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Manon Fleury chez DATIL
© Pauline Gouablin

Avant l’ouverture de son restaurant, Manon Fleury se livre à cuisine ouverte

Après des passages remarqués au Mermoz ou au Perchoir, Manon Fleury se pose enfin chez Datil, son restaurant à elle.

Antoine Besse
Écrit par
Antoine Besse
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Les équipes astiquent les plans de travail de la cuisine ouverte, les chaises attendent sagement, retournées sur les tables, tandis que, devant la jolie devanture boisée, ça marteau-pique pour finaliser l’électricité. Datil, le restaurant de Manon Fleury – désormais cheffe-propriétaire après des années de résidence –, devrait ouvrir la deuxième moitié de septembre. Au menu : une équipe en grande majorité féminine et souvent héritée du Mermoz, comme la sommelière Valentine Roustit ; un intérieur chaleureux où le bois clair côtoie une matière inventée par Rebecca Fezard et Elodie Michaud ; des assiettes dessinées par la céramiste Judith Lasry.

Chez Datil, la sororité n’est pas un vain mot ! En attendant de goûter la cuisine, Time Out s’est posé avec le duo qui va s’occuper de nous régaler. Car Manon Fleury se lance à l’aventure avec Laurène Barjhoux comme cheffe de cuisine – avec qui elle a travaillé au Mermoz, chez Elsa à Monaco ou au Chalet du Iles. Entretien autour d’une cuisine à quatre mains mais qui parle d’une seule voix sur sa conception de la restauration.

Vous cherchiez un lieu depuis 2018. Qu’est-ce qui a pris tant de temps ?

Manon Fleury : Le Covid n’a pas aidé mais ça a pris un peu de temps car on avait une idée assez précise de nos besoins et des contraintes fortes depuis le Mermoz. On cherchait un endroit à la fois spacieux et confortable comme un cocon. Ici, il y a un sous-sol grand comme la salle du restaurant qui permet d’avoir une grande chambre froide, du stockage pour les légumes, les sacs de farine… C’était parfait.

Qui va faire la cuisine chez Datil ?

Manon Fleury : On conçoit les plats de la carte ensemble avec Laurène – plus tard, l’équipe sera intégrée à la réflexion. Mais au quotidien, c’est vraiment Laurène qui va cuisiner. Je peux m’absenter pour un rendez-vous à la banque le matin et ne pas être présente pour la mise en place. J’essaierai d’être là pour beaucoup de services mais c’est aussi une façon de fonctionner avec Laurène qui va nous permettre d’avoir une vie à côté et de compter l’une sur l’autre pour prendre le relais.

Deux femmes cheffes Laurène Barjhoux et Manon Fleury
© Pauline GouablinLaurène Barjhoux et Manon Fleury

Qu’est-ce que ça change de vous installer chez vous ?

Manon Fleury : Depuis le départ du Mermoz, entre ce qui était bien et ce qu’on aurait voulu changer, on réfléchissait à notre restaurant idéal. On avait déjà réussi à mettre des choses en place comme le choix de nos fournisseurs. La relation de confiance avec eux s’est construite durant ces résidences et se prolonge aujourd’hui. On leur a prouvé que notre logistique fonctionnait durant ces années. Durant dix jours avec toute l’équipe de cuisine, nous sommes allés faire le tour de nos producteurs favoris, comme Yannick Colombier au sud de Cahors – qui fait des figues incroyables – pour entretenir cette relation de confiance.

Laurène Barjhoux : On s’installe dans un lieu confortable pour un temps long. On va pouvoir mettre des choses en place qu’il n’était pas possible de faire en résidence, affirmer notre style dans plein de domaines différents. En cuisine par exemple, on pourra se lancer dans des conserves, des fermentations compliquées à mettre en place si on reste seulement quelques semaines dans une adresse. Mais aussi dans la gestion du personnel, où l’on essaiera de donner des horaires raisonnables. On peut réfléchir à la logistique de nos commandes, du stockage. Les résidences, c’est hyper excitant, mais pour évoluer et grandir, il n’y a rien de mieux que de s’installer chez soi.

