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On adore les fiches de lecture un peu spéciales de Sacha et Augustin

Écrit par
Emmanuel Chirache
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Norman, Cyprien, Paul Taylor... Oubliez vos youtubeurs habituels, amuseurs légers du quotidien, qui font des blagues sur leur grille-pain ou la caissière d'Auchan. Terminé le ras des pâquerettes mdr, voici une chaîne YouTube qui vole un peu plus haut. Avec leurs "Fiches de lecture" diffusées sur la webradio PiiAF, Sacha Béhar et Augustin Shackelpopoulos pratiquent un humour noir raffiné et lettré, du genre à rigoler en parodiant une émission littéraire sur un ton oscillant entre absurdité dada et Jean-Luc Godard.

Très écrits, les sketches ridiculisent brillamment le discours intellectuel tel qu'il se montre dans les médias. Journalistes littéraires et culturels en prennent pour leur grade, évidemment, mais on s'y moque aussi du franglais utilisé par le marketing, des tics de langage convenus, des formules toutes faites que chacun emploie au quotidien... Exemple ? Dans la fiche de lecture sur Nietzsche, Augustin se lance dans une belle imitation d'un critique musical branchouille en évoquant le philosophe allemand comme on le ferait de David Bowie : « Je le trouve franchement rock, ce grand bonhomme, revenu de tout, sauf de lui-même - heureusement putain -, sorte d'aristo trash du désespoir, glossy et mystérieusement tonique aussi. »

En quelque sorte, Sacha et Augustin sont impitoyables avec tous ceux qui se la racontent. Ils nous obligent à réfléchir deux secondes aux clichés débiles qui régissent nos paroles sans même qu'on s'en aperçoive, aux codes arbitraires qui s'insinuent dans nos vies. Dans la fiche de lecture sur l'écrivain Edouard Louis, Sacha nous confie : « On a affaire à un roman social, sociologique, auquel je mets la note de 7. 7/10, ou 7/20 ? Je ne vous le dirai jamais. » Surtout, les deux compères appuient là où ça fait mal : pédophilie, violence, mort (qui d'autre qu'eux peut insérer un plan de joggueur qui fait une crise cardiaque entre deux discussions ?), et nazisme. 

On dénote une légère obsession pour les vannes sur le IIIe Reich chez eux, mais avec un second degré génial qui rappelle bien entendu Pierre Desproges. Il fallait oser la fiche de lecture sur 'Mein Kampf', un délire grandiose et provocateur qui réussit son pari haut la main. Là encore, les expressions toutes faites sont insérées avec brio : Adolf Hitler devient « celui que vous allez adorer détester » et « le pire Allemand de l'histoire après Hegel », sa prose est « illisible, pire que Mallarmé » et « aussi absurde que Beckett ». Augustin : « De toute façon moi les nazis, j'aime que les débuts, 'fin je suis resté très SA. » En utilisant les clichés du langage journalistique et littéraire sur 'Mein Kampf', Sacha et Augustin font non seulement beaucoup rire mais ils nous aident à mieux écrire nos textes, à mieux parler, ou juste à fermer nos grandes bouches. 




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