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Disgrâce

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Time Out dit

3 sur 5 étoiles

Récit de la descente aux enfers d'un professeur dans l'Afrique du Sud post-apartheid.

Professeur afrikaaner de 52 ans, David Lurie enseigne sans conviction la communication à l'Université technique du Cap. Divorcé deux fois, il fréquente régulièrement des prostituées et s'attriste sur le déclin de son charme, lui qui fut un « beau garçon, bien charpenté, le teint mat, les cheveux souples ». Personnage central de 'Disgrâce' (1999) de John Maxwell Coetzee, prix Nobel de littérature en 2003, cet homme vaguement cynique aurait été un banal anti-héros s'il n'avait vécu dans l'Afrique du Sud post-apartheid. Mais dans ce pays où un système de domination colonial est en train de faire place à une revanche des anciens opprimés, aucune identité n'est banale. Dans son adaptation scénique du roman, Jean-Pierre Baro a voulu montrer ce trouble. Cette perte de tout repère, aussi bien politique que moral. 

Un Don Juan sur le retour

Sur un plateau blanc, presque nu, la première partie de 'Disgrâce' donne à voir l'intimité du Don Juan vieillissant qui continue de vivre selon les habitudes consuméristes de l'aristocratie blanche de l'Apartheid. Entre monologues ponctués de maximes pseudo-philosophiques et volontiers misogynes - « la beauté d'une femme ne lui appartient pas en propre. Cela fait partie de ce qu'elle apporte au monde, comme un don. Elle a le devoir de la partager » - et dialogues faussement amoureux, Pierre Baux est un David Lurie ambigu. En une chorégraphie répétitive, des femmes se dénudent devant lui sans qu'il prête à son personnage la moindre émotion claire. Ni amour ni mépris. L'aventure qui amorce sa descente aux enfers est traitée sur le même mode, dans une parfaite fidélité au texte.

Déclin de l'Occident

Accusé de harcèlement sexuel par une de ses étudiantes interprétée tout en minauderies par Pauline Parigot, le séducteur sur le retour quitte le Cap pour aller rejoindre sa fille à la campagne. La scène se transforme, figurant avec réalisme un ranch isolé où les ennuis continuent. Une agression nocturne fait affleurer une violence jusque-là contenue. Ou plutôt aurait dû la faire affleurer. Difficile à transposer au théâtre, la scène manque de tension. Et le choix du maquillage est un peu trop convenu pour faire sentir la force littéraire du silence de Coetzee sur la couleur des uns et des autres.

Porté par une belle distribution, ce 'Disgrâce' n'avait pas forcément besoin de cet artifice ni de touches oniriques pour être à la hauteur du roman et dire le déclin de l'Occident. Sensible à chaque mot de David Lurie, ce constat traverse en effet le spectacle. Lequel, malgré ses défauts, résonne fortement dans une France où le rejet de l'Autre nourrit les campagnes électorales.

Écrit par
Anaïs Heluin

Infos

Site Web de l'événement
www.colline.fr
Adresse
Prix
29 €
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