A défaut de prendre des vacances dans l’île antillaise au large de Cuba, posez vos valises à la porte de Pantin. La Philharmonie de Paris y accueille une exposition aux allures d'ode à l'insulaire Jamaïque, mère nourricière de sonorités ayant jeté les bases de toutes nos compositions modernes. De son passé colonisé, vécu au rythme douloureux et vindicatif du kumina, aux accents plus insouciants mais tout aussi rebelles du reggae.
Héritage, partage, remixage
Avec son parcours séquentiel et sa frise chronologique du début, ‘Jamaica Jamaica !’ a un côté scolaire. Néanmoins, celui-ci s’avère nécessaire pour comprendre l’évolution des différents styles qui ont vu le jour sur l’île. Comment serait donc né le mento, sorte de calypso jamaïcain dont les paroles s’accordent aussi bien de spiritualité que de sexualité, sans les « 400 years » de révoltes acoustiques entreprises par des ancêtres esclaves dès le XVIIIe siècle, et notamment les Marrons ? Et qui aurait eu l’idée d’inventer le reggae si auparavant le ska ne s’était pas ralenti ?
De pochettes vinyles en photographies de Bob Marley, Daddy Shark, Chiney Man and Baba ou El Figo Barker, jusqu’à la présentation d’instruments de musiques locaux – corne d’Abeng, nyabinghi ou saxophone plus récent –, on retrouve tous les fondamentaux d’une exposition sur le quatrième art. Heureusement, quelques fulgurantes curiosités viennent réveiller cet ensemble (trop) historique et un peu rébarbatif. En particulier la guitare-fusil en forme de M16 de l’ex-Wailers Peter Tosh. Mais aussi l’œuvre contemporaine ‘Well Traveled African’, chariot bricolé par l’artiste Cosmo Whyte diffusant des chants jamaïcains anciens, presque mystiques. Ou encore la fresque 'Back-a-road' de Leasho Johnson, à côté d'un tank d'enceintes crachant des gammes de basses.
File aux tropiques ?
D’une démarche chaloupée dictée par le tempo de Lennie Hibbert et Johnny Osbourne, on va brancher son casque près du juke-box de Sister Ignatius – religieuse responsable du programme musical de l’Apha School d’où sortirent Leroy « Horsemouth » Wallace et Leslie Thompson – avant de faire escale au Motta’s Recording Studio reconstitué. Puis saluer le mythique Lee Scratch Perry dans la salle qui lui est dédiée.
Car là réside toute l’intelligence de ‘Jamaica Jamaica !’ : ne pas céder à la facilité de centrer l’exposition sur la figure emblématique de Bob Marley. Mais plutôt d’aborder des facettes méconnues de la culture jamaïcaine, qui ne se réduit pas qu’au reggae ! D’une immersion rudimentaire dans la philosophie rastafari incarnée par le « Christ noir » Haïlé Sélassié et son condisciple Marcus Garvey, à une rencontre avec les deejays et dancehall queens de premières générations, ‘Jamaica Jamaica !’ prend son « indépen-dance » par rapport aux clichés du genre.
Seul véritable point noir, propre à la plupart des expositions de la Philharmonie : l’obscurité. Si, pour un groupe de rock sombre comme les Velvet Underground en mars 2016, le choix de cette pénombre permanente pouvait être à propos, pour un thème aussi joyeux et estival que la musique jamaïcaine, on le comprend mal. Sans tomber dans le stéréotype d’une scénographie pleine de palmiers, rallumez donc un peu la lumière s’il vous plaît !
Pour savoir quelles sont les meilleures expositions de Paris ou les expositions parlant de cultures et d'Ailleurs, n'hésitez pas à cliquer.