Recevez Time Out dans votre boite mail

Recherche

Les mille et une vies du groupe de rock King Gizzard and the Lizard Wizard

Écrit par
Emmanuel Chirache
Publicité

Quel chemin parcouru ! Depuis son premier disque publié en 2012 dans la plus totale confidence, le groupe australien King Gizzard & The Lizard Wizard est devenu la créature rock la plus excitante qu'on ait vue depuis des années. Plus expérimentaux que Queens Of The Stone Age, plus doués que Ty Segall, plus fous que Jay Reatard, plus bruts que Arcade Fire, plus éclectiques que les Black Keys... les King Gizzard vont au-delà de tout, ils sont outranciers, excessifs, débordants : trop de membres (sept), trop de disques (12 en comptant les EP), trop de styles musicaux (presque un par album), trop de génie. 

Le pire, c'est que le monde entier commence à s'en apercevoir. Quand paraît '12 Bar Bruise', le groupe joue alors pour un public de niche : sa musique se range dans la catégorie garage rock, les titres sont déjà brillants, ultra saturés, avec des refrains entraînants et des tonalités blues, mais ils n'intéressent d'abord que les Australiens. Cinq ans et neuf albums plus tard, King Gizzard tourne en Europe et aux Etats-Unis, passe dans l'émission de Conan O'Brien et débarque au festival de Coachella. 

Ça, c'est un concert.

Cinq disques prévus en 2017, rien que ça

Chaque nouveauté du groupe est désormais scruté par un nombre grandissant de fanatiques, qui s'émerveillent de la prolixité des musiciens et de leur capacité à se renouveler. Surf, garage, musique de films, jazz, progressif, folk, heavy metal, les King Gizzard ont touché à tout. Rien qu'en 2017, cinq albums sont prévus. Deux sont déjà terminés : 'Flying Microtonal Banana' et 'The Murder Of The Universe'. Le premier se décline autour d'instruments customisés pour pouvoir jouer des micro-intervalles, d'où un son de rock psychédélique mâtiné d'orient, d'airs arabes ou de complaintes indiennes. Comme souvent avec le groupe, le plaisir de l'écoute est à la fois instantané et réfléchi, la transe prend autant l'auditeur sur le fait qu'à travers le temps. 

Difficile en vérité de décrire précisément l'immense attrait qu'exerce King Gizzard. Bien sûr, il y a ce côté expérimental, qui plaira aux esprits complexes, mais il est toujours soumis à un impératif mélodique et à une efficacité rock redoutables. Surtout, les mecs n'ont jamais lâché l'essence de la musique populaire, le blues, qui transpire dans le groove de la rythmique, l'harmonica furieux d'Ambrose Kenny, les gimmicks en boucle des morceaux. King Gizzard, c'est d'abord de la puissance rock, ce sont des guitares qui nous balancent du fuzz en pleine tronche et deux batteries qui permettent de remuer la tête. En concert, ce constat est encore plus implacable : le groupe joue avec une intensité extraordinaire. Leurs shows à la Machine du Moulin rouge en 2015 puis à la Flèche d'Or en 2016, représentent ce qu'on a pu voir de plus grandiose sur scène ces derniers temps. 

L'expérience sensible de la fin d'un monde

Arrivé à maturité, leur son a aussi pris en amplitude. Le tout nouveau disque, 'The Murder Of The Universe', est une saga en trois chapitres tournant autour de la fin de l'humanité, des dieux, de l'animalité et de l'intelligence artificielle. En quelques 21 titres, King Gizzard passe à la sulfateuse le hard rock, le prog et le space rock des seventies. Le disque s'inscrit - avec une forme de distance critique - dans la veine des grands délires conceptuels un peu pompeux, entre SF et Heroic Fantasy, de ces années-là. Les voix off (une femme et un cyborg) qu'on entend sur 'The Murder Of The Universe' font ainsi penser à 'The War Of The Worlds' de Jeff Wayne (1978) et surtout à 'Doremi Fasol Latido' de Hawkwind (1972), un disque qui contient une chanson intitulé "Lord Of Light"... écho lointain du single "The Lord Of Lightning". 

Alors qu'il paraissait au premier abord un peu trop similaire à leur précédent chef-d'œuvre 'Nonagon Infinity' (dont on entend quelques thèmes ici ou là), 'The Murder Of The Universe' révèle peu à peu sa singularité complexe, avec parfois une dizaine de chansons possibles réunies en une seule, des transitions folles d'un titre à l'autres, une densité sonore exceptionnelle et un final destructeur, où la furie des instruments qui s'entrechoquent et des batteries qui se dérèglent permet à l'auditeur de faire l'expérience sensible de la fin du monde, ou plutôt la fin d'un monde, un monde sans âme et sans beauté, celui d'avant King Gizzard.

En concert au Cabaret Sauvage le 22 juin 2017.

Les 13 dernières minutes folles de 'The Murder Of The Universe :



Chez Conan O'Brien : 


En live sur KEXP :



Le disque 'Doremi Fasol Latido' de Hawkwind, influence évidente sur King Gizzard.

À la une

    Publicité