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Anetha
© Melissa De Araujo

Anetha, la queen de la techno française, libère sa voix

Rémi Morvan
Écrit par
Rémi Morvan
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En une dizaine d’années de carrière, Anetha a quadrillé la carte mondiale de la techno en long et en large, mais jusqu’à présent, la DJ et productrice française n’avait jamais franchi le cap de l’album. Mothearth, sorti le 22 mars sur son label Mama Told Ya, est le symbole d’une libération de la parole personnelle, d’une “transformation” vers une artiste qui veut user de sa voix pour soutenir ses engagements féministes et écologiques. Dans le sillage de sa release party au T7, le giga-club de la porte de Versailles, elle nous a raconté son évolution, son message et comment ce disque s’est nourri du dancefloor.

Quelle est la signification du teaser de l'album, où tu apparais dans une sorte de chrysalide ?

Cet album, c’est ma transformation personnelle dans le sens où je me suis sentie plus forte, installée et crédible pour pouvoir prendre la parole – tant dans le message que le fait d’utiliser ma voix comme instrument – sur des sujets comme le féminisme ou l’écologie. Le plus difficile a été de trouver le fil directeur du disque. Cette transformation, elle transparaît dans le titre avec la contraction de mother, earth et moth, le papillon de nuit ; et dans ce teaser un peu weird, très organique, où l’on assiste presque à ma propre naissance. Ça a beaucoup interpellé les gens, et j’aime être dans des univers qui questionnent. 

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Ça fait quasiment dix ans que tu produis des sons, tu tournes énormément, tu as plusieurs labels, mais Mothearth est ton premier album. Quel a été le déclic ?

Toute l’équipe de l’agence Mama Loves Ya m’a incitée à le faire et à pousser les messages à fond. Le format album était un format qui m’impressionnait. J’avais prévu de sortir un EP jusqu’au moment où j’ai compris que j’avais beaucoup de choses à dire. L’autre déclic, c’est d’être mère d’une fille de 3 ans : d’un coup, ce que j’appelle les micro-agressions misogynes sur lesquelles je pouvais passer sont devenues intolérables. 

L’une des thématiques fortes du disque est d’ailleurs le féminisme, et notamment l’objectivisation des femmes. 

Ça part de mes expériences bien sûr, notamment professionnelles. Mais je voulais vraiment universaliser le message, ne pas avoir une vision agressive ou négative en utilisant l’ironie et le second degré, notamment sur le titre Sorry For Being So Sexy. Je voulais que ce ne soit pas lourd comme message, mon métier reste de faire danser les gens et réunir.

L’autre message fort concerne l’écologie. Quelles actions prends-tu avec ton agence ?  

Avec Mama Loves Ya, on a mis des choses en place pour mieux tourner. J’ai failli faire un burn out parce que je jouais trop et pas de la bonne manière. La santé mentale et l’impact écologique sont liés, on a réfléchi pour faire les choses de manière plus logique. Après, j’ai conscience qu’il y a des choses qui ne vont pas encore parfaitement. C’est parfois lourd à porter mais on fait un maximum de conférences et on compense doublement nos émissions de CO2 avec Greenly.

S’il y a un fil techno dans ta discographie, tu as toujours flirté avec diverses teintes électroniques. Et ça se sent dans le disque, avec de la trance, de l’acid ou de la drum’n’bass. Comment s’est esquissé le plan de l’album et est-ce que tu avais en tête un genre pour chaque thème ?

Je voulais que cet album montre tout ce que j’aime écouter et jouer dans mes sets. Se posait la question de la cohérence. Mais très vite, je me suis retrouvée dans chaque morceau, avec une belle intro, une belle respiration avec Mother et une belle fin avec un morceau drum’n’bass plus rapide et porteur de ce message libérateur. Avec ce titre, très organique, j’ai tout de suite perçu le thème de l’écologie. Le message féministe était là depuis le début mais c’est plus le titre et le concept qui ont ensuite été montés pour tout englober.  

Tu es une artiste qui joue beaucoup en DJ set et tu expliques ton attrait pour les warehouses dans le documentaire de France.tv Warehouse, au cœur des nuits underground. Quelle influence ont eue tes sets sur le disque ? 

Ça a été primordial : à chaque fois que je finissais un morceau, je le testais directement pour voir si ça marchait. “Hit No Parade”, le titre le plus banger de l’album a par exemple cartonné instantanément. Ça m’a soulagée de me dire que j’avais un banger et que je pouvais construire et m’amuser autour. 

Il y a une composante importante dans ta carrière : celle de cheffe de label avec tes entités Mama Told You et Fanée.e. Comment appréhendes-tu ce rôle de mentor ?

Le nom Mama Told Ya (“Maman te l’avait dit”) parle pour lui : il y a l’idée de quelque chose de réconfortant, de chérir et de partager. Je voulais une grande famille où tout le monde peut avoir accès à cette plateforme, faire découvrir de nouveaux artistes et collaborer pour me confronter à de nouvelles méthodes de travail.

Peut-on qualifier Mothearth d’album de lutte électronique intersectionnelle ?
Dans Mothearth, il y a plein de significations et j’aime beaucoup. Chacun trouve la sienne : relation avec sa mère, repenser à son enfance… Chacun a son histoire et tant que ça peut aider et libérer les gens de la morosité générale, tant mieux, c’est le but de cet album.

Anetha
© Melissa De Araujo

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