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Les élections présidentielles vues par les Parisiens

Écrit par
Elsa Pereira
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Le 23 avril 2017, les Français ont rendez-vous avec leur avenir. Partout en France, notre carte d’électeur en main, nous irons glisser une enveloppe dans une urne. Voter, espérer ou craindre, selon les convictions, les espoirs et la motivation. D’autres resteront sur leur canapé, par paresse, par désillusion ou par conviction, c’est selon. On a demandé à des Parisiens, entre 25 et 40 ans, de nous raconter comment ils avaient vécu la campagne, comment ils abordaient les élections. Et les réponses sont de toutes les couleurs...

Retour sur une campagne mouvementée

Au grand dam de certains, les élections présidentielles ont eu cette année des petits airs de telenovela brésilienne. Une narration soumise à de nombreux bouleversements et à des rebondissements plus ou moins prévisibles. Mais de quoi a-t-on le plus parlé au final ? Qu’est-ce qui nous a semblé le plus important ? Dans le tissu de réponses, un prénom ressort souvent, celui de Pénélope. Le scandale Fillon a tapissé les Unes des journaux aux quatre coins du pays et a largement occupé le débat politique. 

« La campagne a été gênante en tout point : que du scandale politique et rien sur les questions de fond ! » tranche Camille, 25 ans, féministe et militante LGBT.

« J'ai trouvé cette affaire terriblement choquante. D'une part parce que le fait d'employer des membres de sa famille semble être une pratique bien française et malheureusement courante. Ca décrédibilise complètement la parole politique. Au final, on nous a volé une campagne présidentielle sur le fond puisqu'on a pratiquement parlé que de ça. Il faut vraiment qu'on réforme de fond en comble les pratiques de nos élus pour, à l'avenir, espérer avoir une morale politique proche de celle de nos voisins scandinaves » estime Houssine, 27 ans

Caroline, étudiante en marketing digital âgée de 26 ans, n'est pas tout à fait de son avis : « La campagne n’a pas été du tout inspirante. On s'est seulement intéressé à Pénélope. Il y a un manque total d'objectivité de la part des médias, qui ont préféré s'acharner sur les casseroles de certains candidats plutôt que de s'intéresser à leur programme. Ce n'est pas 3 000 euros par mois et 3 costumes qui vont me faire détester le candidat qui a le programme le plus réaliste. » 

© ZT

« Pendant cette campagne, j’ai eu l’impression que l’on avait plus parlé des histoires financières des candidats – enfin de François Fillon, parce que finalement on a laissé Marine plutôt tranquille  que de ce qu’ils proposent vraiment », nous raconte Stéphane, 35 ans, autour d’un expresso rive gauche. « Au début ça me semblait totalement aberrant et je me suis rendu compte que finalement c’était aussi sur ça que la présidence se jouait. Le programme, c’est une chose. Mais on vote aussi pour quelqu’un, pour un représentant. »

« Le seul point positif de cette campagne, c'est un paysage politique inédit, avec un Président en exercice qui ne se représente pas » Rodolphe, 30 ans, journaliste 

A l'extrême gauche, Charline H, militante au PCF, déplore elle aussi une campagne centrée sur des personnalités plutôt que sur leurs idées. « J'ai trouvé cette campagne absurde et complètement éloignée des réalités de la population. La campagne était polluée par des candidats corrompus et détourneurs d'argent. Finalement c’était une campagne entre des "figures", des "personnalités". Il n'y a pas vraiment eu d'affrontement idéologique alors que le fossé idéologique entre les candidats est immense. C’est aussi de la responsabilité des médias de faire le point sur la différence entre quelqu'un qui porte un discours libéral, capitaliste, xénophobe, sexiste, socialiste ou communiste, etc. Tout ça est toujours fait dans la caricature. Bref, je pense que la politique n'est pas assez prise au sérieux. »

 

De l'utilité des débats télévisés 

Points d'orgue de la campagne, les deux débats télévisés ont attiré de nombreux futurs électeurs. Selon Le Monde, celui de TF1 (le premier, du lundi 20 mars) aurait même attisé la curiosité d'un téléspectateur sur deux. 

