On a discuté avec Lou Menais, la créatrice parisienne dont tout le monde parle
© William Arcand
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On a discuté avec Lou Menais, la créatrice parisienne dont tout le monde parle

Elle parle de silhouettes comme on parle d’amis, de sensualité comme d’un fil conducteur, et de liberté comme d’un luxe non négociable. Lou Menais, créatrice parisienne, revient sur son parcours, sa marque et son rapport très incarné à la mode.

Marine Delcambre
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Tu te souviens du tout premier vêtement que tu as aimé porter ? De la première fois où tu t’es sentie "toi-même" dans un vêtement ?

Lou Menais : « Très petite, j’aimais m’habiller. Les jupes qui tournent, c’était très important. J’avais aussi une obsession pour des bottes de pluie jaunes. Mes parents ont vite lâché l’affaire avec moi et m’ont laissée très libre (les jours de sport, parfois même le jogging sous la jupe qui tourne…). Plus tard, je dirais que c’étaient plutôt mes premières paires de baskets : j’avais eu des Nike Presto en 6e, qu’on m’avait ramenées de New York, et ça, à l’époque, c’était vraiment quelque chose. La paire de baskets neuve de la rentrée des classes, c’était un de mes moments préférés. »

Qu’est-ce qui t’a donné envie de faire ce métier ? Est-ce que tu te sens à ta place dans l’univers de la mode ?

Lou Menais : « Je dirais que ce sont les films. Quand j’ai vu Tout sur ma mère d’Almodóvar, j’étais obsédée, je voulais devenir décoratrice dans le cinéma. Puis j’ai compris que ce sont les femmes et leurs vêtements qui m’excitaient vraiment. Oui, complètement. Ça fait un moment que je fais ce métier maintenant, j’ai énormément appris sur le tas. J’aime la mode, ce qu’elle raconte, les gens qui la construisent. Parfois, c’est un milieu qui te pousse à te remettre en question, surtout dans ces temps sombres… et puis j’y retourne toujours. C’est quelque chose que j’ai en moi. Je suis une vraie passionnée. »

Tu es passée par JOUR/NE, Rouje, puis ta marque. Qu’est-ce qui t’a poussée à te lancer seule ?

Lou Menais : « Oui, et avant de créer JOUR/NE avec mes deux associés, j’étais designer chez Marc Jacobs pendant 4 ans. Ce qui est génial quand on est seule, c’est la liberté. C’est vraiment ça que je recherche aujourd’hui. Pouvoir être libre dans la création, libre dans les timings, libre de choisir avec qui je travaille aussi. C’est ça, le vrai luxe pour moi : ma liberté. »

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Tu parles souvent de "tes gens", ceux qui t’inspirent. Tu peux nous en dire plus ? 

Lou Menais : « Ces gens, ce sont mon quotidien : leur sourire, leur façon de s’exprimer, leur histoire personnelle et leurs références. Mon entourage m’inspire plus que tout. Mais je m’inspire aussi des passants, de mes amis, des personnages de film… L’humain est mon inspiration numéro un. »

Ichon en fait partie ?

Lou Menais : « Ichon et moi, on est très proches, on vient tous les deux de Montreuil, nos parents habitent dans la même rue ! Sa mère est une vraie icône de mode, d’ailleurs vous devriez aller la voir !! Avec Ichon, on a beaucoup collaboré artistiquement parce que tous les deux, on parle du quotidien, finalement. Et notre amitié, c’est notre quotidien depuis de nombreuses années. »

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Tu crées pour qui ? 

Lou Menais : « Je crée très égoïstement pour moi d’abord. Je veux être excitée et enthousiaste à l’idée de porter mes créations. Ensuite, je pense toujours à ma mère et à ma sœur : je me demande si elles les porteraient, et je leur demande d’ailleurs toujours leur avis. Ma sœur est en mode jean t-shirt blanc, mais elle a toujours le bon conseil. »

À quoi tu penses quand tu conçois une pièce ? 

Lou Menais : « Je pense aux corps. Je suis loin d’avoir un corps de mannequin, j’ai des formes, et j’aime être confortable afin de me sentir en confiance. Je pense à ça. Et puis je pense aux personnes que je trouve inspirantes : avec leur style bien différent, arriveront-elles à s’approprier cette pièce ? »

Si ta marque devait exprimer une émotion, ce serait laquelle ?

Lou Menais : « Je dirais que c’est ce petit shot d’adrénaline, de bonheur. Tu vois, quand tu sors de la douche, que tes cheveux sont mouillés, sentent bon, et que tu bois ton café bien réconfortant dans ta tenue préférée, bien confort. Tu te sens stylée, et là, t’as un petit rayon de soleil qui te tape le visage : tu souris et tu kiffes. C’est cette sensation que je recherche continuellement, et pour moi, un vêtement peut l’apporter, par le confort, les couleurs, les matières. »

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Qu'est-ce que tu veux faire passer comme message à travers ce que tu dessines ?

