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24 h pour découvrir l’âme du quartier de la Butte-aux-Cailles

Écrit par
Clotilde Gaillard
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A l'origine, la Butte-aux-Cailles était une petite colline plantée de moulins à vent à flancs de coteaux. Aujourd’hui, bien que les prairies et les bois aient fait place aux venelles pavées, elle demeure un paisible faubourg en marge de l’agitation parisienne. Préservée de la folie architecturale haussmannienne par sa situation périphérique, la Butte-aux-Cailles domine le XIIIe arrondissement avec une modeste majesté. Il fait d’ailleurs si bon y crapahuter qu’on vous le prouve en une journée.  

8h30 – On fait un plongeon dans la piscine art déco

Quoi de mieux pour s’immerger dans un quartier que d’y plonger littéralement ? De bon matin, enfilez donc un bonnet de bain et rendez-vous au numéro 5 de la place Paul-Verlaine. Là, se dresse l’immense façade en briques rouges de la plus vieille piscine de Paris. Daté du début des années vingt et classé monument historique depuis 1990, ce bâtiment atypique abrite trois bassins – un à l'intérieur, deux à l'extérieur– qui le sont tout autant. Alimentés par un puits artésien et naturellement chauffés à 28°, ils s’inscrivent dans le plus pur style art déco, à l’image de la piscine Molitor.

©C.Gaillard

Sous une voûte en ciment, ornée de sept arches blanches bien symétriques, vous aurez l’impression de faire des longueurs au sein d’une cathédrale. Le carrelage mural, baigné de rouge, de jaune, d’orange et de bleu marine, vous rappellera cependant que l’eau dans laquelle vous pataugez n’a rien de bénite. Par ailleurs, l’endroit a servi au tournage du film ‘Comment je me suis disputé (ma vie sexuelle)’ d’Arnaud Desplechin.
Après un réveil matinal, cette effusion de couleurs aura au moins l’avantage de vous réveiller aussi efficacement qu’une tasse de café. Pourtant, sachez que l’on vous a laissé dormir un peu en suggérant 8h30 : les premiers nageurs, eux, arrivent dès 7h !  

©YellowKorner Mexico/Flickr

10h – On se désaltère à la fontaine de la place Paul-Verlaine

Si vous n’avez pas trop bu la tasse, peut-être étancherez-vous votre soif en goûtant l’eau la plus pure de la capitale. Juste en face de la piscine, au beau milieu de la place Paul-Verlaine, s’érige en effet le fameux puits artésien approvisionnant les bassins dans lesquels vous venez de tremper. Puisée à plus de 620 mètres de profondeur, à l’abri de toute pollution moderne, l’eau qui jaillit des robinets en acier de cette fontaine publique est âgée de plusieurs dizaines de milliers d’années. Les habitants viennent d’ailleurs de tout le quartier pour s’y abreuver, remplissant bouteilles et bidons.
Testez-la : comme dit le vieil adage, « il ne faut jamais dire fontaine… »      

©C.Gaillard

10h30On chine des livres anciens à La Petite Caverne

Après ces nombreuses ablutions, vous souhaitez revenir à des choses plus terre-à-terre, d’autant que vos cheveux sont encore mouillés. Qu’à cela ne tienne ! A quelques enjambées, au 6 rue Moulins-des-Prés, La Petite Caverne vous ouvre grand sa porte en bois. Dans cette petite librairie à l’ambiance feutrée de brocante et à l’enivrante odeur de papiers ivoire, vous pourrez dénicher une édition reliée du 'Capitaine Fracasse' pour seulement 5 €, des livres de poche et des éditions de la Bibliothèque Verte pour 1 ou 2 € mais également une rare anthologie des Beatles à 40 €. Sans oublier les ouvrages anciens rachetés à des particuliers, petites perles dont le vécu a imprégné les pages légèrement jaunies mais en très bon état, vendus à des prix cassés. Caverne d’Ali Baba du bouquin, repaire de bonnes affaires… Pour les amoureux de littérature, c’est Noël avant l’heure ! Pour les autres, pas de souci : ils pourront toujours fouiller dans l’unique étagère de DVD et débusquer un coffret de la série 'Friends' pour 5 € à peine. Qui dit mieux ?

©C.Gaillard

12h – On prend un bon bol d’art au détour des ruelles

Vos cheveux sont à peu près secs et vous pouvez à présent affronter la froidure de novembre sans risquer d’attraper la mort. Alors, direction le passage du Moulin-des-Prés pour une balade au cœur du street art. Il faut dire que la Butte-aux-Cailles est réputée pour ses ruelles pentues où les graffeurs, connus et inconnus, laissent courir leur inspiration. Ainsi, dans cette artère subsidiaire de la rue du Moulin-des-Prés, des pochoirs de Jana et JS partagent un pan de mur avec les fresques de Nemo et Jef Aérosol.

