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© Anais Schneider pour Time Out

Ces œuvres qui ont fait polémique à Paris

Miriam Cahn, Jeff Koons, Deborah de Robertis... Retour sur 6 œuvres qui ont défrayé la chronique sur la capitale.

Zoé Terouinard
Écrit par
Zoé Terouinard
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L'œuvre de Miriam Cahn Fuck Abstraction !, exposée depuis le mois de février au Palais de Tokyo, a été recouverte de peinture début mai. Loin d’être une nouveauté, cette attaque s’ajoute à la longue liste de bad buzz et dégradations qui secouent régulièrement le paysage artistique parisien. Retour sur six œuvres qui ont fait polémique.

6 œuvres qui ont fait polémique à Paris

Miriam Cahn - “Fuck Abstraction !”
© Palais de Tokyo

Miriam Cahn - “Fuck Abstraction !”

Dénonçant les viols de guerre à travers une scène de fellation entre une silhouette dominante et une autre frêle et soumise, la toile de Miriam Cahn est accusée de faire l’apologie de la pédopornographie, malgré les précisions apportées par l’artiste suisse dès le début de la polémique : “Ce ne sont pas des enfants. […] Le contraste entre les deux corps figure la puissance corporelle de l'oppresseur et la fragilité de l’opprimé agenouillé et amaigri par la guerre.”

Après le tollé sur les réseaux sociaux, l’interpellation ultra-médiatisée de la ministre de la Culture Rima Abdul-Malak par la députée RN Caroline Parmentier, et les plaintes déposées par six associations (déboutées par le tribunal administratif de Paris le 28 mars, puis par le Conseil d’Etat le 14 avril), on pensait en avoir fini avec ce parfum de scandale aux effluves d’extrême droite. Et pourtant, le 7 mai, un octogénaire (ancien élu du Front national) asperge le tableau de peinture. Le Palais de Tokyo, résistant depuis le début de cette histoire, assure dans un communiqué que l'œuvre, non vitrée, restera accrochée en l’état jusqu’à la fin de l’expo.

Anish Kapoor - “Dirty Corner”
Photo : © TB / Time Out

Anish Kapoor - “Dirty Corner”

En 2015, l’artiste britannique Anish Kapoor obtient la tant convoitée carte blanche du château de Versailles, institution sacralisée par les militants royalistes. L’objet du scandale s’appelle Dirty Corner, une sculpture monumentale en acier très vite surnommée par les médias français “le vagin de la reine”. Comme diraient les Marseillais : “Les problèèèèèmes…” Quasiment un blasphème pour certains. Résultat, quelques jours après l’ouverture de l’expo, l’œuvre est vandalisée à coups de peinture jaune. Un acte que l’ancienne ministre de la Culture Fleur Pellerin condamne fermement en parlant d’“atteinte à la liberté de création”.

Quelques mois plus tard, l'œuvre (qui avait été nettoyée) est une nouvelle fois souillée, cette fois par des inscriptions antisémites et royalistes. A la manière du Palais de Tokyo aujourd’hui, le plasticien décide de ne pas faire effacer ces inscriptions : “Je défie désormais les musées du monde de la montrer telle quelle, porteuse de la haine qu’elle a attirée. C’est le défi de l’art.” Il reviendra sur sa décision quelque temps après en recouvrant les inscriptions de feuilles d’or, clin d'œil ironique à la royauté. Trop lentement au goût du tribunal administratif de Versailles qui condamne le château pour “trouble à l’ordre public” pour avoir laissé visibles des éléments à caractère antisémite. Un verdict qui pose question : peut-on être responsable de la haine des autres ?

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Jeff Koons - “Bouquet of Tulips”
© Leonard Zhukovsky /Shutterstock

Jeff Koons - “Bouquet of Tulips”

Le 13 novembre 2015, des terroristes attaquaient Paris, ses terrasses, ses supporters de foot et ses amateurs de musique. C’est en hommage aux victimes de ces attentats que, en 2019, le plasticien américain Jeff Koons offre un bouquet de fleurs XXL à la capitale, désireux d’apporter de “la joie” de et de “l’optimisme”. Le moins que l’on puisse dire, c’est que c’est loupé. Si son bouquet de tulipes de 12 mètres de haut a été accepté avec plaisir par la maire de Paris Anne Hidalgo, ce n’est pas le cas des habitants qui soulignent l’opportunisme et le manque de tact de l’artiste. Un collectif de personnalités de la culture signe d’ailleurs une tribune dans Libération le 21 janvier 2018 pour dire “Non au «cadeau» de Jeff Koons”

