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On a visité l’atelier de… Nebay

Écrit par
Clotilde Gaillard
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Du 14 au 16 avril, l’artiste expose ses toiles street-artistiques à la galerie 42b. Et pour l’occasion, il nous a gentiment ouvert son havre de création.

Quand on est sorti de la station Kremlin-Bicêtre, on a failli ne jamais le trouver, le repaire de Nebay. Il faut dire que, dans l'artère où il se situe, aucun numéro n’est indiqué. Heureusement qu’à ce moment-là Nebay a débarqué comme un chevalier – avec, en guise de destrier, une camionnette blanche –, sinon on serait encore en train de le chercher !
Barbe rousse, yeux bleus et bonnet en laine sur la tête, Nebay (Ben de son vrai nom) nous ouvre la porte de son atelier. Le quatrième depuis que le graffeur a exporté son art de la rue à la toile. De son éducation picturale urbaine, débutée à l’âge de 13 ans à peine, il ne regrette d’ailleurs rien. Pas même l’illégalité : « Cela a forgé mon caractère, m’a appris la rigueur, la détermination et à travailler vite », reconnaît l’artiste.

A l’intérieur de cet ancien local technique de la ville, chère au cœur de Nebay puisqu’il y a grandi, règnent un chaos inspiré, de la convivialité et une odeur entêtante de bombes aérosols. Celles-ci côtoient d’ailleurs une pyramide de pots de peinture et des châssis abandonnés en vrac sur les murs. En fond sonore, Radio Nova accompagne notre visite comme elle escorte Nebay dans ses exaltations imaginatives. « Oui, la musique joue forcément sur mes émotions et m’influence », admet notre guide. « Sauf quand je peins avec un pote, là elle sert juste en ambiance. »

Car Nebay, aussi généreux que chaleureux, partage souvent ses 80 m2 d’atelier avec certains de ses amis, artistes eux aussi. Pendant que notre hôte nous offre un café, l’un d’eux débarque d’ailleurs pour travailler. Mais avant, il file un coup de main à Nebay, qui entreprend d’installer ses tableaux sur le sol en béton afin de nous les montrer.

© C.Gaillard

Il y a vingt-six toiles en tout, réalisées en seulement six mois. D’inspiration cosmique, ce sont elles qui composeront la nouvelle exposition de Nebay à la galerie 42b : ‘Big Bang’. Un nom bien choisi pour cette nébuleuse d’œuvres abstraites mêlant lettres, chiffres et encodage dans une collision originelle planante. Un voyage dans l’univers spatial et spécial de Nebay qui se fait en quatre escales. La première, ‘Combustion’, matérialise la fusion de matières éparses et désordonnées qui posèrent les bases de toute création humaine. Un véritable symbole où les caractères et les formes dessinés s’agitent frénétiquement, tel un amas d’atomes sur lequel on zoome : c’est la seconde partie du ‘Big Bang’. Sur un support de mots blancs invisibles, particules élémentaires insoupçonnées qui engendrent pourtant toute la dynamique, ces détails plus épurés happent le spectateur. Ils « pourraient même s’admirer allongé, à l’image d’une voie lactée », fait remarquer Nebay, qui y a subtilement glissé des indices personnels comme le prénom de sa fille.

Si cette série-là nous convie à la rêverie, les deux dernières (intitulées ‘Formules’ et ‘Réflexions’) s’avèrent, elles, bien plus cérébrales. Presque aussi insondables que les mystères interstellaires. Devant notre air perdu, Nebay nous aide à déchiffrer l’harmonie tumultueuse de ses toiles où les chiffres deviennent des lettres et où Mars s’écrit « MA 18 19 ». Un aspect ludique et pédagogique rappelant que l’artiste anime parfois des ateliers dans les écoles avec son camarade Meushay. Pétri de passion et de patience, Nebay nous explique donc ce cryptage, jeu de cache-cache à la base du graff illégal de ses jeunes années. « Après, tu peux aussi aimer sans comprendre », ajoute-t-il, amusé.

© C.Gaillard

Il faut dire que l’esthétique des œuvres de Nebay se suffit à elle-même. Dans ce lieu où la lumière de l’astre solaire filtre peu à travers les étroites fenêtres, ces toiles éclairent de leurs couleurs vives les cloisons ternes.

Au cœur de leur dimension galactico-hypnotique, le trait aérien de la bombe aérosol est omniprésent. Pour cause : la rencontre du gaz et de l’élément peinture dans une explosion créative produit un écho magnifique au ‘Big Bang’. Mais on y retrouve également les fameux drippings de Jackson Pollock et les trames de Roy Lichtenstein. Quant au graffiti venu d’outre-Atlantique, et notamment de San Francisco, il a aussi beaucoup déteint sur le style de Nebay, grand voyageur. Tout comme sur celui de JonOne, avec qui on l’a trop souvent et injustement comparé.
En vadrouillant à travers le monde, Nebay s’est en effet nourri de techniques diverses et variées pour développer les siennes, originales. Sa particularité : ne jamais toucher la toile quand il bombe, même pour tracer des traits fins et éthérés. Son astuce : glisser des aiguilles aux embouchures de ses aérosols et graffer aussi bien à l’horizontale qu’à la verticale.
« Attends, je vais te montrer », nous avertit l’artiste. Et voilà Nebay qui s’accroupit pour nous faire une démonstration à même le sol en béton. Fasciné, on comprend alors pourquoi les murs sont recouverts de tags et de jetés de peinture : eux aussi servent de brouillons impromptus.

© C.Gaillard

Avec la même énergie qu’une collision de planètes, l’artiste nous mène ensuite dans un petit réduit à l’arrière de l’atelier, afin de nous faire découvrir ses futurs projets. Et le graffeur prévoit de se mettre à la sculpture sur bois. Il a déjà commencé avec le médium, créant des œuvres en relief qui prennent étonnement vie lorsqu’on les accroche sur un mur blanc. Développer le concept d’autoportrait, non pas physique mais intime et intérieur, fait également partie de ses plans. En témoignent ses carnets de croquis parsemés d’esquisses absconses.

Et quand on lui demande si l’époque où Nebay taguait les abribus et dénonçait l’hypocrisie de la publicité est révolue, il nous assure que non : « Je suis un cycle artistiquement parlant, je reviendrai donc un jour à ce style d’œuvres vindicatives. » Alors, en attendant de revoir l’artiste détourner des affiches en collages drôles et pertinents, on se laissera transporter au sein de son ‘Big Bang’ chamarré à la galerie 42b. Et on repart, la tête dans les étoiles, de cette visite d’atelier privilégiée.

Quoi ? • L’exposition ‘Big Bang’ de Nebay.

Où ? • A la galerie 42b, 68 rue Léon Frot, Paris 11e.

Quand ? • Du 15 au 16 avril, de 13h à 19h. Vernissage le jeudi 14 avril à partir de 18h.

Vous avez aimé visiter avec nous l'atelier de Nebay ? Alors, visitez aussi celui de Jérémie Baldocchi.

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