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© Silencio

Fashion Week : 100 ans de clubs branchés à Paris

Antoine Besse
Rémi Morvan
Écrit par
Antoine Besse
Contributeur
Rémi Morvan
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Le grand cirque de la Fashion Week est de retour à Paris du 16 au 21 janvier, et avec lui LA question : après avoir maté les défilés et mangé, où aller danser (et réseauter) ? Cette question échauffe depuis des décennies le Tout-Paris, ce panier à géométrie variable garni de gens de la mode, du cinéma, de musiciens, artistes et opportunistes en tout genre. Time Out a enfilé son imper élimé d’historien de la fête pour raconter les lieux qui ont marqué les annales de la branchitude et qui ont commun que la musique y a toujours autant compté que “d’y être vu” – et un tri très sélectif. Une liste pour découvrir les lieux où guinchaient Joséphine Baker, Yves Saint-Laurent, Mick Jagger, Thierry Mugler, Dua Lipa ou Pharrell Williams, à ressortir entre deux bisoutages.

La Coupole

Il y a cent ans, c’est la Coupole qui faisait tourner la hype. La raison ? En pleine émulsion des Années folles, au centre d’un quartier hérissé des places to be de l’époque (le Select, la Rotonde, la Closerie des Lilas…), la Coupole avait un petit côté démesuré à même d’appâter le branché : un lieu immense tendance Art déco entre dancing à penchant latino, fontaine centrale et 33 piliers symétriques peinturlurés par quelques types un peu connus (Matisse, Chagall, Léger…). L’inauguration, le 20 décembre 1927, lors de laquelle 1 200 bouteilles de champagne sont essorées par Foujita, Man Ray ou Mistinguett, donne le rythme d’un lieu marqué par le faste et le strass, les passages de Joséphine Baker et son guépard, et les ploufs dans la fontaine. L’après-guerre est toujours animé – Camus, Sartre ou YSL y passent régulièrement –, mais la Coupole voit ensuite son public se reporter sur d’autres lieux encore plus branchés. Aujourd’hui, la salle et les souvenirs sont toujours là – comme le curry d’agneau à l’indienne –, mais la hype semble avoir définitivement déserté le quartier. 

Année d’ouverture : 1927

La Coupole Paris
© La Coupole Paris

Chez Castel

1962, en plein Saint-Germain, dans ce qui fut une épicerie et un hôtel, Jean Castel, un colosse ex-navigateur ouvre au 15 rue Princesse un lieu velouré de rouge déplié entre un restaurant aux repas sans fins et une discothèque en sous-sol. Ce qui fait le sel de chez Castel, et ce qui aimante une faune mixant artistes, modeux, politiques, clochards célestes et musiciens, c’est son aspect ultra-privé – il faut une carte de membre et la porte reste austère comme une pervenche à l’heure du déjeuner pour les non-initiés –, couplé au relationnel de prophète de Jean. Des années 1960 aux années 1990, on y croise Pierre Bergé, Serge Gainsbourg, Jean Yanne, Madonna, Prince ou Salvador Dali tapant la pause avec Mister Univers (oui oui). Aujourd’hui sous la coupe du groupe Paris Society, Chez Castel a gardé son aspect privé, le branché en moins.

Année d’ouverture : 1962

Le Sept

Le Sept fut le tout premier lieu tenu par Fabrice Emaer. Vu de l’extérieur, ce club gay n’avait rien d’extravagant. Une petite porte noire, une sonnette, et un physio à moustache pour vous ouvrir l’antre du paradis (et du disco). A l'intérieur ? Des femmes sublimes, comme les mannequins de Saint Laurent (le lieu est d'ailleurs reconstitué dans le film Saint Laurent de Bertrand Bonello) qui accompagnaient le couturier, des artistes british adeptes de la déglingue (Jagger ou Bowie) ; des gigolos et des bandes de jeunes punks... Tout s’agglutinaient dans l'espace très étroit et tout en longueur, où les populations se mélangeaient à la haute, pour se retrouver dans un lieu ouvert au trash, à la débauche, et novateur dans sa scénographie et sa musique : néons de couleur au plafond, et soul, funk et disco mixée par Guy Cuevas, pionnier dans l’importation de musiques noires à Paris. Le Sept fut donc le premier endroit où le disco fut joué à Paris, et Grace Jones y aurait eu l’idée de sa version de La Vie en rose. Fabrice Emaer, ayant la folie des grandeurs, ouvre parallèlement le Palace, et finit par fermer le Sept en 1980. 