Ce qui agace, outre le coût de fabrication (3,5 millions) et l’emplacement imposé (le Palais de Tokyo et finalement le jardin des Champs-Elysées), c’est la personnalité de Koons. Artiste le plus cher du monde, l’Américain est pour certains le symbole de l’art industriel, de l’hyperluxe et du mauvais goût. Pour beaucoup, le fait qu’il impose son offrande dans le paysage public (en même temps que l’ouverture de la FIAC, drôle de coïncidence) relève de l’ego trip plutôt que de l’acte désintéressé. L’allure même de l'œuvre embête, entre rapprochement des tulipes avec des anus et la main qualifiée de “moignon”. Très vite, le bouquet est dégradé par l’inscription “11 Trous du cul”, qui a été nettoyée. Si les Parisiens ont dû accepter le présent, ce sont aujourd’hui les pigeons qui se vengent.

Deborah de Robertis - “Miroir de l’origine”
© Deborah de Robertis / Miroir de l’origine, 2014 (46 x 55)

Deborah de Robertis - “Miroir de l’origine”

Inconnue du grand public, l'artiste luxembourgeoise Deborah de Robertis a fait une entrée médiatique fracassante en France le 30 mai 2014. La veille, cette performeuse féministe s’est installée, jambes écartées, devant le fameux tableau L'Origine du monde de Gustave Courbet, exposé au musée d’Orsay. Une performance immobile qui a duré six minutes avant d’être emmenée en garde à vue. Le musée d’Orsay (ainsi que deux de ses agents) ont porté plainte contre l’artiste pour exhibitionnisme sexuel. 

Une accusation dont se défend Deborah de Robertis qui se dénude régulièrement dans des musées et explique vouloir “révéler les mécanismes de censure liés au regard porté sur la nudité féminine dans nos sociétés occidentales”. Peut-on uniquement montrer une vulve lorsqu’elle est peinte par un artiste (masculin de surcroît) validé par les élites ? 

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Christo et Jeanne-Claude - L’Arc de Triomphe empaqueté
© Anais Schneider pour Time Out

Christo et Jeanne-Claude - L’Arc de Triomphe empaqueté

En septembre 2021, alors que la France rouvrait ses portes après le Covid, les Parisiens découvraient leur Arc de Triomphe empaqueté dans 25 000 mètres carrés de tissu. Le projet posthume des artistes spécialistes de l’empaquetage Christo et sa Jeanne-Claude a vite divisé la capitale. Pourtant, tout était prévu pour parer aux critiques. Le coût de fabrication de 14 millions d’euros, jugé indécent par certains ? Le projet est financé à 100 % par les ventes du duo star de l’art contemporain. L’impact environnemental ? Le tissu est réalisé à 100 % partir de toile entièrement recyclable. 

Mais il y en avait toujours qui étaient agacés : bah ouais, pourquoi planquer sous une bâche l’une des fiertés de notre capitale ? C’est justement la démarche de Christo et Jeanne-Claude, qui sont persuadés que c’est en cachant que l’on révèle. La preuve : on n’a jamais autant parlé de l’Arc de Triomphe qu'au moment de son empaquetage !

Paul McCarthy - “Tree”

Exposé dans le cadre de la FIAC Hors les Murs de 2014, l’étrange sapin de Noël de l’artiste américain Paul McCarthy a suscité l’émoi dans le très chic quartier des joailliers parisiens. Trônant fièrement du haut de ses 24 mètres au milieu de la place Vendôme, l’immense sculpture gonflable a vite choqué par sa ressemblance avec un certain sex-toy. Très vite même : deux heures après avoir érigé son arbre, le plasticien a été frappé trois fois au visage par un inconnu qui lui a hurlé que ni lui, ni son travail, n’avaient leur place en France. Ambiance.

Surnommée “le plug anal de la place Vendôme”, la structure a ensuite été dégonflée par des inconnus, moins de trois jours après son inauguration. Dans les médias, l’acte divise et McCarthy, fatigué, renonce à réinstaller son œuvre, malgré le soutien de la maire de Paris Anne Hidalgo et de la ministre de la Culture Fleur Pellerin. Une décision respectée par la directrice de la FIAC Jennifer Flay mais bon, à quoi sert l'art si ce n'est troubler ? On vous laisse méditer. 

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