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Matisse/Saint-Laurent
© Jean-Pierre Dalbéra

Art et mode, une histoire d’amour réciproque

Zoé Terouinard
Écrit par
Zoé Terouinard
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C'était (encore) la Fashion Week. Après la relation entre les institutions culturelles et la mode, on se penche aujourd’hui sur les liaisons entre stylistes et artistes, qui n'hésitent pas à piocher chacun dans le moodboard de l’autre.

Des toiles plaquées sur les robes aux designers exposés en galeries, ça fait un bail que l’art et la mode se tournent autour. Au XXe siècle, leur premier flirt a réuni Elsa Schiaparelli et Salvador Dalí. La styliste italienne dévoile en 1937 une robe-homard inspirée du Téléphone-homard de l’Espagnol, peint un an plus tôt. Enchanté, le moustachu aurait par la suite proposé d’y ajouter un peu de mayo, ce que la créatrice aurait refusé (dommage). Cet épisode marque le début d’échanges fructueux entre la styliste et le peintre, qui finissent par former un duo aussi emblématique que leurs créations. Elsa Schiaparelli donne ainsi vie à un “chapeau-chaussure” imaginé par Dalí qui, lui, s’inspire de deux silhouettes dessinées par son amie dans son tableau Vêtements de nuit et jour, une robe zipée et une tenue aux épaules démesurées.

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Il y a eu ensuite Yves Saint-Laurent. Collectionneur aguerri, conseillé par son compagnon Pierre Bergé, il accumule les œuvres d’art tant sur les murs de son appart’ que sur les catwalks. Hommages à Mondrian et au pop art de Tom Wesselmann dans les années 1960, à Fernand Léger et Henri Matisse en 1981, à Van Gogh, George Braque et Picasso en 1988… Avec Saint-Laurent, c’est toute l’histoire de l’art qui s’incarne dans des robes, jupes et blouses. Autre grand amateur d’art, Gianni Versace déclare sa flamme au pop art en 1991 en détournant le célèbre portrait de Marilyn Monroe sérigraphié par Andy Warhol en 1967, devenu une robe fourreau portée par l'icône de l’époque Naomi Campbell.

Des stylistes arty

Au XXIe siècle, ces inspirations continuent de squatter les grands défilés. Une tendance qui culmine en 2014, année marquée par une abondance de collections arty. Couleurs pop de Keith Haring chez Céline, traits naïfs de Joan Miró chez Jeremy Scott, vahinés de Paul Gauguin imprimées sur les créations d’Aquilano Rimondi... Cette année est aussi celle de la très controversée collaboration entre Jeff Koons et Louis Vuitton qui mettaient le Louvre en sac, confirmant au passage le virage pris par la maison de maroquinerie, qui rompait avec son style “quiet luxury” pour une identité bien plus kitsch. Un virage entamé en 2012 avec la reine du pois, la Japonaise Yayoi Kusama, qui avait fait grand bruit – Louis Vuitton avait érigé un énorme automate à l'effigie de l’artiste devant son siège parisien.

Le prêt-à-porter emprunte aussi au musée pour garnir ses rayons. En 2018, la marque de vêtements d’extérieur Moncler s’associe à Valentino le temps d’une collection capsule inspirée de la Renaissance et de ses icônes religieuses. Vêtus de capes matelassées à capuches, les modèles évoluent dans une DA aux airs de chefs-d’œuvre du Quattrocento. Et la même année, Donatella Versace boucle la boucle ouverte par son frère en plaquant Marilyn sur toute une collection, des robes aux cuissardes en passant par les sacs.

Louis Vuitton - Yayoi Kusama
© Louis Vuitton

Mais l’art n’est pas réservé à ceux qui en ont les moyens. La grande distribution se met aussi à proposer de l'arty à petit prix. En 2018, H&M rend hommage à William Morris, pionnier du mouvement Arts & Craft au XIXe siècle. Quatre ans plus tard, le géant suédois présente une collection inspirée de la légende de l’art urbain Keith Haring, que l’on retrouvera bientôt chez Uniqlo, aux côtés de son pote Basquiat.

Et puis lors de la Semaine de la mode parisienne de septembre 2023, Daniel Roseberry, le directeur artistique de Schiaparelli, a réinventé le homard en version plastron doré XXL. C’est reparti pour un cycle ?

Des artistes stylés

Ce petit jeu de références va dans les deux sens. Adulée par le monde de la mode, l’artiste Vanessa Beecroft n’hésite pas à vêtir ses performeuses avec les créations des plus grands designers, de Prada à Tom Ford en passant par Helmut Lang. Dans ses “tableaux vivants”, l’Italienne se sert de la mode pour “​​poursuivre une image esthétiquement plus plausible et moins prosaïque”. Elle est également derrière la scénographie du défilé Yeezy de Kanye West en 2017, et de la campagne printemps-été de Sisley la même année.

Et puis il y a ceux qui fusionnent les deux. Comme Sterling Ruby, qui a collaboré avec Raf Simons pour une capsule de denim en 2014 et avec Dior pour la collection haute couture automne-hiver 2021. Créateur protéiforme et touche-à-tout, l’Américain a lancé en 2019 sa propre collection de prêt-à-porter et d’accessoires. Baptisé S.R. STUDIO. LA. CA., ce label témoigne de ses nombreuses inspirations : “Je me suis toujours intéressé au pouvoir comportemental associé aux vêtements. Pendant des années, j'ai exploré les vêtements en tant que médium, en tant que moyen qui influence la façon dont on peut penser, ressentir et bouger.” Ses pièces ont maintenant quitté les galeries pour rejoindre les boutiques, confirmant qu’en 2024, l’art est définitivement à la mode.

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