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Naomi Greene : rencontre avec une jeune chanteuse en devenir

Écrit par
Matthieu Petit
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Lorsque l'on écoute Naomi Greene chanter, on se retrouve vite plongé dans le passé. Celui des chanteuses folk sixties, dont la grâce venait caresser les cœurs fragiles et les âmes sensibles le temps d'une complainte douce et rêveuse. Qu'elle soit debout avec sa guitare ou assise avec sa harpe, Naomi ensorcelle son auditoire : celui du Truskel où elle se produisait fin octobre s'en souvient encore. Time Out a rencontré cette jeune Franco-Américaine passée par des écoles d'art prestigieuses et qui aimerait bien travailler avec Sufjan Stevens. C'est tout le mal qu'on lui souhaite.

Présente-toi aux lecteurs de Time Out Paris.

Je m’appelle Naomi Greene, j’ai 23 ans, et je suis musicienne et actrice. Je reviens de cinq ans aux Etats-Unis où j’ai étudié au Bard College de New York et à CalArts (California Institute of The Arts) à Los Angeles pour recommencer à travailler sur des projets musicaux.

Tu es Franco-Américaine. Est-ce que tu te sens plus proche d’une de ces deux cultures ?

Le problème quand on est les deux, c’est qu’on n'est ni l’un ni l’autre (rires). En France, je suis l’Américaine et aux Etats-Unis, je suis la Française. Mais j’aime bien avoir ces deux cultures. J’ai grandi à Paris dans le quartier du canal Saint-Martin avec une mère américaine peintre et un père français ingénieur du son, donc dans un milieu assez artistique. Je baigne dans ce mélange depuis toujours, je ne fais pas de distinction.

Comment t’es-tu mise à faire de la musique ?

J’ai commencé à jouer de la harpe au conservatoire à 7 ans, puis j’ai arrêté à 12 quand j’ai découvert le rock. J’ai appris la guitare en autodidacte grâce à mon père car il en avait une magnifique (rires). J’ai monté mon premier groupe de rock et on a commencé à faire pas mal de concerts au Gibus ou dans des tremplins au New Morning. En fait, j’ai commencé à écrire des chansons très tôt.  

© Lauren Sego

C’est également vers cette période que tu as été remarquée au cinéma dans ‘Bus Palladium’ de Christopher Thompson. Comment t’es-tu retrouvée dans ce projet ?

Par hasard, en fait. Une copine m’a dit que je devais aller à ce casting car ils cherchaient une fille aux cheveux courts qui chantait. J’y suis allée et tout s’est bien passé, on a eu un super feeling. C’est comme ça que j’ai commencé le cinéma car je n’avais aucune expérience auparavant.

Une de tes chansons, ‘Iron House’,  s’est retrouvée dans la BO du film. T’avaient-ils demandé de ramener tes propres morceaux ?

Ils m’avaient demandé de ramener une guitare pour chanter mais pas forcément des chansons à moi, car ils en avaient écrit spécialement pour le film. Je suis finalement venue avec trois morceaux que j’avais écrits et ils ont beaucoup aimé. Parmi ces chansons, il y avait ‘Iron House’, et ils l’ont tellement aimée qu’elle s’est retrouvée sur la BO du film. 

Après 'Bus Palladium' et alors que tu avais plusieurs projets, tu t’es envolée pour les Etats-Unis. Pourquoi ce choix ?

Je venais d’avoir mon bac et j’ai eu envie de partir, de vivre quelque chose de très différent. En effet, c’est un moment étrange pour décider de partir car j’avais écrit des chansons pour le film 'Silhouettes' de Lars Knorrn, j’avais un agent, etc. J’aurais pu rester mais je voulais faire des études générales. Ces écoles américaines sont très libres et proposent des choses extrêmement variées : quand j’étais à New York, j’ai étudié les lettres, le théâtre, la musique, la philo. Puis je suis allée à CalArts quand je me suis rendu compte que j’avais vraiment envie de faire des études d’art.

Tu en gardes un bon souvenir ?

Oh oui, c’était génial. On nous pousse à l’expérimentation, à faire des choses totalement nouvelles, à collaborer avec des personnes auxquelles on n’aurait jamais pensé. J’ai par exemple travaillé avec des danseurs, j’ai fait de la musique pour des spectacles, mais j’ai aussi joué dans de petits courts métrages. C’était un espace de découverte, je me suis mise à toucher un peu à tout.

Finalement, te revoilà à Paris pour faire de la musique. Est-ce que tu n’avais finalement pas envie de toucher à tout pour savoir ce qui te plaisait réellement ?

Ah oui, totalement. Je me suis finalement retrouvée avec beaucoup de chansons et je voulais en faire quelque chose. En ce moment, je travaille sur des arrangements pour définir ce que sera mon son. Je ne me sens pas encore prête à sortir un album mais je prépare un EP qui pourrait arriver dans six mois. Je ne me presse pas car j’ai envie que ce soit quelque chose que je vais aimer pendant des années.

Tu vas le réaliser seule ?

Je suis seule pour le moment mais j’ai envie de m’entourer, de trouver la bonne personne avec qui travailler. J’adorerais bosser avec Sonny Diperi, qui produit le nouveau Animal Collective et qui est un ami. Après, je fantasme sur des gens comme Sufjan Stevens, ce genre de son-là. Je travaille simplement des arrangements avec un ami et on part dans un délire plus trip-hop, plus électronique comme Portishead ou Jamie xx.