Année d’ouverture : 1968 

Le Sept
DR

Le Palace

Installée dans un ancien théâtre, cette boîte ouverte en grande pompe le 1er mars 1978 était immense. Plus de 2 000 personnes pouvaient y rentrer… et presque autant attendre dehors ! Fabrice Emaer, le charismatique patron, revenu tout chamboulé de New York, voulait pour Paris un lieu capable de concurrencer le mythique Studio 54. Résultats : des décors grandioses, des lasers à gogo, du disco à fond (avec Guy Cuevas aux platines) et des budgets déments (Emaer avait fait venir des culturistes américains par avion pour une unique soirée). Sous la boule à facettes, la piste de (déca)danse mélangeait stars et anonymes, prolos et bourgeois, gays et hétéros. En 1980, la belle idée de mixité fit long feu avec l’ouverture dans le sous-sol du kitschissime Privilège, carré super-VIP. Le décès brutal d’Emaer en 1983 signe le lent déclin du club. Après des années à prendre la poussière entre 1996 et 2008, il se transforme de nouveau en théâtre. Le Petit Palace, un club branché, a un temps occupé l’ancien Privilège, avant de fermer des suites du Covid.

Année d’ouverture : 1978

Le Palace, Paris, 1978 © Philippe Morillon
Le Palace, Paris, 1978 © Philippe Morillon

Les Bains Douches

En 1978, à l’opposé de la flamboyance du Palace, les Bains Douches misent sur le minimalisme froid, présageant la bise glacée de la new wave qui va balayer les paillettes du disco. Le jeune designer Philippe Starck préserve l’esprit de ces anciens bains publics (bassin, faïence, mosaïque au sol) et dispose des stores et de vieux projecteurs de cinéma. Les jeunes gens modernes à épaulettes (qui arrivent à passer la barrière de l’intraitable physio Marie-Line) viennent s’ébrouer dans la joie communicative des mélopées synthétiques de Depeche Mode ou des guitares tourmentées de Joy Division. Jusqu’en 1990, les Bains restera l’insubmersible rendez-vous de la « jet C » : stars, demi-mondains, artistes, publicistes en goguette… Après moult vies (et morts), le lieu a été ressorti de l’eau en 2015 par Jean-Pierre Marois sous la forme d’un hôtel-restaurant. Le club – plus petit et moins grandiloquent – est cependant toujours là, avec son dancefloor à damier noir et blanc de Starck, accueillant une faune toujours à la pointe. La prog slalome entre aftershows, sets hip-hop et résidences plus électroniques bien senties. 

Année d’ouverture : 1978 

Les Bains
© Foc Kan

Le Baron

Depuis 1983, Paris se languissait de retrouver les nuits décadentes du Palace. Il faut attendre octobre 2004 et la transformation, par le graffeur André et le serial fêtard Lionel Bensemoun, d’un boudoir « à hôtesses » pour VRP priapiques en un miniclub pétaradant. Avec sa déco de claque dans son jus, sa sono pas terrible et sa variétoche au kitsch assumé, il tourne le dos à tout ce que cherchent les autres clubs. Et ça marche ! Ceux qui réussissent à passer la porte odieusement difficile s’y amusent comme des petits fous dans un entre-soi stupéfié de la mode, de la pub, du ciné et de la presse, au milieu des crevards sapés et des célébrités fonfons. Chez les noctambules, on doit alors choisir son camp :  pro ou anti-Baron. La hype durera jusqu’en 2016. Le lieu abrite toujours un club, le Medellín.

Année d’ouverture : 2004

Le Baron
Le Baron

Silencio

Un club croqué par David Lynch : quoi de mieux pour faire câbler les branchés ? Le Silencio tient en effet son blaze du rade fétiche où les personnages de Mulholland Drive viennent chercher de quoi irriguer leurs veines. Clubs parmi les plus privés, les plus selects et les plus convoités de la capitale, il s’ouvre (un peu) à minuit en accueillant un public méchamment sapé, ravi de scruter un peu de faune VIP et d’éplucher le décor de cette terrière voûtée. S’y entrechoquent un cinéma, une galerie d’art, un bar à cocktails (plus que correct pour un club) et une scène partagée entre arts vivants, artistes contemporains et musiciens de tous bords.

Année d’ouverture : 2011 

Silencio
© Silencio

Carmen

Le club branché parisien par excellence, et ce, toute l’année. Depuis une quinzaine d’année, ce bar à gins, installé dans un écrin rococo où Georges Bizet aurait composé son célèbre opéra, a muté en club au chébran de l’indicatif passé minuit. Sur la piste – après écrémage à la porte –, on croise un microcosme formé de beautiful pipole, mannequins, branchés et autres noceurs VIP. Question genre musical, la selecta flirte majoritairement avec le hip-hop (au sens large). 

Année d’ouverture :  2010

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