Alice Tuyet, la cheffe qui met du glamour dans le végan

Récompensée par Time Out et L’avenir a du bon, le média du boncoin, Alice Tuyet invente une cuisine végétale, ludique, gourmande et durable, où le plaisir de manger invite à dîner les préoccupations écologiques.

faubourg daimant - alice Tuyet
Crédit : Léo Kharfan
Ecrit par Time Out. En partenariat avec leboncoin
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C’était l’un des moments les plus forts de la soirée. Lors des derniers Time Out Paris Food & Drink Awards, dans un Espace Niemeyer plein à craquer (plus de 500 participants), un prix spécial a été remis à Alice Tuyet, instigatrice de Daimant Collective (Plan D, Faubourg Daimant), un collectif de restaurants pionnier sur la cuisine végétarienne et vegane. Ce prix de la meilleure initiative, imaginé main dans la main avec L’avenir a du bon, voulait récompenser une personnalité engagée, déterminée à faire bouger les lignes de la gastronomie et de l’hospitalité. On vous explique pourquoi ça ne pouvait être qu’elle. 

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Alice Tuyet accompagnée du chef Erwan Crier et du directeur de salle Servan Philippo / Crédit : Mickaël A. Bandassak

Pour Alice Tuyet, le végétalisme n’est une pensée ni militante, ni limitante. Entrepreneuse et directrice artistique, elle défend la cause animale une assiette après l’autre dans son accueillant Faubourg Daimant du 10ᵉ arrondissement en ouvrant le premier bistro végan de Paris. Là, elle s’est lancé le défi de donner goût à la cuisine végétale, sans imposer de régime à personne : « Fondamentalement, je ne suis pas anti-viande, poisson ou fromage : je pense simplement qu’on peut réfléchir à comment en manger moins et mieux au quotidien, avec des alternatives intéressantes et attractives pour tout le monde ».

Il y a huit ou neuf ans, Alice Tuyet est devenue végétalienne pour mettre fin à un sentiment de culpabilité grandissant. « J’ai une sensibilité assez exacerbée, qui s’est notamment exprimée dans mon rapport à la nourriture. Petit à petit, voir de la chair animale ou du sang a commencé à me poser problème, je me sentais de plus en plus mal à l’aise face à ça. » À l’époque, diplômée d’HEC, elle ne travaille pas encore dans le milieu de la restauration, mais son nouveau mode de vie lui permet de s’apercevoir du manque de propositions de ce genre dans le milieu. De ce constat naît chez elle un sentiment de frustration, qu’elle transmute en ambition : « Je me suis rendu compte que le végétalisme n’était pas un continent très exploré sur les goûts. C’est devenu ma mission. » 

Ma saucière bien-aimée 

Le défi est de taille : à ce moment-là – et aujourd’hui encore –, la cuisine végane n’est pas vraiment perçue comme sexy ou réconfortante. La stratégie d’Alice Tuyet ? Lui faire enfiler une “robe de soirée”. D’accord, mais ça ressemble à quoi, une assiette végé sur son trente-et-un ? Pour la directrice culinaire, c’est « une cuisine bourgeoise, glamour et sexy, ce qui passe souvent par une bonne sauce, brillante, nappante… » C’est qu’avant d’ouvrir Faubourg Daimant, Alice avait déjà les deux pieds dans la sauce avec son Plan D, sandwicherie street food imaginée aux prémices de son projet sur 19 mètres carrés. « On était déjà très vigilants sur le travail des sauces et des jus, toujours dans cette idée de proposer quelque chose de brillant, festif et joyeux », rappelle-t-elle. 

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Crédit : Léo Kharfan

Au-delà du goût, le concept est sublimé dans son nouveau et fringant Faubourg Daimant par une attention particulière accordée au visuel, du dressage à la vaisselle. Car quand Alice Tuyet parle de “cuisine bourgeoise”, elle pense autant aux plats traditionnels de partage qu’à l’art de la table et à l'imaginaire qu’il convoque, « des saucières, des louches, des plats en inox ou à fleurs… » Autant d’éléments qui participent au caractère convivial et réconfortant du restaurant, qui compte 90 couverts. 

