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Chef dans son restaurant Vaisseau
© Mickael A.Bandassak

Adrien Cachot ouvre Vaisseau, son restaurant parisien et nous accorde une interview exclusive !

Antoine Besse
Écrit par
Antoine Besse
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Trois ans après avoir envoûté l’édition miraculeuse de Top Chef en 2020 (aux côtés de Mory Sacko, Gianmarco Gorni, Justine Piluso…), et trois ans après une flamboyante résidence au Perchoir, Adrien Cachot s’installe enfin à Paris ! Avec sa compagne Emie Wada et sa brigade, il prend la barre de Vaisseau, son resto amarré dans le 11e avec vitrine alu, murs couleur nuit sans lune, et moquette anthracite qui ouvre ce lundi 4 décembre. On dirait un restaurant gastronomique des années 80 vu par Michael Mann ! Mais dans le menu à l’aveugle, on retrouve bien la cuisine du XXIe siècle de cet ataraxique artisan des terre-mer, ce marabout des abats. En exclusivité, il nous raconte l’épopée de son installation parisienne, sa vision de la cuisine et sa volonté de transmettre. Bonne dégustation !

Pourquoi ce nom, Vaisseau ?

Pour moi, un vaisseau – dans l’espace ou sur la mer –, ça évoque toujours un équipage. Avec Vaisseau, on voulait un lieu à part avec une équipe à part, où l’on va pouvoir exprimer tout ce qu'on a envie d’exprimer. Il y a aussi l'idée de voyage. Avec l’équipe, on a beaucoup voyagé durant ces trois années en attendant l’ouverture !

L’équipe est donc très importante pour vous ?

Oui ! Mon cercle proche est constitué d’Adrien Lopes, le sous-chef, Emine Drissa, le pâtissier, qui me suivent depuis trois ans, Gratien Leroy, qui était à Top Chef avec moi, et Benjamin Arnaboldi, la première personne que j’ai rencontrée en cuisine à Paris. On travaille ensemble, on voyage ensemble, on vit ensemble. On est partis ensemble au Japon pour kiffer mais aussi pour comprendre la cuisine qui m’a imprégné. Je voulais qu’ils goûtent pour comprendre ce que j’ai en tête. Moi, je suis une encyclopédie. Dès que je goûte quelque chose de nouveau, je le classe dans un coin de ma tête et je peux le retrouver pour l’intégrer à un plat. Une soupe, pour moi, c’est une texture, une saveur, la pièce d’une recette. J’ai une mémoire gustative vraiment développée, dommage que ça n’ait pas beaucoup servi à l’école !

Salle moderne et noire
© Antoine Besse

L’école n’a pas été un bon moment pour vous…

J’ai toujours eu un problème de concentration : si tu n’arrives pas à me passionner, tu me perds. L’école m’a perdu. En 3e, je n’avais aucun débouché, rien. En arrivant en stage chez Nicolas Magie, j’ai trouvé comme une famille. Mon chef ne criait jamais, il était toujours posé et passionné. Je me suis senti utile, pris dans cette passion et j’avais besoin de ça. Ça devait durer quinze jours, j’y suis resté trois ans mais j’aurais pu apprendre encore dix ans !

Ce projet de Vaisseau n’a pas été une croisière tranquille.

Quand je tourne Top Chef en 2019, le but est simple : trouver vite un restaurant et cartonner ! Fin 2020, on avait signé pour un lieu dans le 10e. Tout était calé. On devait ouvrir le lundi, les équipes étaient constituées, nos affaires posées dans le local… Avec Emie, ma compagne, on part le vendredi à Modène chez Massimo Bottura pour fêter ça, et sur le chemin, je reçois un coup de fil : la vente ne se fait plus… On a dû trouver une solution de repli pour ne pas laisser les employés sur le carreau et on est partis au Perchoir ! Au début, on ne devait faire que trois mois et finalement, ça en a duré huit ! Ça a matché de ouf et ça m'a permis de digérer la frustration et les doutes. Il y a six mois, on m’a proposé de racheter cette adresse du 10e. Par fierté, j’ai refusé ! J’ai bien fait puisqu’on a trouvé ici, plus grand, plus agréable et avec un karma différent.

