Le casting est étoilé comme celui d’un film de Claude Sautet. Réunissant Monet et van Gogh, Klimt et Gauguin ou encore Chagall et Emily Carr – pour ne citer qu’eux –, la dernière rétrospective du musée d’Orsay ressemble à un sanctuaire. Et les fidèles, appâtés par cette nébuleuse de reliquaires, visiteront cette exposition comme on effectue un pèlerinage de l’art : aveuglés par la piété ou s’interrogeant sur leur foi. Mais surtout en se marchant sur les pieds.
Une brillante galaxie qui plane sur le sujet choisi
En procession dans des salles aux murs sombres, rappelant les nefs des cathédrales, les visiteurs admirent les vénérables ‘Nymphéas’ de Monet et les pommiers abstraits de Mondrian, quand ils ne se laissent pas happer par les ‘Accords réciproques’ de Kandinsky. Sans indication ou si peu, ils déambulent dans ce tourbillon de toiles livrant chacune un ressenti du réel très différent. Les cieux sont tantôt spirituels, illuminés d’une lumière divine par Charles-Marie Dulac, tantôt antéchristiques et menaçants sous les aplats de Nash. Les montagnes de Lawren Stewart Harris dressent leurs cimes vers un éther secret, parcouru de nuages occultes. Et la nuit mystérieuse, motif facile mais néanmoins inévitable, se décline aussi bien en sentinelle de songes qu’en cerbère de chimères tourmentées.
La nature, un terrain de jeu pour mille visions, semble ainsi clamer ‘Paysages mystiques’. Et c’est vrai : rien n’est paradoxalement plus surnaturel que la nature elle-même, pour la simple et bonne raison qu’elle échappe à tout contrôle humain. La catégorisation rigide par thèmes de ‘Paysages mystiques’ constitue donc à un non-sens entravant totalement le charme d’œuvres thaumaturgiques et transcendantes. Pour la plupart…
Au-delà des étoiles, il y a aussi le néant…
Si certains tableaux s’apparentent à des hallucinations oniriques, presque ésotériques – comme ‘Le Rêve’ de Pierre Puvis de Chavannes et le diabolique sabbat ‘Danse sur le rivage’ de Segantini –, d’autres n’ont malheureusement rien de très extatiques. Loin d’atteindre les voûtes célestes promises, ils se révèlent très prosaïques, voire carrément terre-à-terre. Tel est le cas de la scénette pastorale et pittoresque ‘Marine avec vache’ de Gauguin ou du ‘Semeur’ de van Gogh. Etranges choix lorsqu’on se donne pour mission de dépasser les astres. A moins que l’on ne cherche ici à justifier, avec plus ou moins de succès, cette idée panthéiste que le Créateur transparaît dans la plus modeste des choses…
Heureusement, l’exposition s’achève sur une évasion dans le Cosmos, rappelant son sujet originel d’une manière nette bien qu’un peu altière. On ne boude alors pas notre plaisir de vagabonder sous la ‘Nuit étoilée’ ou dans le ‘Château de cristal’ de Wenzel Hablik, de se perdre dans les ‘Collines rouges’ de Georgia O’Keefee ou de se laisser subjuguer par l’intersidéral ‘Unanswered Question’ de Charles Ives. Avec toutefois en tête une question demeurant sans réponse : et s’il était temps de désacraliser un peu le musée d’Orsay ?
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