© Jean Picon

Sur scène, tu as un set en deux parties : un à la harpe et un autre à la guitare électrique. Tu t’es donc remise à la harpe. Qu’est-ce que cet instrument t’apporte que tu ne retrouves pas ailleurs, notamment à la guitare ?

Bonne question… J’aime beaucoup le côté tactile de la harpe. C’est comme une extension de mon corps. Je suis assise, j’enlace presque l’instrument. J’adore le son de la harpe, qui est très familier mais tellement peu utilisé que les sonorités paraissent très nouvelles. Et puis j’ai découvert la musique de Zeena Parkins et ça m’a donné envie de m’y remettre. Je joue même de la harpe électrique, j’en ai beaucoup fait à Los Angeles. J’aimerais bien développer un peu plus tout ça dans mes chansons, mais il faut que je trouve une formation instrumentale adéquate.

Tes titres sont en anglais. Tu n’as écrit qu’une chanson en français, ‘Ma Belle’. Est-ce plus dur d’écrire en français, même pour toi qui parles les deux langues ?

Oui. Je n’aime pas vraiment le côté « chanson française », je trouve les sonorités plus froides. Ce n’est même pas un choix, car je pense en anglais et en français simultanément, mais ce qui me vient en musique est en anglais car c’est une langue plus mélodique, les mots peuvent avoir un impact plus fort dans la simplicité. En français, on a tendance à faire de la poésie en musique, et même si c’est très beau, je ne recherche pas vraiment ça. J’essaie pourtant d’écrire en français, mais je me concentre plutôt sur la musicalité dans les paroles, je ne veux pas favoriser le sens plutôt que le son. Quand je chante ‘Ma Belle’, on me dit souvent que j’anglicise le français dans mes intonations, ce qui est sans doute vrai après tout. Ca ne me branche pas forcément parce que les titres en français anglicisé qu’on entend à la radio sont souvent dégueulasses. Après, j’adore ce que fait Manu Chao par exemple car il ne s’arrête pas au sens : il arrive à faire groover les mots aussi bien en français qu’en espagnol et en anglais. Il s’intéresse vraiment au son des mots, et c’est très dur à faire. Mais j’aimerais bien écrire en français, car je n’aime pas me borner à quelque chose, même en matière de genre musical. Je m’intéresse à plein de choses différentes.

Tu as une voix très douce et en même temps un peu éraillée. On peut penser à Dolores O' Riordan (The Cranberries)... Quelles sont tes principales influences vocales ?

J’aime beaucoup Linda Perhacs, elle m’a beaucoup influencée. J’adore Fiona Apple, Björk, même si je ne peux pas l’écouter vraiment longtemps, mais certaines chansons comme 'Joga' me font hérisser les poils. J’aime aussi beaucoup des chanteuses expérimentales comme Meredith Monk car elle va dans la même direction que certains principes étudiés à CalArts. A terme, j’aimerais bien utiliser la voix comme un véritable instrument.

Un EP en préparation donc, mais aussi des projets de concerts ?

Oui, je joue le 29 novembre au El Alamein, une péniche proche du Batofar. Il y aura plus d’arrangements et plus de musiciens que lors de mon précédent concert, car on l’avait préparé très rapidement, en deux jours seulement.

© Pete Karpush

Parlons un peu de Paris. Même si tu vis désormais entre Paris et Los Angeles, quel est ton rapport à la capitale ?

J’adore Paris. Après, le fait de repartir et de revenir me fait sans doute aimer encore plus Paris, ça évite de penser trop négativement. J’ai grandi près du canal-Saint Martin et c’est un quartier que j’aime énormément.

Quelles sont justement tes bonnes adresses de bars et de restaurants ?

J’aime beaucoup le Café Lamartine et le Comptoir Général, ce sont un peu mes spots de toujours. J’adore aussi Voy Alimento, un resto vegan situé dans la rue des Vinaigriers tenu par une femme péruvienne qui fait absolument tout, qui cuisine toute seule. C’est trop bon. Sinon, j’aime bien Bob’s Kitchen à Arts et Métiers. Après, quand il s’agit de sortir, je traîne plus souvent vers Bastille ou Saint-Paul. Je vais au Stolly’s, au Bottle Shop, au Red House et à la Mécanique Ondulatoire.

As-tu des lieux où tu aimes te promener, flâner ?

J’adore Montmartre, surtout le soir quand il n’y a personne, c’est d’autant plus beau avec autant d’espace. Et le soir quand il pleut, c’est magnifique. Tu rentres dans un autre espace-temps avec toutes ces lumières qui se réfléchissent sur les pavés. J’aime bien aussi le quartier de Saint-Paul la nuit, car je n’aime pas me balader dans les vieux quartiers mignons la journée. Trop de monde, trop touristique et lorsque ce ne sont pas des touristes, ce sont toutes les belles personnes bourgeoises du quartier qui m’insupportent un peu. Après, j’adore me promener durant la journée au parc des Buttes-Chaumont, c’est très nostalgique car j’y ai passé beaucoup de temps petite. En fait je ne suis pas du tout rive gauche (rires).

Pour finir, qu’est-ce qu’on peut te souhaiter pour la suite ?

Que ça marche, de faire plein de chansons et de rencontrer quelqu’un qui va me stimuler musicalement. Je cherche une âme sœur musicale, une bonne personne pour construire avec moi quelque chose qui me plaira. 

 

En concert sur la péniche El Alamein le 29 novembre. 

Site officiel.

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