« La plupart des candidats parlent dans le vide. On sait que ce qu’ils disent est très rhétorique. Que rien ne sera respecté. Mais j’ai apprécié de découvrir d’autres candidats sans avoir besoin de chercher leurs programmes ou de lire leurs interviews. Il y a aussi une forme de satisfaction à entendre certains candidats asséner des vérités au nez d’autres », raconte Mathieu, agent comptable.

« C’est un peu à qui fera la meilleure punchline. Poutou dit une phrase d'une absolue banalité "Nous n’avons pas d'immunité ouvrière" et tout le monde s'emballe ! Pourquoi ? Parce que c'est un discours qui n'est jamais entendu ! poursuit Charline H. La semaine dernière, Poutou est devenu un mème énorme alors que ce qu'il disait était d'une justesse sans nom. Je trouve ça cool qu'il ait suscité autant de sympathie, mais encore une fois, il n'est pas vraiment pris au sérieux. Ça montre quand même un certain mépris vis à vis de la classe ouvrière. Ce qui est intéressant en revanche ce sont les discours prononcés par les candidats, pour le coup c'est éclairant et celui de Mélenchon à Marseille était vibrant. »

 

Pour Alexandra, jeune étudiante de 23 ans pro-Macron, le débat ne sert pas vraiment le fond. « Pour ma part j'ai beaucoup de mal à regarder les débats, car je trouve souvent qu'il ne s'agit que de phrases répétées en boucle pour mieux répondre à son adversaire, et encore une fois, moins une occasion de mettre en avant son programme. J'en ai cependant regardé un ou deux, et j'y ai trouvé un Emmanuel Macron convaincant, qui ne se laisse pas faire, et qui soutient ses projets sans aucune agressivité, mais avec une conviction ambitieuse qui, personnellement, me plaît. Et surtout, il est le seul candidat à n'avoir pas dit quelque chose qui m'a totalement outrée. » 

A droite, Rodolphe, pro-Dupont-Aignan, étrille les débats : « Premier point : l'équité du temps de parole, définie par le gouvernement l'année dernière... Grotesque ! Donc on se base sur les résultats obtenus aux récentes élections par les candidats et les sondages pour donner de la parole aux candidats ?! Le CSA, ça devient n'importe quoi ! Nicolas Dupont-Aignan a eu raison de quitter le plateau de TF1 ! Cette réforme a ajouté à la marginalisation des "petits candidats". Hormis les piques de Mélenchon envers Marine Le Pen, peu d'allusions aux affaires de Fillon et Le Pen, alors que cela accapare l'actualité politique depuis le début de l'année... On a appris peu de choses sur les programmes, surtout sur celui de Macron... » 

Les sondages et le spectre du vote utile  

Fillon devant Mélenchon. Le Pen assurée au second tour. Hamon à la traîne.

Les alertes info sur les sondages font vibrer nos téléphones plus que nos convictions. Très commentés, ils ont ces dernières années été largement critiqués et instrumentalisés, notamment par les candidats fragilisés par « le vote utile ». Ils rythment la campagne, mais influencent-ils notre jugement ?

« La vraie info importante des sondages c'est le pourcentage de gens qui iront voter. Tous les jours, on a un nouveau sondage avec une nouvelle méthodologie et bon, on sait aujourd’hui qu’ils sont loin de la réalité des faits. Beaucoup de gens n'osent pas avouer qu'ils voteront quand même pour François Fillon alors que d'autres ne se gênent pas pour dire qu'ils voteront Marine Le Pen », analyse Chloé.

Selon Caroline, « les sondages sont des outils pour manipuler l'opinion publique et faire croire aux gens qu'ils n'ont pas d'autre choix que de voter pour le candidat qui fera barrage à celui considéré comme "dangereux" par les médias. En l'occurrence Emmanuel Macron a été présenté comme la seule alternative face à la droite, d'où sa popularité dans les sondages... Sauf qu'il faut prendre en compte la versatilité des électeurs... De plus, si on repense aux sondages de 2012, Jean-Luc Mélenchon était supposé dépasser Marine Le Pen, et s'est retrouvé 4e homme. »

Même défiance pour Houssine : « On a vu ces derniers mois qu'ils étaient loin d'être infaillibles (Trump et même Fillon lors de la primaire). Et puis j'en ai marre d'avoir à "voter utile". Donc au premier tour je préfère voter par conviction, sans me soucier des sondages. »

Les équipes de communication rivalisent d'inventivité pour faire sortir leur candidat du lot. Ici Mélenchon avec son jeu Fiscal Kombat.