Manon Fleury : Les résidences ont aussi permis de rassurer les banquiers. De leur montrer qu’on savait être rentables comme au Perchoir. Mais d’un point de vue légitimité, il y a toujours un truc. C’est aussi pour ça que je ne veux travailler qu’avec des gens avec qui ça fonctionne humainement.

Laurène, comment décririez-vous Manon ?

Laurène Barjhoux : C’est une personne très à l’écoute. Au début, venant de l’Arpège, je l’ai rejointe au Mermoz pour son style de cuisine, ce lien fort avec les produits et les producteurs. Elle m’a très vite fait confiance et ça m’a permis de me sentir à l’aise et de développer ma cuisine. Au quotidien, elle sait désamorcer les situations. On se comprend maintenant sans se parler.

Et vous Manon, comment décririez-vous Laurène ?

Manon Fleury : Laurène inspire la confiance. Grâce à son expérience professionnelle précédente (elle était designer, ndlr), elle avait une grande maturité, elle savait gérer une équipe, et ça, c’est le plus difficile à trouver. Elle n’hésite pas à dire des choses même désagréables pour trouver une solution. Inestimable dans un duo ! On a une sensibilité commune autour du produit mais on ne travaille pas forcément les mêmes choses. Elle aime faire des pâtes, moi des pickles !   

Equipe de femmes devant Datil
© Pauline GouablinDe gauche à droite : Manon Grados, Manon Fleury, Céline Canivez, Juliette Barry, Laurène Barjhoux

Votre équipe est très féminine. C’est devenu votre marque de fabrique ?

Manon Fleury : Comme cuisinières, on n’a en effet que des femmes, mais il y a un plongeur et un stagiaire ! Avec Laurène, on parle beaucoup de la place des femmes en cuisine, notamment via l’association Bondir.e. Ça se sait que j’embauche des femmes et que l’ambiance sera bienveillante. Mais attention, ce n’est pas parce qu’on lutte contre un système toxique qu’on est cool ! On veut montrer qu’on peut être à la fois exigeantes et correctes. J’avais vu un documentaire sur un chef trois étoiles dont on expliquait le comportement tyrannique par la qualité de ses plats. Sous-entendu : une ambiance sympa suppose une cuisine pas top. Non et non ! On veut montrer chez Datil qu’un cadre fort en cuisine, qu’une organisation solide où l’on communique et explique les choses permet de rassurer les gens et de cuisiner le meilleur.

Laurène Barjhoux : La semaine dernière, on a expliqué notre idée de ce restaurant à la team et on leur a donné un livret avec des règles de bonne conduite. Des façons de se comporter simples mais jamais abordées dans le cadre de l’hôtellerie-restauration, comme la manière de se parler, d’aller s’excuser après des mots malheureux lors d’un coup de pression, le respect des identités de chacun. Et aussi avec notre clientèle, savoir utiliser les bons pronoms… Cela permet d’impliquer l’équipe sur tous ces sujets à déconstruire. C’est vraiment Bondir.e qui se met en application.

Alors, on va manger quoi chez Datil ?

Manon Fleury : On va rester sur une cuisine très végétale sans pour autant se mettre de barrières. Il y a un éleveur et des pécheurs, évidemment durables et soucieux du bien-être, parmi nos fournisseurs.

Laurène Barjhoux : La présence d’un morceau de cochon dans l’assiette a du sens car on sait que les bêtes ont été nourries par les mêmes céréales que nous cuisinons au restaurant, et on le sait parce qu’on connaît l’éleveur et le céréalier ! Mais la protéine animale ne sera pas au centre de l’assiette.

Manon Fleury : On réfléchit à des assiettes qui se mangent avec les doigts, qui se saucent, se décortiquent… Renouer avec un plaisir enfantin.

Laurène Barjhoux : On va aussi retrouver ce qu’on avait mis en place chez Elsa à Monaco : travailler tout l’animal, la carcasse dans une sauce, la peau dans une autre préparation. Après, on ne veut pas bassiner le client avec 50 engagements, il faut aussi laisser la place à l’émotion !

Datil
13, rue des Gravilliers, Paris 3e.
Dîner du lundi au vendredi, déjeuner du mercredi au vendredi.

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