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Les Derniers Jours de l'humanité

  • Théâtre
  • 4 sur 5 étoiles
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Time Out dit

4 sur 5 étoiles

Entre café-concert et cabaret viennois, David Lescot propose une pièce burlesque portée par d’excellents comédiens

Pièce monstre, tentaculaire et inclassable, 'Les Derniers Jours de l’humanité' – imaginée par Karl Kraus entre 1915 et 1917 – était conçue à l'origine pour s’étendre sur 24 heures, mettant en scène pas moins de 500 personnages répartis sur 220 scènes. Rien que ça. Autant dire qu’adapter en 1h45 l’œuvre protéiforme du dramaturge relevait presque de l’exploit. Pourtant, David Lescot s’empare du défi avec élégance et brio, ranimant la pièce en empruntant tant au « caf'-conc’ » qu’au cabaret viennois. D’un sujet lourd – la dénonciation de la Première Guerre mondiale – il en tire un rendu grinçant, oscillant entre le burlesque et la tragédie.

Affaissés sur les sièges du Vieux-Colombier, un gigantesque miroir nous fait face, désignant le spectateur en témoin de cette histoire. Au centre, des débris. Au coin, un piano. Damien Lehman s’y installe et joue les premières notes. Denis Podalydès débarque alors sur scène un pavé à la main, ironisant : « Attaquons-nous à ce modeste livre. On en a pour un moment. » La salle rit, les lumières s’éteignent.

Portés par de très bons comédiens, l’époustouflant Denis Podalydès en tête, bien épaulé par Sylvia Bergé, Bruno Raffaelli et Pauline Clément, les personnages loufoques défilent sur un rythme effréné. Car si on s’attendait à une lecture fleuve, David Lescot condense habilement le flot verbal, enchaînant les anecdotes rigolotes et les sujets plus graves. On y croise notamment un général prussien, des passants, des vendeurs de journaux à la criée, des commerçants, un bombardier ou des enfants. On retiendra surtout un Podalydès en prêtre pathétique faisant l’éloge de la guerre en s’appuyant sur les textes bibliques. Ou encore la journaliste interprétée par Pauline Clément, dont les réponses aux questions n’importent que peu.

Mais le talent de David Lescot, c’est surtout de mêler les gens et les genres. Autour de l’accumulation des multiples personnages, il se permet tout : des vidéos d’archives de guerre projetées sur l’écran géant, l’intervention omniprésente du pianiste et de chanteurs lyriques ici et là, un poème de Carl Hauptmann, de longs monologues au ton grave. Au-delà de la drôlerie et du pathétique des personnages, quelques parenthèses poétiques, comme lorsque les quatre acteurs nous font face, arborant des masques à gaz sur un fond mélodique. L’allure protéiforme renforce le caractère désespéré de la pièce, bien aidée par la litanie de fin prouvant, s’il le fallait encore, les atrocités qui découlent de la guerre.

Au final, malgré quelques rares moments d’ennuis, David Lescot dépeint avec légèreté, tout en étant didactique, une époque rongée par la guerre, ses absurdités et ses méfaits. Une époque qui parfois, fait écho à la nôtre.

Houssine Bouchama
Écrit par
Houssine Bouchama

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www.comedie-francaise.fr
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31 €
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