Racontez-nous ce lieu tout en épure.

On veut tout centrer sur l’assiette, avec la lumière qui tombe sur les plats comme dans un théâtre. La pièce était toute blanche quand on a acheté, on a décidé que ce serait tout noir ! Mais je ne pense pas que ce soit guindé. On a la chance d’avoir de l’espace et l’atmosphère peut être intimiste à une table de deux, ou plus funky avec dix potes à la table commune, face à la cuisine d’où on envoie directement les plats.

Êtes-vous un chef à la mode ?

Déjà, je me considère avant tout comme un cuisinier, un artisan qui a acheté un restaurant. Chef, c’est quand tu as une grande brigade… Et je n’ai pas envie d’être à la mode. Si tu es à la mode, tu es éphémère. Je ne suis pas pressé et je veux construire quelque chose de solide. Avoir un restaurant s’apparente à une course de fond plutôt qu’à un sprint.

On retrouve des marqueurs du Perchoir, comme le menu à l’aveugle…

Si je ne présente pas les plats, ce n’est pas pour jouer aux devinettes avec les gens mais pour m’offrir plus de liberté de cuisine. Comme je travaille des produits peu communs, comme les abats, si on les annonce, personne ne va les commander. Quand tu as un apriori sur un aliment, pas facile de revenir dessus. J’ai mis longtemps à regoûter des épinards par exemple !

Sardine et Saint jacques
© Antoine Besse

Ça reste votre signature, les abats ?

Je remarque que beaucoup de jeunes chefs les travaillent maintenant ! Les abats ne sont pas une finalité en soi, pour moi, c’est une source de textures. Il y a une vraie différence entre la cuisine occidentale, qui reste sur le croquant ou le fondant, et celle d’Asie, qui travaille le gélatineux, le soyeux, l’élastique… Ces textures qui me choquaient avant, j’aime les travailler maintenant. J’essaye de faire une passerelle entre ce que j’aime, ce que j’ai appris à aimer et ce que je veux faire aimer. Au restaurant, on commence doucement, mais je veux aller vers des abats plus hardcore, tout ce qui fait partie des intestins. Moi, ça ne me dérange pas de travailler les trucs qui puent. Je me démarquais comme ça à mes débuts !

Et soudain, dans le menu, un lièvre à la royale ultra-classique !   

J’en avais marre qu’on me reproche de ne pas être technique ! Je trouve qu’en ce moment, il y a un nivellement vers le bas en cuisine, une volonté d’aller au plus simple. Pourtant, la technicité fait partie de la cuisine française. Si tu n’es pas capable de faire une bonne sauce, de faire un bon lièvre, c'est compliqué de donner l’exemple en tant que cuisinier. Si je ne le fais plus, je ne saurai plus faire, et si je ne sais plus faire, je ne pourrai plus transmettre…

Le chef Nicolas Magie avait à peu près votre âge (34 ans) quand il vous a pris en stage. Est-ce à votre tour de transmettre ?

Oui, c’est à mon tour, et pour ça, je dois être encore meilleur que mon chef pour lui rendre hommage. Je ne suis pas encore au niveau mais j’y travaille tous les jours. Son héritage est présent ici, tu le retrouves dans les sauces, un peu partout… On a tendance à oublier l’importance de l’héritage en cuisine. Aujourd’hui, on veut aller vite, collectionner les belles maisons, accumuler les récompenses. Il ne faut pas oublier la loyauté avec son passé. 

Et l’avenir ?

J’aimerais bien m’arrêter à 50 ans et ne pas m’accrocher à la cuisine... Il faut savoir passer la main. Je me vois bien encadrer des jeunes pour me sentir vraiment utile. Pourquoi pas dans le sport ?

Où ?
Vaisseau, 35 rue Faidherbe, Paris 11e
https://www.restaurant-vaisseau.com/

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