Un peu plus loin, sur les immeubles de la rue des Cinq Diamants, c’est cette fois la silhouette sexy de Miss Tic et ses savoureux jeux de mots qui s’exposent langoureusement. Autant d’œuvres urbaines et engagées qui transportent le badaud dans un univers en 2D, décousu mais enchanté, parfaitement intégrées dans le paysage de cette « Butokaï » au caractère historiquement insurgé, véritable galerie d’art en plein air.

©C.Gaillard

©C.Gaillard

12h30 – On se pelote à l’OisiveThé

Il est midi passé et, après tous ces efforts, votre ventre se met à gargouiller. Pas de doute : c’est le moment d’aller vous restaurer à l’OisiveThé, un salon de thé insolite logé au numéro 1 de la rue Jean-Marie Jégo.

©LoisiveThé/Facebook

Du mardi au dimanche, Aimée la bien nommée vous accueillera dans un décor de mercerie à son image, c’est-à-dire pétillant et chaleureux. Au milieu des pelotes de laine colorée et des aiguilles à tricoter en bois, vous aurez l’occasion de déguster d’authentiques œufs à la coque ou une généreuse salade composée accompagnés d’une tasse de thé, choisi parmi plus de soixante-dix variétés. Le week-end, pour moins de 20 €, les plus courageux pourront même tenter de venir à bout d’un copieux brunch comprenant toasts beurrés, confiture maison, classique cocotte/mouillettes, croustade de volaille ou feuilleté de saumon et crudités. Sans oublier une tasse de thé ou de café et un verre de jus d’orange frais.

Vous avez déjà déboutonné votre pantalon à la lecture du menu ? Pas de panique, c’est normal. A noter que la particularité de ce lieu, outre sa collection de boîtes de thé, réside dans les stages de tricot et crochet proposés les vendredis et samedis soir à partir de 18h. Idéal pour apprendre à manier les mailles dans la conviviali-thé.

©C.Gaillard

14h30 – On élimine les calories au jardin Brassaï

Après s’être goinfré de la sorte, on commence à avoir des scrupules que même l’heure et demie de piscine du matin ne parvient pas à chasser. En remontant la rue Jean-Marie Jégo puis la rue Jonas, on finit par déboucher sur le jardin Brassaï. Un petit coin de verdure coincé entre les immeubles auquel on accède grâce à un escalier qui, lui non plus, n’a pas échappé à l’omniprésente magie du street art.

©C.Gaillard

Marcher dans les allées ou courir sur les chemins de gravier : à chacun son rythme. D’ailleurs, on peut très bien s’asseoir sur un banc et simplement profiter de la quiétude du parc en lisant le bouquin qu’on s’est offert à La Petite Caverne.

©C.Gaillard

15h30 -  On part en lune de miel aux Abeilles

Si les bars branchés et les restaurants tendance terroir sont légions dans le quartier, la Butte-aux-Cailles demeure encore vierge de grosses enseignes qui risqueraient de dénaturer son aspect d’irréductible petit village. Les rares magasins ayant poussé entre ses pavés se comptent sur les doigts des deux mains. Parmi eux, Les Abeilles bourdonnent au 21 rue de la Butte-aux-Cailles. Cette boutique spécialisée dans les produits au miel a été fondée en 1993 par Jean-Jacques Schakmundès, un apiculteur passionné. Avec la récolte de ses trente ruches, essaimées aux quatre coins de la région parisienne, Jean-Jacques Schakmundès élabore des douceurs qu’il vend ensuite dans sa petite échoppe aux allures d’officine. Pots de miel fleuri, gelées royales, moutardes aux saveurs sucrées, pains d’épices et confiseries, mais aussi savon de Marseille au miel et matériel pour ceux qui souhaiteraient se lancer dans l’aventure de l’apiculture maison… A l’approche des fêtes de fin d’année, les idées cadeaux ne manquent pas.

©C.Gaillard

16h – On goûte chez un Meilleur Ouvrier de France

Si ces emplettes gourmandes vous ont creusé l’appétit, un goûter chez le MOF Laurent Duchêne s’impose. Située au 2 rue Wurtz, sa pâtisserie à la devanture chocolat vous fera saliver rien qu’en la regardant. Et pour cause : une délicieuse odeur de viennoiseries et de pain croustillant s’en échappe, attirant irrésistiblement le chaland à l’intérieur. Là, les madeleines dorées, les croissants bicolores et pralinés, les éclairs gianduja et ganache mangue ou encore la butte, sublime entremet de mousse au chocolat, caramel et croustillant, s’exhibent sans retenue dans des vitrines illuminées comme celles des grands magasins. Des délices qui raviront les becs fins prêts à débourser 4 € pour quatre bouchées de bonheur.  