A l’heure du vote, l’indécision règne

Les élections présidentielles 2017 ont assurément entériné la vieille dichotomie droite-gauche. 5 candidats et TF1 l’a bien fait remarquer en proposant un premier débat en petit comité tiennent le haut du pavé de ce suffrage universel qui compte près de 47 millions d’électeurs (source RFI). Nombreux sont ceux qui iront voter dans une dizaine de jours, et se demandent encore pour qui.    

Pour Xavier, attaché de presse de 30 ans et primovotant, tout est encore très flou. « Je me suis inscrit pour la première fois sur les listes électorales cette année, mais je ne sais pas encore pour qui je voterai ou si je voterai blanc. Je ne me reconnais pas dans le contexte politique actuel, de manière globale. »

Rodolphe est quant à lui certain de son choix, en tout cas au premier tour : « J'espère que Nicolas Dupont-Aignan atteindra les 5 %... Tout le monde s'est moqué de son bilan à la tête de sa ville et de la communauté de communes, mais qui a un vrai bilan ? Bien sûr, administrer un canton et une ville n'a rien à voir avec administrer un pays, mais il a fait ses preuves, et mérite bien plus de crédit qu'on ne veut lui en accorder... »

« Il me faut un mélange de programme et de personnalité. Et aucun(e) n'est la synthèse des deux » Frédéric, 40 ans, professeur d'anglais 

« J’ai prévu de voter Mélenchon. Je suis certaine de mon choix d'un point de vue du fond politique, JLM porte en grande majorité des idées qui me correspondent. Par contre sur la forme, je ne l’apprécie pas. Je suis militante au PCF et j'avais fait la campagne à fond en 2012, il y avait une réelle dynamique commune et une volonté de rassembler. Un vrai dialogue avec les autres organisations, notamment le PCF. Alors qu'en 2017, je trouve la façon de faire de la politique de Mélenchon gênante, avec des côtés populistes (un discours au-dessus des partis politiques, comme s'ils n'avaient pas d'utilité) et un certain sectarisme et mépris des autres organisations. Par ailleurs, la bataille des législatives s'annonce très inquiétante avec la volonté de la France Insoumise de mettre des députés dans chaque circonscription même là où il y a déjà des députés de gauche (à gauche des socialistes, j'entends). Pour être honnête, il y a encore une semaine j'hésitais à voter pour lui pour ces raisons. Mais maintenant qu'il y a une légère chance qu'il soit au deuxième tour, je suis sûre de vouloir voter pour lui, même si je garde une grande défiance sur la suite » nous explique Charline H. 

Le clan abstentionniste fait le plein !

Déçu par les candidats et leur programme, Fredéric ne pense plus se déplacer le 23 avril prochain. « Je suis en train de devenir abstentionniste militant en fait. Je n'ai plus envie d'entretenir le système qui crée les problèmes politiques d'aujourd'hui. Je prédis une abstention assez record. Les Français n'ont jamais été aussi intéressés par la politique au niveau sociétal, mais jamais aussi désintéressés par le système. C'est pour ça que Macron, Mélenchon et Le Pen font des voix, parce qu'ils se disent "anti-système" (LA rengaine de l'élection). » 

Pour Charline J., graphiste, hors de question d’aller voter. « Je n'irai pas parce qu'aucun des partis et des programmes ne me convient entièrement. J'aimerais que le vote blanc soit reconnu en France comme dans certains pays d'Europe. Je suis persuadée que si 50 % de la population non convaincue ne votait pas ou votait blanc, l’Europe obligerait la France a le reconnaître. »

Reste à savoir si les résultats du premier scrutin auront le même effet que le 5 mai 2002. Le paysage électoral français ayant bien changé depuis... Rendez-vous donc dans l'isoloir !

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