De l’art de se passer du lard

Pour savoir à quelle sauce vous serez mangés au printemps, on a jeté un œil sur la nouvelle carte en cours de finalisation : brochette de pleurotes laquée à la sauce hoisin, asperges et leur mayonnaise fumée, cassoulet végé tomaté… Plutôt alléchant ! Une carte 100 % végétale qui ne s’interdit pas de transcender les classiques de la cuisine carnée, comme avec cette revisite du cassoulet, ou le scotch egg végé : « Pour moi, la cuisine, ce sont des souvenirs et des émotions. Or, 95 % des plats qu’on connaît et qui font partie de notre mémoire sont des plats d’origine animale. On ne cherche pas à tromper le client, mais à le ramener vers un univers rassurant. » 

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Crédit : Léo Kharfan

Si le végétalisme est une contrainte, c’est aussi une forme d’émulation qui, pour Alice Tuyet, « nous oblige à redoubler de créativité et nous force à mieux faire. On ne peut pas camoufler une assiette fade avec un morceau de fromage ou s’arranger avec du lard de Colonnata, qui a beaucoup de goût. » Et cette contrainte devient comme une expérience pour le client, qui se voit offrir l’occasion de sortir des sentiers battus : « On ne fait que proposer, on ne veut rien imposer. »

Le goût du collectif

Pour concevoir cette carte qui se réinvente au rythme des saisons, cette éclaireuse collabore avec le chef Erwan Crier, ami et partenaire de longue date présent sur Plan D. « Erwan et moi, c’est une relation qui s’est construite sur le long terme et on est hyper fiers de ça dans un secteur touché par autant de turn-over », se félicite-t-elle. C’est qu’Alice Tuyet a le goût du collectif : « Dans ce métier, rien n’est possible tout seul, on a absolument besoin des autres. »

Derrière Daimant Collective, il y a l’envie de créer un lien tangible à travers les équipes (quelque 40 personnes à ce jour), mais aussi avec « le client, les producteurs, les animaux, la planète… » L’essentiel, pour l’entrepreneuse, c'est de « savoir se mettre à la place de l’autre. Et chez nous, c’est devenu une seconde nature. Aujourd’hui, il y a une non-toxicité dans nos équipes dont on est extrêmement fiers, et qui est presque plus importante que les engagements ou l’engouement du public : c’est de savoir qu’on a un environnement de travail sain pour tout le monde. »

Si ça compte autant pour elle, c’est que sa petite expérience en cuisine – notamment au sein de la brigade exclusivement masculine d’un semi-gastronomique à Paris – n’a pas toujours été une partie de plaisir. « Sur le moment, je me suis convaincue que ce que j’entendais mes collègues me dire à longueur de journée étaient des blagues. En réalité, c’était clairement du harcèlement. Les premières semaines, j’allais pleurer dans la chambre froide ou dans les toilettes », se souvient-elle.  

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Crédit : Léo Kharfan

Heureusement, les choses changent : tant en cuisine, où s’immiscent bienveillance et mixité, que dans l’assiette, avec une plus grande variété de propositions. Et cette sauceuse pro se réjouit de voir que des restaurants comme le sien ou celui de Manon Fleury (où officie une équipe presque 100 % féminine autour d’une cuisine végétale) sont mis sur le devant de la scène. « Ces lieux permettent de montrer l’exemple, de donner envie à des petites filles ou à des femmes de se lancer dans le milieu. Les positions extrêmes, comme la mienne ou celle de Manon, sont importantes en ce qu’elles peuvent inspirer à d’autres de nouvelles ambitions et pratiques, même dans une moindre mesure. » La révolution est en marche ! 

A lire également : Découvrez le portrait de l’éclaireur James Edward Henry, chef qui a déserté la capitale et vit désormais entre le potager et les cuisines du Doyenné, chambre d’hôtes et restaurant où il pilote ses équipes, du jardin à l’assiette.

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