Art décoratif ? Art méditatif ? On peut rester très longtemps devant une seule œuvre de Pierre Schwerzmann à se poser cette question fatidique – contemplation pensive qui, en soit, répond à notre interrogation. Cette ambivalence semble d’ailleurs être le propre du travail de l'artiste suisse. Une dualité comme un jeu permanent entre l'opaque et le transparent, le vintage et le contemporain. Pour s'en convaincre, il suffit de regarder cette énorme plaque de verre à moitié recouverte d'un orange vif, énergique, presque juteux, onde miroitante dégoulinant sur cette glace presque invisible. Ou encore cette association de lignes anguleuses, rigides, modernes, tracées d'une manière faussement aléatoire, avec ces teintes grises, or et moutarde, reflets d’une palette typiquement 70's.
Coloris hiatals, mirages pariétals
Qu'elles soient vagues floues ou lames tranchantes, les formes dessinées par Pierre Schwerzmann forgent des illusions dans lesquelles notre regard ne sait pas toujours où se fixer. Dedans ? Dehors ? Ni l’un ni l’autre et en même temps, un peu des deux… S’accordant à la définition de « hiatus » (signifiant étymologiquement « ouverture béante »), notre vision traverse ces tableaux atteints d’une profondeur 3D à la Vasarely. Les rayures se conjuguent, notre image vient perturber l’uniformité des monochromes-miroirs et notre perception se trouble, saturée de pigments à tel point percutants qu’ils font penser à un nuancier Pantone. Dans l’immensité laiteuse de la galerie Suzanne Tarasieve, les œuvres du peintre helvète sont comme des trous de couleurs qui aspirent la logique du spectateur. Une mosaïque cacophonique et onirique qui enfle sous les néons, exhausteurs chromatiques.
En plus de figurer parmi les expositions gratuites, l'exposition d'art contemporain 'Hiatus' fait partie des meilleures expositions de Paris.