Sur Camille Pissarro, il faut savoir trois choses. Premièrement : il est né aux Antilles danoises, ce qui lui a inspiré une vivacité de couleurs inédite dans l’art de son temps. Deuxièmement : il avait une âme de rebelle aussi fougueuse que ses peintures sont tranquilles. Sensibles aux théories anarchistes, il a d’ailleurs dessiné de nombreuses caricatures de bourgeois. Enfin, l’artiste est considéré comme l’un des inspirateurs et des maîtres de l’impressionnisme. Voilà pour les présentations.
De la forme à la couleur
Agencé de manière chronologique, le parcours de l’exposition livre une image saisissante de la marche vers ce genre nouveau qu’est l’impressionnisme. Dans les années 1860, le jeune Pissarro s’inspire de Courbet pour peindre des toiles d’après-nature, s’efforçant de refuser les contraintes académiques. Ainsi, le tableau ‘Le Jardin de Maubuisson’ saisit une scène ordinaire de la vie rurale, où des paysans s’accroupissent pour cultiver la terre. Mais les lignes sont encore tracées, la perspective est nette et les maisons blanches du village en arrière-plan se détachent du ciel avec précision. Malgré un certain flou dans la terre et le feuillage des arbres, la patte impressionniste est encore absente.
Celle-ci n’apparaît que graduellement, au fil des recherches du peintre. Ici, un tas de feuilles mortes devient un ensemble de taches orange. Là, de grands coups de brosse confèrent une légèreté nouvelle à l’image d’une usine fumante. Et finalement, dans ‘Gelée blanche à Ennery’ (1873), nous y sommes : la terre gelée, le promeneur chargé de fagots, le pâle ciel d’hiver, tout se fond en un seul geste libre et nerveux. En cordée avec Manet, Monet, Renoir et Morisot, Pissarro a fait émerger un nouvel art.
Tête chercheuse s’il en est, le peintre s’essaie ensuite aux techniques néo-impressionnistes des années 1880 avec Signac et Seurat. Ces tentatives le laissant désargenté, il les abandonne pour se consacrer aux grandes vues citadines et portuaires, telles ‘Quai de la Bourse, Rouen, Soleil couchant’ qui lui procurent aisance et renommée.
Leur père à tous
« Quant au vieux Pissarro, ce fut un père pour moi », écrit Paul Cézanne en 1902. « C’était un homme à consulter, et quelque chose comme le bon Dieu. »
Car Pissarro n’est pas seulement un artiste doué et acharné : intéressé par la théorie sous la création, il participe activement aux échanges et aux expositions qui soudent l’école impressionniste face aux ricanements de la critique. Jusqu’à inviter bien des peintres dans son atelier de Pontoise, dont les jeunes Cézanne et Gauguin en 1872, créant une étonnante transmission entre l’« avant » et l’« après » du mouvement impressionniste. Ne soyez donc pas surpris de retrouver, au fil de l’exposition, certains détails qui vous feraient penser à eux. Mais pas assez malheureusement…
Cette exposition s'inscrit parmi les meilleures expos de Paris en ce moment. Mais également dans le dossier des meilleures expositions de peinture de 2017.