Ce n’est qu’à l’âge de 67 ans que Rabindranath Tagore, prix Nobel de littérature de 1913, découvre la peinture. Naît alors une boulimie créative, « dernière moisson » artistique que l’auteur de l’hymne national indien cultive pendant plus de dix ans. L’écrivain-poète bengali représente le monde qui l’entoure à coups de plume et de pinceau délicats, réalisant plus de 2 500 dessins et peintures, d’une grâce féérique, à la fin de son existence.
Près de cent œuvres réalisées entre 1928 et 1939, toutes plus poétiques les unes que les autres, sont à découvrir au Petit Palais. Autant de visions mystérieuses qui, comme des rêveries ou des parcelles de contes dont on ne fait que deviner l’histoire, étalent souvent sur des fonds sombres leurs premiers plans très lumineux, incandescents. Personnages, animaux, végétation prennent des formes presque liquides sous la naïveté du trait de Tagore. Universelles et oniriques, ses compositions inclassables, situées quelque part entre illustrations narratives, icônes mystiques et portraits expressionnistes, brouillent les frontières qui séparent l’Inde du XXe siècle du reste du monde. Et du temps.