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Le bonheur est Au Bout Du Champ : des fruits et des légumes en libre-service

Écrit par
Hannah Benayoun
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Julien Adam est arrivé en retard. Le cofondateur d'Au Bout Du Champ n'en perd pas son souffle pour autant et nous gratifie d'un accueil chaleureux comme tout. Il faut dire qu'il peut avoir la banane, grâce au succès de ses légumes. Très vite, il raconte son lieu, cette pièce vaste remplie de casiers aux mille beautés. Des tomates vermeilles grosses comme le poing, des aubergines maousses et des salades, vertes comme dans les dessins animés. Il laisse son vélo dans le magasin, parle vite et revient sur Joseph Petit, son pote avec qui tout a commencé. Joseph aime prendre soin de lui pour des raisons d’éthique et de santé. Quant à Julien, il nous glisse en souriant : « Je mange vraiment ce que je veux. » Pas de cinéma bio-écolo-gluten-free dans l'assiette, il aime surtout manger, mais par le biais d'une troisième voie : ramener le fruit de l'agriculture paysanne entre nos murs parisiens. Depuis 2013, Au Bout Du Champ ne connaît absolument pas la crise.

Le réassort des produits se fait à 13h chaque jour. Les clients sont plus fréquents entre 20h et 22h. Julien et Joseph font près de 20 % de leur chiffre d'affaires pendant cette tranche horaire © Time Out Paris / Hannah Benayoun

Il y a quelques années, à coups de recherches et d’appels à la Chambre d’Industrie de Commerce de Paris, Julien et Joseph ont dégoté, goûté, testé les récoltes de dizaines de producteurs à moins de 100 km du centre de Paris, à 50 km à vol d’oiseau. Cinq de ces paysans et agriculteurs ont décroché la timbale et sont devenus leurs associés, ou plutôt partenaires. Il faut dire que chaque vente de fruits et légumes obéit à un 50/50, un marché vraiment équitable. Une laitue coûte 1,20 € ? Soixante centimes reviennent au producteur. Bien plus que ce qu’offrirait une marque de grande distribution.

Quant à vous, vous ne vous rendez au magasin qu'avec votre carte bleue ou du liquide. Vous pouvez aussi pré-commander sur Internet et sélectionner le casier contenant les produits qui vous plaisent, puis payer à la borne et bon vent. Petit hic qui peut freiner certains : vous ne touchez pas les produits et vous ne les sentez pas non plus. Cependant, le concept fonctionne d'ores et déjà à merveille et les deux créateurs ont acquis la confiance de leurs clients, et surtout de leurs fournisseurs. Pendant que nous discutons avec Julien, pas moins de quatre personnes passent, interloquées par l'endroit ; d'autres sont des clientes qui n'hésitent pas à harponner notre entrepreneur : « Remettez-nous de ces belles aubergines, elles sont une vraie tuerie. » Un authentique attachement des clients s'est créé pour l'endroit. Ce qui a permis à nos deux compagnons de compter sur deux et bientôt trois boutiques en libre-service : la première rue Camille Pelletan à Levallois-Perret, celle de la rue des Dames et une nouvelle adresse qui ouvrira en octobre rue Caulaincourt dans le 18e : « On vient de récupérer les clefs, elle se situera à côté du Naturalia », l'enseigne chouchou des mangeurs de bio, ce qui nous a tout l'air d'un challenge donc.

© Time Out Paris / Hannah Benayoun

« On ne casse pas le lien avec le client, il se sert, c’est tout. »

Ici, vous trouverez rarement nos deux amis en train de faire le pied de grue dans leurs magasins. Certains clients leur ont volontiers reproché cette « non-présence », les accusant de briser ce qui fait l’âme d’un commerce : la relation entre le client et le commerçant. Julien s’en défend : « Les casiers facilitent le réassort certes mais nous n'allons pas nous coucher après. Il y a beaucoup de travail derrière. Dès 23h, on envoie un sms ou on appelle nos fournisseurs pour les commandes, on part dès 7h du matin en voiture récupérer nos produits à travers le 94 ou le 78. Au début, nous n’avions aucun plan de communication : pendant des mois on se relayait de 10h à 22h pour expliquer comment les casiers fonctionnaient, la démarche derrière tout ce système, notre présence a servi à tout ça. » Tout le système est concentré dans cette absence, au bout du compte.

S’éloigner d'un certain militantisme

L'endroit surprend par son dépouillement. On s'est habitué à voir pousser dans Paris les restos végétariens, bio, sans gluten, avec le décor léché et souvent standardisé qui va avec. Au Bout Du Champ ne s'est pas embarrassé avec des petits arrosoirs, ni des fauteuils scandinaves pour vous donner une impression 100 % matériaux recyclés. « C’est peut-être austère mais c’est fait exprès », explique Julien. Tous les casiers viennent d'Allemagne. Bien alignés et solides, ils protègent hermétiquement les légumes. Julien s’amuse gentiment de notre étonnement. « Effectivement, on aurait pu mettre un beau carrelage et fabriquer des petites pancartes pour chaque fruit et légume, mais l’objectif n’est pas là. L’argent revient aux producteurs et à nos quatre employés. Vous venez pour le produit, avant toute chose. » Joseph et Julien ont souhaité rendre le libre-service simple, accessible et sans fioritures, sans asséner une idéologie parfois trop envahissante. Ici, c'est comme si vous cueilliez les produits vous-même, en payant à la fin.

Les casiers à fruits et légumes de la boutique de la rue des Dames dans le 17e © Time Out Paris / Hannah Benayoun

Quoi ? Au Bout Du Champ, magasin de fruits et légumes en libre-service.

Où ? Deux points de ventes : au 4 rue Camille Pelletan à Levallois-Perret et au 20 rue des Dames dans le 17e. Un prochain magasin ouvrira en octobre au 105 rue Caulaincourt dans le 18e.

Quand ? Du lundi au dimanche de 8h à 22h - Entrée libre, paiement à la borne.

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