©C.Gaillard

16h30 – On s'offre un petit cadeau chez Drôle d’Oiseau

Au numéro 4 de la rue Wurtz, on s'engouffre dans un vaste fourbi savamment désordonné rempli de bibelots aux teintes pastel. Le sourire et la gentillesse d’Anne (la vendeuse aux allures de bonne fée) vous inciteront à dépenser quelques sous : tasses à thé aux motifs de cerisiers japonais à 7 €, bougeoirs carrousel à 10 €, bijoux créatifs, luminaires poétiques et objet amusants voire farfelus, comme ces magnets Lego et cette boule à neige pour ranger les trombones à 14 €, toutes ces jolies choses ne demandent qu'à être emportées !

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17h30 – On admire la nuit tomber sur la Petite Alsace

Les jours raccourcissent et le soleil décline de plus en plus tôt. Cela vous déprime ? Allez donc faire un tour dans la rue Daviel où, en voyant l’astre lunaire poindre derrière les maisons à colombages bleu ciel, vous vous réconcilierez très vite avec l’heure d’hiver. 

18h – On prend l’apéro au Sputnik

Il fait soif et vous avez envie de vous poser : le Sputnik est là, au 14 de la rue Butte-aux-cailles, qui vous tend son bar. Empruntant le nom d’un satellite soviétique, il vous fera décoller dans un décor tamisé, tapissé de fausses affiches de propagande communiste. Accoudé au comptoir en bois brut, commandez une bière pour 3,50 € (c’est l’happy hour jusqu’à 20h) et savourez-la en écoutant des classiques des années soixante et soixante-dix. Au fond de la salle de ce pub hybride, vous pourrez même taper la balle avec vos potes sur un babyfoot, au son de "It’s your Thing" des Isley Brothers. Parce qu’on le sait : ça, « c’est votre truc »…

©C.Gaillard

20h – On dîne basque Chez Gladines

Faire des gamelles et des pissettes vous a ouvert l’appétit. Que diriez-vous de dévorer un plat consistant tout droit venu du Pays Basque ? Si vous êtes partant, courez au 30 rue des Cinq Diamants (à 200 mètres du Sputnik) et pénétrez Chez Gladines avant que l’endroit ne soit assiégé. Cette cantine populaire ne payant pas de mine mais nourrissant son homme (un rugbyman, soit dit en passant) attire en effet de nombreux affamés. Ici, les rires fusent et les décibels grimpent haut, alors évitez d’y emmener votre premier rencard. Chez Gladines n’est pas un restaurant intimiste, surtout pour les couples qui doivent souvent partager une table de quatre avec un autre tandem.

©C.Gaillard

Sur une toile cirée imitation vichy rouge défileront des plats riches, concoctés avec une générosité débordante. Salade de gésiers présentée dans une large gamelle en fer, piperade (œufs brouillés, lard et poivrons) étendue sur une épaisse couche de pommes de terre, succulent poulet basquaise et bavette sauce aux poivres pour les puristes du bistrot : chacun y trouve son compte. En plus, le service est rapide et les tarifs abordables, oscillant entre moins de 10 € et un peu plus de 12 € pour les spécialités euscariennes. Bref, la cuisine  de Chez Gladines a un agréable goût de « reviens-y ». Une institution dans le quartier en somme.

©C.Gaillard

22h – Au Merle Moqueur, toutes les routes mènent au rhum (arrangé)

Bonne chère demande toujours qu’on se désaltère. Par conséquent, retournez dans la rue de la Butte-aux-Cailles où, perché au numéro 11, Le Merle Moqueur rafraîchira votre gosier desséché par une telle ripaille. Derrière le comptoir parcouru de néons roses, d’énormes carafons de rhum planteur où flottent bâton de cannelle, litchi au miel et grain de café vous feront indubitablement penser à des fioles de formol. Cependant, dépassez cet aspect peu ragoûtant et goûtez-en un verre ou plus. Pour seulement 6 €, vous ne serez pas déçu.

Toutefois, lorsque la reproduction du tableau de Thérèse dansant nue avec son cochon (mémorable cadeau de Pierre dans le cultissime ‘Le Père Noël est une ordure’) accrochée à l’entrée semblera se mouvoir, c’est qu’il sera temps pour vous de dire « au revoir ».

©C.Gaillard

 

00h30 – On s’imprègne une dernière fois de l’ambiance rue de l’Espérance

Mais pas trop longtemps parce que demain, il y a piscine…

©C.Gaillard

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