Lou Menais : « Juste : approprie-toi la pièce, fais-en la tienne, unique parce que tienne. En général, via ma marque, mon message est un message fédérateur : collaborer ensemble, faire partie d’une scène artistique qui s’entraide et se soutient. »

Comment tu travailles : tu pars d’un motif, d’un tissu, d’un souvenir ?

Lou Menais : « Ça change tout le temps. Par exemple, pour mon cardigan en cachemire : j’ai trouvé un lot de boutons vintage made in France incroyables. C’était ça, le point de départ : que faire ? Ils sont si beaux là, devant moi, en vrac. Du coup, j’en ai fait une pièce où les boutons sont complètement dépareillés, comme la sensation que j’ai eue en regardant le lot.
Alors que la robe polo : je voulais une robe facile mais chic, qui ne se froisse pas, qui ne prenne pas de place dans la valise et qui ne soit pas noire, mais qui aille avec tout.
Ça change tout le temps. »

Paris tient une place particulière dans ce que tu racontes. Qu’est-ce que cette ville t’apporte vraiment, au fond ?

Lou Menais : « J’adore Paris, je suis parisienne, née dans le 19e arrondissement, j’ai grandi dans le 11e, le 20e et à Montreuil. Un pur produit de l’Est parisien. J’ai rencontré Paris-Ouest plus tard, comme une nouvelle ville. Cette ville ne cesse de me fasciner chaque jour. Ce qu’elle m’apporte, c’est la beauté. L’imaginaire et les histoires que je m’en fais. Et puis, la richesse de sa population. »

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Quelle est la première pièce que tu as conçue pour ta marque ? 

Lou Menais : « Je dirais que c’est la boucle d’oreille coquillage. C’est une pièce statement, qui va avec tout, qui n’est pas timide : qui rend n’importe quel “t-shirt blanc – jean” ou “petite robe noire” intéressant. C’est une des pièces que je préfère et que je porte le plus. »

Il y a une sensualité très présente dans tes vêtements. C’est conscient ?

Lou Menais : « J’aime la séduction, ça doit se ressentir dans ma marque. Lorsque j’ai fait poser mon entourage pour la dernière campagne, j’avais vraiment envie qu’ils se sentent sexy. »

Tu travailles avec des ateliers en France. Pourquoi c’était important pour toi ?

Lou Menais : « Je travaille avec des ateliers en France, mais pas uniquement. J’ai un atelier à Paris qui fait mes robes, un artisan français qui fait mes bijoux, ainsi qu’une artisane qui travaille la soie pour mes broches. C’est génial de travailler en France pour la proximité des échanges, la réactivité, le fait de pouvoir aller sur place, discuter avec les fabricants… C’est un luxe. Pour ce qui est de la maille, je travaille avec des fabricants en Italie et en Asie, qui ont un savoir-faire incroyable. »

Est-ce que le dialogue avec les artisans influence tes idées ?

Lou Menais : « Bien sûr. Parfois, tu es limitée à une gamme de couleurs de fil, ou à un savoir-faire trop onéreux. J’aime bien être confrontée à des restrictions, ça m’oblige à être créative : devoir m’adapter à ce qui est possible. »

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Tu laisses la marque grandir à son rythme. Tu y tiens ?

Lou Menais : « Oui. Pour avoir été confrontée au rythme des calendriers et du wholesale avec ma marque précédente JOUR/NE, aujourd’hui j’ai envie d’être dans une démarche plus écoresponsable. C’est-à-dire : produire lorsqu’il y a besoin, continuer à vendre mes pièces intemporelles, sans soldes, au juste prix. J’aime aussi prendre mon temps, installer quelque chose de très personnel, au rythme de ma vie. »

Tu préfères quoi : la création pure ou l’élaboration d’un univers autour de la marque ?

Lou Menais : « J’aime créer le produit pur : passer du temps sur une pièce sans penser au stylisme, juste à “l’objet” en lui-même. L’univers autour de la marque : je m’éclate aussi. C’est un travail en équipe, alors que la création pure, c’est un moment solitaire. J’aime l’équilibre entre les deux. Et surtout, avoir la liberté et la possibilité de faire les deux, c’est ça que je recherchais en créant ma marque. »

Quel compliment tu aimerais qu’on te fasse sur ton travail, mais qu’on ne t’a encore jamais fait ?

Lou Menais : « J’aimerais que ma marque représente un univers global, comme un film, quelque chose qui puisse toucher et inspirer d’autres à se lancer. »

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Est-ce que tu as le sentiment que ton travail parle de lui-même ? Ou que tu dois l’accompagner, l’expliquer ?

Lou Menais : « J’espère qu’il parle de lui-même. À une époque où tout le monde fait du behind the scenes, explique tout le process, j’aime bien l’imaginaire qui se construit quand on regarde une image, un vêtement. L’imaginaire de comment on l’a créé. Le fait de tout montrer tout le temps, je trouve ça dommage. »

C’est quoi, pour toi, “se faire connaître” quand on lance sa marque aujourd’hui ?

Lou Menais : « Pour moi, ce serait d’être une référence quand on veut parler de quelque chose. "Ah, c’est très 'Lou Menais' comme couleur", ou "C’est du Lou Menais, cette chanson". Ce serait ça. »

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