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Témoignages : Nos pires jobs d'été

Écrit par
Emmanuel Chirache
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L'été, période des vacances ? Pas pour tout le monde. Quand on est un étudiant fauché (pléonasme), cette saison permet surtout de garnir son portefeuille à l'aide d'une mission intérimaire, d'un remplacement saisonnier, de menus services rémunérés. Bref, d'un « job d'été ». A la rédaction, nous sommes tous passés par là et nous en gardons un souvenir à la fois ému et pénible. Un job d'été, c'est forcément un peu nul, un peu déprimant, un peu ennuyeux ; un premier contact raté avec le monde de l'entreprise, un mois de pauses-café glauques et de fournitures de bureau volées, ou encore l'occasion de vous rendre compte que vous allez tout faire pour ne jamais devenir télé-marketeur. Mais c'est aussi quelques bons moments, comme vous allez le constater. Après tout, c'est l'été et il paraît que la misère est moins pénible au soleil.

Emmanuel • Yoyo humain

Parti sur un coup de tête en Italie avec des amis de la fac, je me suis retrouvé à la recherche d’argent pour rembourser l’un d’entre eux. Je m’inscris alors dans une agence d’intérim et trouve facilement un emploi d'avenir : je serai yoyo humain à la tour Montparnasse. Le boulot n’est pas très compliqué : vissé sur une chaise dans l’un des deux monte-charge de la tour, je suis un peu le « chauffeur » de l’engin. En effet, si vous appelez le monte-charge, il ne bouge pas. En revanche, c’est à moi que revient la lourde tâche d'emmener cet ascenseur un peu spécial vers sa destination. Evidemment, ceux qui passent par là ne sont ni les touristes en visite, ni les cadres supérieurs des bureaux, mais les ouvriers, les employés de la poste et les femmes de ménage.

Avec 56 étages au compteur de la tour Montparnasse, il y a de quoi s’amuser et voir du pays. Passer du 5e au 48e, c’est un vrai voyage à la verticale. A l’intérieur, je ressemble au cliché du sorbonnard : j’écoute France Culture sur une petite radio et je lis Proust assis sur ma chaise. Une vision surréaliste pour les gens qui passent, j’imagine. Quand je prends mon service à 6h30 du matin, les femmes de ménage maghrébines m’offrent un café en m’appelant leur « fils » et ça fait chaud au cœur. A midi, je mange les restes du restaurant situé au 54e.

L’autre monte-charge est occupé par l’employé habituel, qui vient de rentrer de congé. C’est Astérix tout craché : grosse moustache blonde, joues rouges et franchouillardes, bagout à revendre. Le clou du spectacle, c’est lui : tous les soirs, je l’aide à ramasser les poubelles déposées par les gens du ménage à chaque niveau. 56 étages de poubelles à entasser dans le monte-charge en seulement deux passages ! L’homme connaît son ouvrage, il programme d’abord notre ascension en appuyant sur des boutons choisis avec soin (« on va au 5e, au 6e, au 7e, au 10e, au 15e, au 16e, etc. »), puis compose une sculpture de sacs-poubelle avec un art consommé du gain de place. Un vrai Michel-Ange du monte-charge, car il n’y a pas de sots métiers.

Louise • Hôtesse : de l’air !

Vous avez une paire d’escarpins, des cheveux pas trop en pétard, et vous êtes en rade d’argent et de dignité ? Vous pouvez sans problème expérimenter la douloureuse profession d’hôtesse d’accueil. Rémunérée en moyenne 10 € de l’heure pour faire la potiche ? Certains diraient que c’est cher payé. Pour ma part, j’ai eu l’inestimable chance de remplir cette fabuleuse fonction à l’occasion d'un salon aéronautique, aux prémisses d’un été qui s’annonçait médiocre. Une semaine de 10h à 17h payée un peu moins de 500 euros, ça me donnait un peu de baume au cœur.

Affublée d’une tenue qui devrait être interdite par la loi contre le racolage – mini-jupe, talons aiguilles et décolleté plongeant –, il me manquait juste une pancarte avec écrit « s’il-vous-plaît, reluquez-moi chers grands patrons libidineux venus acheter des gros navions ». Tout ça pour dire bonjour environ 986 fois par jour et indiquer les toilettes à des ersatz de DSK.

Pour couronner cette mascarade de sourires hypocrites, une chef hôtesse (sorte de kapo avec une activité cérébrale proche de la méduse) était tenue de nous rendre visite par surprise pour voir si nos cheveux étaient bien laqués et si on avait correctement adopté le comportement d’un papier peint humain. Une véritable expérience dans les limbes de la stupidité et du rouge à lèvres bon marché. Courez-y !

