Marie s’infiltre sans filtre : d’abord sur YouTube, où on l’a suivie perturbant un meeting du FN ou boxant dans la rue pour qu’on débatte des violences faites aux femmes. On l’a repérée aussi errant en costume de Marie Antoinette à un meeting de Nuit Debout. Plus récemment, en pleine révolution « Balance ton porc », elle s’était glissée dans les gros sabots de ceux qui habituellement lui disent « sale pute » dans la rue. Avec ses jeux d’imposture accolés à l’actu, Marie s’est ainsi incrustée dans les abdos des Français qu’elle a fait rire tout en révélant leurs pires travers (de porc, donc). Nous avons été curieux de voir comment, pour la première fois, Marie s’infiltrait sur scène, où elle se garde au chaud pendant l’hiver.
Ce 7 décembre aux Feux de la Rampe, le spectacle était complet et Elie Semoun riait à quelques gradins de nous. Marie est souple, dans ses mouvements, ses retournements de danseuse en tutu particulièrement seyant avec ses Air Max 2017. Elle accumule des pirouettes dans l’espace au gré de ses changements de personnages. Et pourtant, sa galerie de caractères ne nous a pas toujours épaté. L’aspect méta de son spectacle lorsqu’elle incarne en alternance son propre metteur en scène Jean-Kamal trouve vite ses limites. Sa métaphore de constante représentation que nous impose la société aurait pu être son solide fil rouge s’il avait été bien tendu, mais il s’avère finalement assez lâche. Lâché, c’est aussi notre sentiment tant elle semble être désengagée. On ne retrouve pas le féminisme qui nous avait aimanté à elle, mais plutôt des clichés par vague. Les secrétaires et les stagiaires à la machine à café, les Portugais (la moustache, les poils, la morue, sérieusement ?) et l’école à Bondy. Certes, son imitation du dealer de la cour de récré nous a fait nous esclaffer car pour une fois, sa voix parfois trop faible se mutait réellement. Mais ressasser des clichés sur les classes de banlieue dont les cours se limiteraient au foot et au port du voile intégral n’était ni nécessaire ni bien amené.
Son meilleur sketch, elle le donne en troubadour moyenâgeuse portrayant la scène politique actuelle. Elle y trouve un style, un ton et une écriture qui valorisent son jeu et dépotent. On a enfin eu espoir qu’en affinant ses textes, elle puisse s’infiltrer et même infuser longuement parmi la nouvelle génération de comiques nés en YouTubie.