Il y a les hôtels où l’on dort, et ceux où l’on vit. L’Experimental Chalet Val d’Isère appartient clairement à la seconde catégorie. En avril 2023, l’Experimental Group – barons du cocktail passés à l’hôtellerie – rachète l’Aigle des Neiges, mastodonte de 113 chambres planté au cœur de Val d’Isère. Un bloc de lauze, béton et bois, pas vraiment sexy sur le papier. Mais parfait terrain de jeu pour Dorothée Meilichzon, décoratrice fétiche du groupe, qui réussit l’exploit d’en faire un lodge alpin à l’américaine… sans sombrer dans le chalet-carton-pâte.
Dès le lobby, le bois domine sans jamais tomber dans le rustique. Encadrements sculptés comme des troncs, poignées inspirées de nœuds de bois, têtes de lit en branchages stylisés, moquette si douce qu’on y marche en chaussettes. Un "esprit forêt" qui donne l’impression que l’hôtel prolonge la montagne. Face à vous, une immense cheminée de pierre appelle les histoires de loups et les tempêtes de neige.
Deuxième fil rouge : le ski. Mais ici, pas de kitsch. Juste des clins d’œil subtils : cadres en forme de spatules, pieds de tables en rondelles de bâtons, et cet enduit blanc granuleux qui évoque les traces de carving sur la face de Bellevarde. Les équipes l’appellent "l’enduit ski" – une chaux texturée pensée comme hommage aux après-midis givrés.
Côté fourchette, l’hôtel se scinde en deux. D’un côté, L’Aigle d’or : salle théâtrale de rondins, moquette et velours, où Rudy Ballin (ex-Robuchon, Frenchie, Maison Blanche) sert des classiques sauce montagnarde. Croquettes fondantes au Beaufort, filet de boeuf Montbéliard sur os, sauce au poivre, champignons aux herbes et frites, huîtres Spéciales Perle Blanche n°3 – comme une piqûre de rappel iodée à 1 850 mètres. L’autre scène, L’Aiglon, se fait plus confidentielle. Salle intime, four à bois, banquettes en demi-cercle : raclette et fondue à volonté, sans folklore ni chichi, dans un décor de rosaces beurrées, pierres au sol et lumières tamisées.
Cerise sur le dénivelé : au sous-sol, Exclusiv, le ski shop maison. Matériel Ski Set haut de gamme, conseils personnalisés, raquettes, luges, masques oubliés… tout est là, à deux pas de votre lit. Et le must : un vrai ski-in, ski-out, pour passer du petit déj à la pente sans phase intermédiaire embarrassante. Réservation anticipée = prix doux (-20 %) et service aux petits soins, sans obséquiosité. Vous descendez, vous chaussez, vous partez.
Et parce qu’un bon après-ski ne se résume pas à un vin chaud, direction le spa. Soins Barbara Sturm pour les tech addicts, plantes Mansard pour les bios, massages drainants, sauna et bain glacé pour les guerriers de la piste. La récup’ devient cérémonie.
À la nuit tombée, le Cocktail Club se réveille : moquette rouge, comptoir sculpté, fresques de pistes vintage. L’esthétique seventies, un poil surjouée, trouve tout de même son équilibre grâce à une acoustique soignée et une vraie maîtrise au shaker. À siroter : Green Fizz acidulé (Génépi des Pères Chartreux, sirop de poire, citron jaune, bitter céleri, soda water) ou Café Alpin (Whisky Ardberg 10 ans, liqueur de Quaglia Pino Mugo, Porto Quinta do Noval, café) qui réchauffe. La carte n’invente pas grand-chose, mais elle tient la corde.
En somme : un refuge intelligemment pensé où l'on oublie la raideur des pentes. Oui, le design est appuyé, parfois un peu démonstratif, mais l’ensemble fonctionne : on s’y sent bien, on y mange avec plaisir, et l’on s’y repose vraiment. L’Experimental Chalet coche (presque) toutes les cases de l’hôtel de montagne nouvelle génération. Et entre deux descentes, on se surprend à penser qu’on y passerait bien l’hiver entier.