Justine • Dogsitter pour chien chaud

Parfois, on se dit qu’un job d’été chez soi c’est mieux et plus tranquille. Parfois, on a tort. L’été dernier, j’ai décidé de m’inscrire en tant que « dogsitter » sur un site pour garder des chiens dont les propriétaires partaient en vacances. Vu que mes liquidités commençaient à ressembler à celles des banques grecques, j’en ai accueilli deux en même temps sans prévenir les maîtres respectifs que leur petit compagnon ne serait pas seul (sans parler de mes deux chats également). Mon doux logement, propre comme un sou neuf, s’est transformé en porcherie en l’espace de quelques jours.

Sans le savoir, je recueillais un chien mâle non stérilisé et une femelle. J’ai donc eu l’occasion de voir ce chien essayer de grimper la pauvre femelle tous les jours, tandis que mes chats étaient poursuivis par ce même molosse, qui sentait tout sauf la rose. J’espérais au moins dormir un minimum le matin, mais je n’avais pas pensé aux aboiements nocturnes et au pipi à l’aube. Cerise sur le gâteau, les appels journaliers de la maîtresse de la bête perverse, qui voulait savoir « comment va Kiki ? ». Pire que pour un enfant. Un job d’été payé une misère et qui dégoûterait le plus grand fan de "30 millions d’amis". En somme, je préfère les chats.



Alexandre • Souvenirs, souvenirs

En fait, ce job d’été n’est sans doute pas vraiment le pire que j’aie fait – moins pénible en tout cas que les plateformes de télémarketing ou la vente d’abonnement OFUP à des étudiants sur le point de partir en vacances (ah oui, j’en ai fait, des tafs relous). En revanche, je dois reconnaître que ce travail m’a probablement, sur le coup, paru le plus délicieusement absurde et étrange. Il s’agissait donc, au niveau des arcades jouxtant le musée du Louvre, de vendre des souvenirs de Paris à des cars de touristes, entre une visite au musée et leur tour des grands magasins. Du grand n’importe quoi, en somme.

Boules neigeuses avec l’arc de Triomphe, t-shirts Jacques Chirac (floqués de cette fameuse photo où le maire de Paris saute les portillons du métro), porte-clefs en forme de tour Eiffel, magnets de la Joconde : tous les clichés y passaient. Et moi au milieu de tout ça, représentant à mon corps défendant du Parisien moyen (c’est-à-dire bafouillant un anglais assez minable avec une gueule de bois typiquement estivale), aux yeux de touristes principalement américains et japonais.

L’amusant, c’est qu’il ne se passait généralement rien pendant des heures, jusqu’à ce qu’un car déboule devant la boutique : alors, c’était une cohue incroyable, complètement dingue, de plusieurs dizaines de touristes occupés à trifouiller des moulins rouges miniatures sur un espace minuscule. Généralement, ce chaos durait une quinzaine de minutes. Puis plus rien. Si ce n’est l’attente du prochain car. Soit une ou deux heures à glander parmi l’hétéroclite folklore tricolore. Du coup, j’en ai profité pour lire un ou deux Dostoïevski pendant l’été.

Ceci dit, je dois tout de même reconnaître en garder un souvenir plutôt agréable, ayant par exemple eu l’occasion de faire marrer des touristes venus d’Amérique latine (qui me prirent certainement pour un fou), en essayant de leur expliquer pourquoi le Sacré-Cœur représentait en fait un monument assez dégueulasse. Heureusement, la boutique ne vendait aucun souvenir de Napoléon III.

Elsa • Le concierge rit

Fille d'immigrés portugais, je suis forcément passée par la case gardienne d'immeuble en été, histoire de respecter la tradition. Un boulot bien payé, plutôt tranquille, mais avec l'option « se lever à 5h du mat pour tirer les poubelles ». Vous savez, cette activité qui vous réveille en plein sommeil du juste, quand vous dormez les fenêtres ouvertes parce qu’il fait 35 degrés. A 20 ans, on ne rêve pas forcément de promener des bennes à ordures, mais ça forme la jeunesse. Totalement lessivée (lessive, Portugal…) à partir de 19h, je n'ai profité cet été là d'aucune soirée, d'aucun pique-nique improvisé avec mes potes, et surtout je suis ressortie plus blanche qu'en plein hiver. En revanche, j'avoue avoir suivi avec assiduité les aventures de la famille Abbott des 'Feux de l'amour' et revu plusieurs fois l'intégralité de 'Buffy contre les vampires'. Un été à l'ombre, mais hautement culturel. 

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