire de la musique plutôt jeune, je n’ai pas vraiment eu l’occasion de faire autre chose. Faire de la mode, c’est vraiment très important pour moi, c’est quelque chose que j’ai toujours voulu faire. 

© Ezra Petronio

Comment avez-vous imaginé cette collection printemps/été 2016 ?

Je voulais surtout faire des imprimés, quelque chose de sauvage, joli mais simple. Pour moi, ce sont les coupes qui sont primordiales, faire quelque chose de pratique plutôt que fou. Dessiner des vêtements confortables, agréables à porter. C’est important que les personnes qui les portent se sentent bien mais aussi en sécurité. Je pense que les minces ont le privilège de ne pas vraiment savoir à quel point certaines coupes peuvent être inconfortables. Pour moi, rien n’est moins confortable qu’un jean. Tellement inconfortable ! Il suffit de regarder autour de soi pour voir que la plupart des filles rondes préfèrent s’habiller en jupe et collant plutôt qu’en jean. 

C’était essentiel que la collection soit éco-responsable ?  

Oui, tout a été conçu aux Etats-Unis, à part les tissus. Les vestes sont des pièces vintage, c’est entièrement recyclé. J’avais déjà réalisé une collection capsule pour une marque anglaise appelée Evans. Quand ils m’ont approchée, je me suis posé de nombreuses questions, parce qu’on ne sait pas vraiment où sont réalisés ces vêtements, quelles sont les conditions de travail, si les travailleurs sont tous adultes. Mais pour moi, c’était important de le faire, parce que c’est une forme de visibilité. Il y a un magasin aux Etats-Unis, où le rayon « grandes tailles » est appelé « encore » (ndlr : rappel en anglais), du genre l’histoire de ta vie est finie et maintenant c’est le rappel. C’est un message vraiment étrange. J’avais envie de changer cette idée. Je me suis toujours dit que quand je ferais de la mode, j’essayerais d’avoir un processus propre. Pour moi, c’est très important de pouvoir se regarder dans le miroir en étant satisfait de ce que l’on a fait. 

© Ezra Petronio

Pourquoi le « plus size » est-il toujours aussi marginal ?

Honnêtement je ne sais pas. Je pense que les gens ont vraiment peur d’être gros. On nous a tellement dit qu’être gros c’était être moche. L’idée circule depuis tant de temps. Et puis c’est tellement sexiste. Nous dire que si nous ne ressemblons pas à l’image parfaite que les hommes veulent de nous, nous ne valons rien, nous ne valons même pas la peine d’être regardées. C’est encore marginal, parce que nous sommes encore en train de nous séparer de cette mentalité. Grâce à Internet, il y a de gros changements, de plus en plus de filles sont solidaires entre elles. Il ne faut pas attendre que l’on nous accepte, mais nous accepter tels que nous sommes, et nous aimer ainsi les uns les autres. C’est encore marginal oui, mais ça change très rapidement. Il y a dix ans, je n’aurais jamais imaginé que les choses bougent si vite. Je crois qu’aujourd’hui, le plus important c’est de rester solidaire. Il y a beaucoup de jalousies, de jugements hâtifs… Il suffit de quelques personnes négatives pour tout détruire. Il faut taire ces voix et rester solidaires même lorsqu’on est en désaccord, c’est ça un mouvement. Prendre le contrôle de son corps, refuser que l’on nous dise ce que l’on doit faire, ou de croire en des mensonges, c’est tellement valorisant. Si plus de gens faisaient cela, il y aurait davantage de résistance. 

Quels sont vos prochains rendez-vous ?  

On est déjà sur la prochaine collection. Et je travaille aussi sur un projet d’album solo. C’est super excitant. J’espère que l’on fera une grande tournée. Mais j’aimerais qu’elle ressemble plus à celles que l’on faisait quand on était jeunes et que l’on jouait dans des petites salles de concert. Quelque chose de plus intimiste. 

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