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Gentlemen 1919 : le barbier fait aussi des cocktails

Écrit par
Emmanuel Chirache
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« Quand j’ai eu cette idée il y a trois ans, on ne parlait pas autant de speakeasies à Paris. » Frédéric Lafleur, co-créateur de Gentlemen 1919, en rajoute un peu, mais c'est dans sa nature. Il faut dire que ce dandy soigne aussi bien sa communication que son apparence, lui qui ne semble jamais quitter son costume trois pièces et ses mèches savamment peignées. Un souci d'élégance masculine à la française et à l'anglo-saxonne qui a guidé de A à Z la création de Gentlemen 1919, un barbier speakeasy dans l'esprit de la prohibition qui a ouvert récemment rue Jean Mermoz dans le 8e arrondissement de Paris. 

Ici, on choie les hommes et leurs péchés mignons, en tout cas on cultive une certaine conception de la gente masculine qu'on caresse dans le sens du poil, un scotch dans la main gauche, un cigare dans la droite. Baumes pour la barbe et gels Reuzel, crèmes de rasage et eau de toilette Bullfrog, jus Kookabarra, grands crus de vin rouge, champagne Brimoncourt, rien n'est trop beau pour les clients du salon de coiffure-barbier. C'est Rudy, un vrai gentleman souriant dont la barbe blanche resplendit, qui officie derrière le rasoir quand nous passons sur le fauteuil. Pas n'importe quel fauteuil, puisqu'il s'agit d'un siège en cuir Belmont qui date de 1963, avec le cendrier dans l'accoudoir et le premier releveur électrique, qui modifie en douceur la position du client. Chaque partie du mobilier a d'ailleurs été chinée précautionneusement, et certains objets seront disponibles à la vente par catalogue pour les clients. 

© Time Out Paris


Pour 22 €, Rudy entretient votre barbe, la taille, la nourrit et l'embaume à l'issue d'un cérémonial apaisant, d'où l'on sort revigoré. Il faut compter 41 € pour être rasé de près ou coiffé. Le geste du barbier est sûr, sa compagnie très agréable, d'autant plus qu'il a été formé sur le tard et qu'il s'est reconverti par passion. « Souvent les gens font un bar et après ils veulent le cacher, nous explique Frédéric Lafleur. Nous, on a un vrai barbier coiffeur, reconnu pour son métier et qui fonctionne très bien comme ça, puis on s’est construit pour notre plaisir un bar dans l'arrière-salle et un fumoir, avec une belle collection de cigares dans la vitrine. » Et notre hôte de s'enorgueillir de détenir les derniers Trinidad Robusto-T de Paris : « Ils sont en rupture depuis six mois en France, mais j’ai des bons fournisseurs, qui me dégotent des choses rares. Le but, c’est de devenir une référence en cigares. On ne marge pas énormément, ce n’est pas le but. Je veux que cet endroit soit un lieu de partage épicurien, pas un truc élitiste. »

Pourtant, difficile d'imaginer dans ce cadre très chic, où toute la déco est d'époque, une autre clientèle que d'aisés touristes anglo-saxons et des Parisiens des beaux quartiers. Ce serait compter sans le volontarisme des fondateurs de Gentlemen 1919, qui clament haut et fort leur volonté d'ouverture. Aucune tenue correcte n'est exigée pour pénétrer dans le bar et chacun est le bienvenu à toute heure de la journée, à l'unique condition qu'il y ait de la place. Pour Frédéric Lafleur, pas question de rentabiliser le moindre mètre carré, au contraire : « Au-delà de trente personnes, on ne prend plus de client, pour éviter que tout le monde se marche dessus. Après la fermeture du barbier à 22h, il faut avoir notre numéro pour qu’on vienne vous ouvrir, comme dans un vrai speakeasy. Les très bons clients ont mon numéro perso, les concierges d’hôtels aussi. »

© EChirache

© EChirache



L'ambition avouée, c'est donc cet esprit de « club pour gentlemen », renforcé par la création à l'avenir d'une carte de membre qui donnera accès à des soirées spéciales et des réductions. L'avantage, c'est qu'on s'adapte à vous et qu'on vous chouchoute. « Hier, un client m’appelle et me demande "vous avez du mezcal ?" Je dis "non, mais demain j’en aurai !" J'ai acheté une bonne bouteille, ce soir il vient et il aura son cocktail au mezcal. » Outre les cinquante références de whiskys, le Gentlemen 1919 propose une carte de cocktails anciens entre 14 et 17 €, réalisés soigneusement par un bartender ayant travaillé cinq ans au palace le Lanesborough à Londres. Les palaces, c'est un peu l'obsession de Frédéric Lafleur, qui nous tend une iceball en précisant : « Il n’y a que dans les palaces où on utilise ça ! Pour le whisky c’est fabuleux. » 

Et les cocktails ? Le bar mise sur les classiques, comme le Negroni qui a été inventé en 1919 (le compte est bon) en Italie et que nous avons trouvé d'une belle amertume. « En pleine tendance mixologie, on revient aux basiques ! prévient notre hôte, amateur de mojitos. A l’origine, je suis conseiller culinaire et ce que je prône à mes clients, c’est de faire le basique le mieux possible. Si vous faites une crème brûlée, au lieu de vous lancer dans un truc farfelu, faites d'abord la meilleure crème brûlée de Paris. Nous, c’est la même démarche. » Seule « folie », le cocktail signature Gentlemen 1919 se compose de whisky, liqueur Mozart et liqueur de Chambord, le tout légèrement fumé, un rappel de l'amour du lieu pour l'alcool, les cigares et une forme d'aristocratie chaleureuse. Ca, c'est palace.

Quoi ? • Gentlemen 1919, barbier et bar à cocktails.
Quand ? • Du mardi au samedi, de 10h30 à 22h.
Où ? • 11 rue Jean Mermoz, Paris 8e.
Combien ? • Coiffeur de 39 à 41 €, barbier de 22 à 41 €, cocktails entre 14 et 17 €, long drinks entre 17 et 19 €.


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