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L'humour schopenhauérien et borderline de Sacha Béhar : entretien avec un serial blagueur

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Ce titre sent l'urine rance d'un journaliste culturel en fin de vie ? C'est normal, c'est fait exprès. C'est un titre « à la manière de » Sacha Béhar et Augustin Shackelpopoulos, ces deux comédiens qui s'en prennent régulièrement aux expressions toutes faites et aux néologismes navrants utilisés par les critiques, les journalistes, les verbeux, les fanfarons, les gens. Dans leurs Fiches de lecture un peu spéciales réalisées sur YouTube, ils causent littérature en vidant la parole de son sens et en choquant l'homme de la rue. Quand ils utilisent un adjectif usé jusqu'à la corde comme « kafkaïen », c'est pour dire : « J'ai moi aussi passé un week-end assez kafkaïen, enfin si Kafka était pédophile... »

Comme Andy Kaufman avant eux, Sacha et Augustin font rire parce qu'ils sont froids et grinçants, parce qu'ils essayent de nous réchauffer le cœur au trentième degré, parce qu'on sent que ce sont de vrais désespérés, des absolutistes de la noirceur. « Dommage que les astérisques ne soient pas des croix gammées », se désole ainsi Sacha dans la Fiche de lecture sur 'Mein Kampf' d'Adolf Hitler, alors que son comparse avoue : « De toute façon, moi les Nazis, je préfère les débuts, enfin je suis resté très S.A. »

Autant dire que leur humour nous a tapé dans l'œil et laissé borgne, alors on a décidé de poser quelques questions à Sacha Béhar. Pas de rencontre IRL hélas, timidité oblige, mais un échange doux-amer autour de la littérature, du foot et de la ligne de métro préférée des Français. Questions poil-à-gratter, réponses à l'emporte-pièce, Sacha nous emmène dans un voyage en Absurdie.

Time Out Paris : Comment vous-êtes vous rencontrés avec Augustin Shackelpopoulos ? 

Sacha Béhar : En 2011 à un concert de King Crimson. Il était sur le zinc à boire de l'eau jaune, pour moi c'était du sang du Christ. On a longuement discuté d''In the Wake of Poseidon' avant de conclure à l'unisson que c'était un disque iconique, rock et progressif.

Est-ce que vous êtes tous les deux Parisiens ?  Si non, pourquoi ? 

Aucune idée d'où vient le Shack mais de toute façon, la vraie patrie de ce mec, c'est le blues. Son bulletin de naissance ? Il a été signé par Doctor John. Quant à moi, je ne suis pas Parisien de naissance mais Parisien de mort. 

Votre duo est complémentaire, à lui les envolées critiques et verbales, à toi les phrases choc et l’humour noir à froid. Comment travaillez-vous ensemble ? Est-ce que vous improvisez parfois ?

Le plus souvent nous enfermons deux aspirateurs robots Roomba dans une même pièce et les laissons se battre à mort. L'inspiration vient généralement après ça. Des impros ? C'est selon la note donnée par le réal. Si le blues représente 89 % de notre patrimoine génétique, les 11 % restants sont constitués de free jazz.

Vos références, votre écriture, votre humour sont littéraires et pointus. Quels sont vos auteurs préférés ? Le livre que vous emporteriez sur la ligne 13 ?

On épluche pas mal la presse quotidienne le matin avant nos billets d'humeur respectifs, lui à la télé sur BFM Business ("Ejac' sur le CAC") et moi sur les ondes de Sud Radio ("Faciale sur l'actu"). Nos influences littéraires sont nombreuses : Arthur Cravan, Joris-Karl Huysmans, Sylvia Plath ou bien le mec qui a écrit 'Le Rouge et le Noir'. Sur la ligne 13, mieux vaut voir le 'Que sais-je ?' sur le « frotteurisme » ainsi qu'un tome des aventures de l'écorché vif 'Thomas le petit train'.

Que faites-vous des livres une fois que vous les avez maltraités à la fin de la vidéo, vous les revendez à Gibert ou plutôt à Boulinier ?

Les livres sont ensuite offerts au Denier de l'Eglise. 

A ce propos, le fait de maltraiter un livre est souvent perçu comme un sacrilège, et les internautes ne se privent pas de vous faire la remarque. Pourtant, Jean-Edern Hallier faisait déjà la même chose dans son émission. Est-ce qu’il était fou, Hallier ? 

Jamais entendu parler de ce type, c'est celui qui présente 'Slam' ? Concernant les ouvrages maltraités, il faut savoir que seule la photocopie tue le livre.

Vous frôlez toujours le malaise et vos personnages font parfois volontairement flipper. Est-ce que vous arrivez à tomber les masques dans la vraie vie, au vapostore par exemple ?  

On fait plutôt tomber des têtes. La vape est la nouvelle quenelle. 

Pourquoi cette obsession contre Hegel ? Vous en avez vraiment marre des coups de Hegel ? 

Dans le fond, nous avons une grande admiration pour lui, il est d'ailleurs notre écrivain mort préféré (ex-aequo avec Philippe Sollers).

La réalisation des sketches est parfois surprenante, avec des silences, des ralentis incongrus, des parodies, des plans absurdes, vous utilisez quel type de matériel ? Où sont tournées les Fiches de lecture ?

Notre matos ? La gnôle, les tiges, la poudreuse et tutti quanti, crois-moi, t'as pas envie de savoir... Nous tournons exclusivement dans le Paris Littéraire car c'est le seul lieu où nous ne sommes pas fichés S.

J’ai lu que tu avais un boulot de veilleur de nuit à côté de tes multiples activités humoristiques. Est-ce que c’est le job idéal pour lire des livres ?  

Tout ça est terminé puisque je vis aujourd'hui de mes vidéos.

J’ai noté pas mal de références footballistiques dans vos vidéos : la fellation sur Pierre-Alain Frau ou encore le rappel dérisoire du « 2-0 » de France-Allemagne le 13 novembre 2015. Est-ce qu’on peut rire de tout, sauf de Barça-PSG ?

La défaite du PSG a été mon Woodstock. Cependant je préfère retenir une autre remontada : celle de Jésus le Christ.

Enfin quels sont vos projets solo et en commun ? Un prochain DAVA [émission réalisée en direct à la Gaîté Lyrique et visible sur YouTube, nda] dans un nouveau lieu parisien ?

On est en off là ? Notre rêve le plus fou serait de jouer nos plus grands hits au stade Centenario de Montevideo, le tout en faveur de l'association 'Lautréamont Sourire' qui a pour but d'offrir des exemplaires des 'Poésies' d'Isidore Ducasse aux enfants touchés par la leucémie ainsi qu'à ceux souffrant d'un vilain rhume.

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