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Honneur à notre élue

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Time Out dit

3 sur 5 étoiles

Fable mi-réaliste mi-fantastique, 'Honneur à notre élue' de Marie NDiaye interroge la possibilité de l'intégrité en politique.

Elle n'a pas de nom. A quoi bon ? Elue d'une municipalité de bord de mer, l'héroïne de 'Honneur à notre élue' de Marie NDiaye n'a pas d'histoire connue. Ses parents seraient morts, paraît-il. Peut-être. Sa légende repose donc entièrement sur le présent. Sur une honnêté à toute épreuve, d'autant plus troublante qu'elle n'a rien d'une posture. « Notre Elue » - c'est ainsi que tout le monde l'appelle – a l'intégrité si naturelle qu'elle se passe de discours et exerce un pouvoir de fascination sur ceux qui l'entourent. En premier lieu sur l'Opposant, dont la stratégie politique consiste à faire toutes les horreurs que ne fait pas son adversaire. En cette période de campagne électorale, la mise en scène de Frédéric Bélier-Garcia arrive à point nommé.

La démocratie en question

Toute ressemblance avec des personnalités réelles est fortuite. Si le piège que tend l'Opposant (Patrick Chesnais) à Notre Élue (Isabelle Carré) peut évoquer bien des intrigues récentes, sa dimension étrange et burlesque écarte la pièce du réalisme strict que pouvait laisser présager le sujet. On oscille entre le drame et la farce. Commande du Deutsches Schauspielhaus et du Quai  à Angers, dirigé par Frédéric Bélier-Garcia qui a déjà monté plusieurs pièces de Marie NDiaye, 'Honneur à notre élue' fait aussi cohabiter différents niveaux de langage, du plus châtié au plus familier. Du plus politique au plus intime. Un hybride délicat à porter sur scène sans écorner le mystère qui fait tout l'intérêt de la pièce, donnant à l'opposition entre faute et probité une portée métaphysique rare dans les spectacles récents consacrés de près ou de loin à la crise des institutions démocratiques. Et, signe des temps, ils sont nombreux.

Le triomphe du Mal

Frédéric Bélier-Garcia n'y réussit qu'à moitié. S'il ne cède pas à la tentation du manichéisme, le contrastre entre le jeu très froid, presque inexpressif, d'Isabelle Carré et celui du reste de la distribution peine à créer le malaise que suggère le texte. Censée confiner au fantastique, l'irréductible intégrité de Notre Elue apparaît en effet sous les traits d'une grande banalité qui, au lieu de captiver, ont tendance à reporter l'attention sur l'Opposant, incarné par un Patrick Chesnais délicieux. Aussi crédible dans les démarches de son personnage pour discréditer l'ennemie que dans l'adoration qu'il lui porte. L'élégant minimalisme de la scénographie conçue par Chantal Thomass ne suffit pas à porter le malaise trop peu présent dans le jeu. On passe d'une antichambre du pouvoir avec tentures médiévales à une salle de gymnase sans trop savoir pourquoi. Mais Notre Elue a déjà perdu de sa force d'attraction, et il ne reste plus qu'à espérer qu'elle s'étoffe avec le temps. Le texte et la distribution le méritent.

Écrit par
Anaïs Heluin

Infos

Site Web de l'événement
www.theatredurondpoint.fr
Adresse
Prix
40 €
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