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On est allé voir l’exposition de Michel Houellebecq… et on fait la fine bouche

Écrit par
Clotilde Gaillard
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Le plus étrange des écrivains français est à la fois sujet, artiste et commissaire de l'exposition 'Rester vivant' au Palais de Tokyo. Un mélange des genres perturbant.

On n’a jamais autant vu ses (quelques) cheveux hirsutes qu'en ce moment. A la télévision, dans les journaux et maintenant dans les musées, difficile de lui échapper... Il est partout ! La raison : Michel Houellebecq a pris possession du Palais de Tokyo jusqu'au 11 septembre 2016 avec son exposition 'Rester vivant'.

Un projet dont l'auteur de ‘Soumission’ a tenu les rênes de bout en bout, du contenu à la scénographie en passant par la réalisation de nombreuses oeuvres présentées. En investissant l’un des plus grands centre d’art contemporain d’Europe, Michel Houellebecq a finalement trouvé un espace à la mesure de son ego.

Chercher la raison 

« Accueilli » par le grand format d'un paysage rocheux, vierge de vie et aux cimes coupantes, on pénètre dans un labyrinthe obscur et tortueux parcouru d'images incongrues. Sont-ce là les méandres du cerveau de notre hôte, son dédale cérébral ? En tout cas cela y ressemble. Sinon pourquoi Michel Houellebecq aurait-il accroché des radiographies de sa boîte crânienne, elle-même enfermée dans un mausolée (don d'un admirateur) fait des cannette de Coca et gravé de l’épitaphe « Michel Houellebecq, 1958-2037 » ?

© C.Gaillard/M.Houellebecq

Bref, on peine à expliquer le choix des créations qui composent l’exposition, tant l’essayiste semble faire son maximum pour rendre celle-ci hermétique. Après tout, offrir au visiteur des pistes d’interprétation n’est sans doute pas son souci premier. A l’image d’un hôte peu amène qui vous convierait chez lui puis claquerait la porte pour aller se faire un ciné, vous laissant comme deux rond de flan à végéter, mal-à-l’aise, sur le sofa. Mais même ballotés d'inconnues en inconnues, de problème en incompréhensions, on cherche à résoudre l'équation. Acharnés, on persiste à voir des signes, à débusquer des explications partout. 

Lorsque l'on débouche enfin à la lumière, après un long tunnel de ténèbres, n'est-ce pas là l’allégorie d’une renaissance ? Et ce tapis de sets de tables touristiques, parasité par des clichés de Lidl, "hypermarché social", abandonné en pleine friche industrielle, est-ce la matérialisation de l'espoir d'un ailleurs meilleur cours-circuité par l'immonde crudité de la réalité ? Et à quel degré doivent se prendre les mantras sibyllins qui s’impriment sur certains clichés et montages photographiques aux couleurs saturées – notamment « Les morts sont habillés en bleu », citation qui nous turlupine depuis notre visite ?

© C.Gaillard/M.Houellebecq

© C.Gaillard

« Allongez-vous Monsieur Houellebecq » 

Finalement, on se résigne à abandonner l’idée de psychanalyser Houellebecq au moment de débarquer dans une pièce aux murs et au plafond recouverts d’une matière entre la tapisserie et le paillasson. Ici sont exposés des portraits de jeunes femmes (presque des filles !) shootées sous toutes les coutures du string. Une ambiance de maison-close vétuste qui contraste fortement avec la salle suivante, entièrement dédiée à son défunt compagnon Clément. Clément, un Welsh Corgi Pembroke au regard aussi larmoyant que son maître (et toutefois plus attachant) dont Houellebecq semble n’avoir jamais fait le deuil – sa « particule élémentaire » en somme.

Dans les (jolies) aquarelles peintes par son ex-compagne Marie-Pierre Gauthier et le tombeau de verre qu’il a dressé pour les jouets de son chien, l’écrivain livre en effet toute l’affection dont il est capable. Face à une personnalité aussi schizophrénique, ressentant a priori moins d’estime pour les Hommes que pour les bêtes, on se dit que même Marc Olivier-Fogiel et son divan ne peuvent plus rien pour Michel. Et on ne peut s’empêcher d’être sérieusement mal-à-l’aise.

© C.Gaillard/M.Houellebecq

Or, si un peu de gêne n’est pas pour nous déplaire – on va au musée pour être bousculé, que diable ! – trop d’inconfort devient presque irrespectueux. Avec 'Rester vivant', on a donc l’amère sensation de parcourir l'album d'une existence, celle de Houellebecq, qui cherche à se faire passer pour universelle. Mais cet ego trip, poussé à son paroxysme, ne prend pas car on sent bien que l’artiste n’aime pas les gens.

Heureusement que la partie en association avec le peintre Robert Combas, matérialisant de son art brut les poèmes de Michel Houellebecq et croquant ce dernier avec son chien, vient nous apporter une bouffée d’art frais.

© C.Gaillard/R. Combas

Quoi ? 'Rester vivant' de, par et sur Michel Houellebecq

Où ? Au Palais de Tokyo, 13 avenue du Président Wilson, 16e

Quand ? Jusqu'au 11 septembre 2016 

A voir également : Mika Rottenberg au Palais de Tokyo

A noter que, depuis notre visite, le Palais de Tokyo a pris la décision de distribuer un livret explicatif aux visiteurs afin d'apporter un éclairage sur les choix artistiques de Michel Houellebecq. 

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