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A Dangerous Method

Une bonne vieille crise de nerfs ?

Trois films en salles pour revisiter l'hystérie féminine

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En deux semaines, pas moins de trois films sont venus nous entretenir d'hystérie fin-de-siècle : la comédie britannique 'Oh my God !' ('Hysteria' en VO), le moyen métrage français 'Augustine' et le dernier Cronenberg, 'A Dangerous Method'... Alors, hasard du calendrier, ou tendance de fond au craquage généralisé ? On hésite.

Mais déjà, précisons que les troubles liés à l'hystérie, dans ces trois films, s'incarnent classiquement dans des corps de femmes - « hystérie » désignant étymologiquement, en grec ancien, l'utérus. C'est d'ailleurs la principale critique adressée à la psychiatrie par 'Oh my God !', seul de ces trois opus réalisé par une femme : où l'hystérie apparaît comme un concept fourre-tout et mal fichu, dont le but serait essentiellement de réduire la psyché féminine à des caprices fantasques ou des crises nerveuses sans fondement... Tout ça afin de contenir, en fait, les velléités d'indépendance des femmes dans l'Angleterre guindée de l'ère victorienne. Du coup, la solution suggérée par la réalisatrice Tania Wexler est simple et efficace : un bon vibromasseur (érigé en symbole de l'émancipation féminine), et ça repart... En attendant le droit de vote. Certes, c'est un peu court (sans jeu de mots), mais ça a le mérite de remettre quelques pendules à l'heure, ne serait-ce qu'en réintroduisant le concept, central et complexe, de libido. Evidemment, une fois de plus, les hommes s'en sortent mal - mais ils ont l'habitude.

Plus académiques dans leurs propos, 'A Dangerous Method' et 'Augustine' se ressemblent, en dépit de leurs divergences formelles. Ou plutôt mènent l'un à l'autre. Basé sur des photos prises par l'équipe de Charcot à la Salpêtrière vers 1875, 'Augustine', de Jean-Claude Monod et Jean-Christophe Valtat, montre, dans un noir et blanc implacable, l'incroyable arrogance (et le caractère assez fascisant) d'une dissection prétendue « scientifique » de l'esprit humain. Seul problème : le film, projeté à la Filmothèque du Quartier latin, ne dure que 43 minutes ; ce qui nous laisse tout juste le temps d'apprécier la densité de son propos, la qualité de ses interprètes (notamment la jeune Maud Forget) et sa picturalité. Mais il paraît intéressant de voir combien ce moyen métrage, à travers les expériences de Charcot, nous conduit directement à Jung et Freud, les protagonistes de 'A Dangerous Method'. Et à la question de la psychanalyse comme tentative d'interprétation, ou comme science objective. Question qu'on se gardera de trancher, puisque tout dépend de ce qu'on appelle « science » et qu'on a vraiment trop la gueule de bois pour se livrer ici à des considérations épistémologiques. En revanche, remarquons que c'est à Jung que le film de Cronenberg s'attache, davantage qu'au père fondateur Freud. C'est-à-dire à une définition élargie de la psychanalyse - Jung étant connu pour s'intéresser au chamanisme, aux esprits mythologiques et à l'inconscient collectif, bien plus que son homologue autrichien.

En fait, le hic serait sans doute d'avoir greffé sur la psychanalyse tout un tas de clichés qui ont rendu sa caricature trop facile - qu'elle soit complice, comme chez Woody Allen, ou bien totalement destructrice. D'où le fait que son réinvestissement contemporain passe par un retour aux sources. Ce que sous-tend le film de Cronenberg. L'intérêt de la psychanalyse n'est pas tant de nous dévoiler une « réalité objective » du fonctionnement de l'esprit (ce qui serait idiot et prétentieux), que d'en formuler des pistes de lectures, des interprétations possibles, visant à élargir notre conscience de phénomènes inconscients. Mais cela, finalement, pourrait tout aussi bien se dire du cinéma... D'ailleurs, en écho ou en prémonition, 2011 avait déjà au moins vu un autre grand film sur l'hystérie et ses alentours, avec 'Melancholia'. Sacré « film de l'année » début décembre par l'Académie européenne du cinéma, le film-catastrophe de ce blagueur de Lars Von Trier semblait même renvoyer parfois, par son traitement, à toute une tradition de névrosées sublimes dans l'histoire du cinéma - celles incarnées par Marylin Monroe, Liv Ullmann ou Elizabeth Taylor...

Mais comme il serait finalement bien léger de se satisfaire d'une prétendue « faiblesse » naturelle du sexe féminin (on apprend ainsi, dans 'Oh my God !', qu'une bonne moitié des Londoniennes se voyaient considérées comme hystériques à la fin du XIXe), on scrutera désormais les films où la libido ferait au moins autant dérailler la psyché dite virile. A ce propos, il est encore temps d'aller voir 'Shame'... Bref, bonne année 2012, annoncée elle aussi comme folle furieuse, avec son improbable menu de crises financières, d'élections pièges-à-téléspectateurs et de prophéties mayas... Cheers !

A.P

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