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Metallica sort 'Hardwired... To Self Destruct', son meilleur album depuis 20 ans

Écrit par
Emmanuel Chirache
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« C'est comme un vieil ami qui revient à la maison après des décennies d'absence. Un ami que vous pensiez mort. » L'avis de ce commentaire YouTube (et rappelons que la vérité est dans les commentaires YouTube) symbolise bien l'opinion d'une partie des fans sur le nouveau disque du plus grand groupe metal du monde. Une partie seulement, car l'immense famille Metallica compte dans ses rangs des membres si nombreux et variés qu'on ne saurait les imaginer tous d'accord. Dans le lot, il paraît qu'il y a même des mecs qui adorent "I Disappear" et d'autres qui n'aiment pas "The Outlaw Torn", c'est dire ! Quoi qu'il en soit, il faut une sacrée dose de mauvaise foi pour ne pas reconnaître que les Four Horsemen retrouvent ici une verve jouissive et une puissance du feu de Dieu qu'on ne leur avait pas connues depuis longtemps, même si comme toujours ils essuient les inévitables comparaisons avec leurs quatre premiers albums cultes.

Ce « quatre à la suite » allant de 1983 à 1988 constitue pour les observateurs un repère inébranlable, à l'aune duquel tous les nouveaux albums sont jugés. Le fan nostalgique rêve d'un retour à l'âge d'or, mais il réclame paradoxalement de l'audace, encore de l'audace, toujours de l'audace, au sein d'un genre pourtant très conservateur. D'après certains, 'Hardwired... To Self Destruct' serait intéressant, mais trop prévisible, trop sage. Ironique, quand on connaît l'accueil détestable réservé par les fans aux étonnants 'Load' et 'Reload', exploration passionnante quoique décousue dans les eaux hard rock, blues, voire country. Un traumatisme que James Hetfield et Lars Ulrich ne furent pas près d'oublier et qui les poussera par la suite à opérer un revirement à 180° en retournant aux fondamentaux metal sur 'St Anger' et 'Death Magnetic' dans les années 2000.


Une réhabilitation des années 1990, dans la lignée du 'Black Album' et de 'Reload'

Dans une certaine mesure, les disques de Metallica constituent autant de nuances Pantone, chacun étant comparé aux précédents et venant s'ajouter à la palette globale de couleurs des musiciens. A cet égard, 'Hardwired... To Self Destruct' se situe quelque part entre 'Master Of Puppets' pour les riffs agressifs et thrash, le 'Black Album' pour les connotations plus heavy et 'Reload' pour la touche bluesy et le groove. Par exemple, "Hardwired", le titre qui ouvre le premier disque sur les chapeaux de roue, ressemble beaucoup à "Damage Inc.", tandis que "Atlas, Rise!" fait penser à "Master Of Puppets". Quant à "Dream No More", il s'inscrit dans la continuité de morceaux lents et heavy tels que "The Thing That Should Not Be" et "Sad But True". L'influence de 'Reload' est plus diffuse, même si on la perçoit clairement sur pas mal de chansons.

Il faut dire que la production, signée Greg Fidelman, s'approche davantage de celle de Bob Rock, ample et onctueuse, que de celle de Rick Rubin pour 'Death Magnetic', rabougrie et saturée. Si l'auditeur a l'impression de retrouver un vieil ami disparu en écoutant 'Hardwired... To Self Destruct', c'est d'abord parce que le mix et les compositions mettent de nouveau en avant l'aspect mélodique des morceaux, la véritable marque de fabrique de Metallica. Et il y a des moments éminemment mélodiques sur ce disque : le break de "Dream No More" et son solo, les harmonies et les moments épiques de "Spit Out The Bone" ou de "Halo Of Fire" (on se verrait bien jouer à 'Mega Man 2' sur la fin du titre), le pré-chorus de "Moth Into Flame", le solo au vibrato de "Now That We're Dead", l'intro basse/guitare très 'Black Album' de "ManUNkind"... 

Parce qu'on ne cite pas Mega Man 2 pour rien

Sur YouTube, les « réactions » ont remplacé la vieille critique musicale

Au final, le seul problème du disque tient au choix du double CD, que rien ne justifie réellement. Là où un simple aurait dilué les défauts, le double souligne la différence de niveau entre les premiers et les derniers morceaux qui, à l'exception du démentiel "Spit Out The Bone", perdent en intensité. Alors que les six premiers titres mélangent cavalcades thrash et superbes plaidoiries heavy, les cinq suivants alternent le bon et le moins bon. Un honnête "Confusion" ouvre timidement la danse, suivi par le groovy "ManUNkind", hommage au black metal sans black metal. Enchaînent alors les trois morceaux les moins intéressants, "Here Comes Revenge", "Am I Savage ?" et "Murder One".

Ce dernier vaut surtout par son clip, un film d'animation en forme de biopic sur la vie de Lemmy Kilmister, leader de « papa Motörhead » comme le disait Lars Ulrich en parlant de ses influences - le rôle de maman échoit à Iron Maiden. Pour l'anecdote, il faut savoir que le groupe a réalisé un vidéoclip pour chaque chanson, rien que ça. On aurait pu s'attendre au pire vu le passif de Metallica en termes de direction artistique (cf. l'atroce pochette de 'Hardwired... To Self Destruct', au moins un truc qui met tout le monde d'accord), mais certains tirent leur épingle du jeu tel que "ManUNkind", réalisé par le célèbre Jonas Akerlund (Madonna, Beyoncé, Rammstein...), auteur du fameux clip de "Smack My Bitch Up" et lui-même ancien membre d'un groupe de black metal suédois. La vidéo reproduit fidèlement un live des black metalleux Mayhem, ces concerts épiques qui les ont rendus fameux à coups de maquillages, scarifications et têtes de cochon.

Sur le Net, les internautes sont partagés entre la joie de revoir un bon Metallica aux affaires et la légère déception due à la longue attente, un peu comme si vous espériez obtenir un meilleur croissant parce que vous avez fait la queue avant d'arriver à la caisse. Peu importe qu'on ait attendu ou non le disque, le groupe fait clairement le boulot et le temps le bonifiera probablement à la longue, à l'image de 'Load' et 'Reload'. L'autre tendance qui envahit YouTube, ce sont ces « réactions », nouvelle panacée de la critique musicale : un type écoute le disque dans sa chambre ou son salon et filme sa propre réaction. Il écarquille les yeux, fait des mimiques, pousse des « I like that ! » et balance du headbanging en rythme. L'émotion prime sur la réflexion et il faut reconnaître que ces vidéos permettent de transmettre rapidement ses sentiments, elles ajoutent à la simple musique une dimension humaine supplémentaire. Rien que pour ces grands moments de partage, on remercie Metallica d'avoir sorti 'Hardwired... To Self Destruct'.

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