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'Une sale histoire' qui finit bien : Eustache enfin en DVD

Écrit par
Emmanuel Chirache
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La grande rareté de l'œuvre de Jean Eustache au format DVD ou sur Internet explique une partie de la fascination qu'elle exerce sur le public. Il faut dire que son fils, Boris Eustache, ne fait rien pour y remédier, au contraire, et un article récent de M le magazine en rajoute une couche au dossier. Certes, le fils du cinéaste se défend régulièrement comme il peut, pas toujours habilement, et il semble parfois d'humeur suffisamment bonne pour céder les droits aux exploitants. Exemple avec ce DVD enfin publié par Potemkine, qui regroupe deux excellents films : 'Une sale histoire' et 'Le Jardin des délices de Jérôme Bosch'. 

Pour ceux qui n'ont pas pu voir ce long métrage et ce court métrage lors de la rétrospective organisée par la Cinémathèque ce mois-ci, il faut se ruer sur cet objet. Car on ne se lasse pas de revoir 'Une sale histoire', à l'origine une blague de potache racontée par Jean-Noël Picq dans les soirées germanopratines et décadentes de la bande du réalisateur. Grand ami d'Eustache et dandy parisien porté sur la drague et les bonnes bouteilles, Jean-Noël Picq invente un récit provocateur, obscène et voyeur à partir d'un simple trou qu'il aperçoit un jour dans les toilettes d'un bar, un trou qu'il imagine fait pour observer les femmes.

Un acte de voyeurisme pervers, où le spectateur ne voit rien mais entend tout

Quelques années plus tard, Eustache en tire un film entre fiction et documentaire. Il tourne deux fois l'histoire, d'abord racontée dans un salon par Jean-Noël Picq dans une veine documentaire, puis, de manière quasiment identique à la phrase près, récitée par l'immense comédien Michael Lonsdale. Pervers, Eustache inverse la généalogie des tournages dans le film en présentant d'abord la « fausse » version. Le téléscopage de ces deux monologues (seules quelques questions ou remarques de l'audience viennent interrompre l'histoire), le décalage entre le maniérisme spontané de Picq et l'incroyable élégance théâtrale de Lonsdale, le caractère choquant de la théorie de Picq sur les femmes et le sexe, tout participe à faire du film un acte de voyeurisme délicieusement pervers, où le spectateur ne voit rien mais entend tout.

Un film freudien qui jouit par l'oreille, et qui cherche à interroger chacun sur sa soi-disant « liberté » soixante-huitarde. Le but d'Eustache ? Prouver aux gens qu'il ne sont pas aussi ouverts d'esprit qu'ils veulent bien s'en vanter. Brillant, simple et efficace, 'Une sale histoire' risque de perturber l'amour-propre d'un paquet de spectateurs. 

'Une sale histoire' (1977, 84') et 'Le Jardin des délices de Jérôme Bosch' (1979, 33') de Jean Eustache, DVD édité par Potemkine, paru le 2 mai. 


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