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Couteaux Homard ©DavidGirard

Alexandre Mazzia : sur la plus haute marche du podium

La cuisine d’Alexandre Mazzia est comme une forme d’écriture. Revenons avec lui sur sa carrière, à l’occasion de sa nomination comme président du concours S. Pellegrino Young Chef pour la France.

Écrit par
La Rédaction
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Il est l’un des chefs français les plus en vue de notre époque. A Marseille, son restaurant AM jouit d’un prestige aussi grand que lui (1,95 m). Cet ancien basketteur a placé la cité phocéenne sur la carte de la haute gastronomie mondiale avec des plats aux accords complexes comme des oxymores, renversants comme des chiasmes. La cuisine d’Alexandre Mazzia est comme une forme d’écriture. Revenons avec lui sur sa carrière, à l’occasion de sa nomination comme président du concours S. Pellegrino Young Chef pour la France.

Alexandre Mazzia, vous avez eu une enfance cosmopolite, qu’en avez-vous gardé ?J’ai passé plus de quatorze ans entre Pointe-Noire, en République du Congo, et l’île de Ré, où mon grand-père était pêcheur. Alors on peut dire que depuis le début, la mer a guidé mon âme. J’ai besoin de l’océan, des réverbérations du soleil sur l’eau, je ne pourrais pas vivre dans une ville où il n’y a pas la mer ; c’est d’ailleurs aussi pour ça que je me suis installé à Marseille. Le goût fondateur pour moi, c’est celui du poisson grillé sur la plage. Quand je me suis installé en région parisienne, à l’adolescence, la rupture culturelle et sociale a été brutale.  

Avant la cuisine, votre première passion, c’est le basket. Vous jouiez à quel poste ? 
Je jouais deuxième arrière. Le basket m’a vraiment éduqué quand je suis arrivé à Paris. A la fin des années 90, j’ai connu la grande époque de Châtelet - Les Halles, quand c’était un haut lieu de la culture hip-hop en plein essor, des concours de danse, de rap – j’écoutais beaucoup le Wu-Tang Clan. Et dans cette culture très street, le basket joue un rôle important. Ma gare RER, c’était Asnières - Gennevilliers, et je peux vous dire qu’avec mes potes, j’ai gagné pas mal de tournois en 3 contre 3 dans beaucoup de villes de banlieue ! (Sourire.) En ce moment, j’adore voir jouer Victor Wembanyama en NBA, il est déjà très fort et sa marge de progression est immense !

Et la cuisine dans tout ça ?
Un été, ma grand-mère m’a dit cette chose pleine de bon sens : “S’il y a un job où tu ne mourras jamais de faim, c’est la cuisine.” (Rire.) Alors je me suis inscrit à l’école hôtelière de Saint-Cloud et j’ai tout de suite adoré ça. L’éloquence, le savoir-faire, l’acuité sur les produits de mes enseignants m’ont tout de suite enchanté. Leur bonhomie aussi. J’étais ébahi par la prestance d’un prof en particulier : Monsieur Dugabelle, qui était d’une bienveillance incroyable ! Cette figure inspirante a constitué un modèle par la suite dans ma carrière : je voulais devenir comme lui.

 

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Crédit ©Matthieu Cellard

Avez-vous une école culinaire, un type de cuisine qui vous a particulièrement marqué ? 
J’ai commencé comme pâtissier, chocolatier et confiseur. La pâtisserie, c’est une école de la minutie, de la rigueur. On apprend que le foisonnement, le grammage et l’incorporation des ingrédients doivent se faire d’une manière bien précise. Puis, en 2005, je suis parti me former en Espagne chez d'immenses chefs comme Martin Berasategui et Santi Santamaria. La cuisine espagnole des années 2000 a été une source d’inspiration très grande, pour sa créativité, son esprit libre et sans carcan. Une cuisine empreinte d’une certaine légèreté, aussi. Ensuite, des cuisiniers comme Pierre Hermé et Pierre Gagnaire m’ont permis de comprendre que la cuisine pouvait être une écriture, un mode d’expression propre à chacun. 

Et plus tard, vous vous installez à Marseille. Pas étonnant que vous, le basketteur, ayez choisi une ville dont l’un des quartiers s’appelle le Panier… 
Ma première adresse, c’était le Hom'Art à Avignon, en 2008 : j’y envoyais un menu fixe en six, huit ou dix plats, et je faisais des plats différents pour chaque convive ! J’avais incroyablement envie de m’exprimer. Quelques années plus tard, en 2014, j’ai ouvert AM à Marseille, une ville foisonnante et maritime qui me va bien.

 Vous êtes un miniaturiste de la cuisine, recherchant la surconcentration des saveurs dans des nano-bouchées intenses et vibrantes. Votre menu au long cours comporte quelque 50 plats et près de 350 ingrédients ! Quelles sont les saveurs qui marquent votre cuisine ?
Les épices, les saveurs fumées et grillées sont prégnantes dans mes plats. Par exemple, en ce moment avec mon équipe, on sert des couteaux cuits dans une vapeur de saké avec une pommade iodée. Un lait de poule au jaune d’œuf, vinaigre de riz et cumin. Et un “jus-sauce” : un beurre blanc aux têtes de carabineros (des grosses crevettes rouges, ndlr), jus de bœuf et peau de piment à l’eau de gingembre. Je travaille aussi la chair rouge de ces carabineros qui sont marinés puis passés au barbecue pour conserver leur intensité juteuse, et je les accommode d’un vinaigre de raisin et d’un jus de cochon. 

J’en salive rien qu’à vous écouter… Votre restaurant AM fête donc ses 10 ans avec trois étoiles au Michelin, une entrée fracassante au 50 Best, une renommée mondiale… Quel bilan faites-vous de cette décennie ? 
Toutes ces distinctions sont très gratifiantes mais elles forcent aussi l’humilité. Que AM soit une adresse connue et reconnue dans le monde entier tient presque du miracle. Je suis ravi et honoré même si, quand on travaille, le quotidien du restaurant reprend le pas ; on a la tête dans le guidon alors on n’y pense pas à chaque instant. D’ailleurs, tous ces prix, je les ai eus avec mon équipe et mon très cher Marco Altenburger (chef pâtissier et ami qui nous a quittés en 2023, ndlr). Le fait d’être l’un des trois chefs à cuisiner pour les athlètes des JO de Paris me permet de lever la tête et de prendre conscience du chemin parcouru : je vais même porter la flamme olympique le 8 mai, un grand moment de vie pour l’ancien sportif que je suis ! 

Vous avez aussi été nommé président du jury France de la S. Pellegrino Young Chef Academy. Qu’est-ce que ça représente pour vous ?
C’est un honneur de représenter la France et de porter de jeunes talents dans un concours qui me correspond bien : chaque candidat vient montrer son écriture culinaire, sa singularité, sa manière d’exprimer les choses. Mon rôle est de les accompagner et de les aider à se transcender pour essayer de faire gagner la France lors de la grande finale mondiale. Cette dimension de transmission et de formation me parle beaucoup. Comme le basket, la cuisine est un sport collectif ! 

Si vous êtes un jeune chef de moins de 30 ans, vous pouvez candidater au concours S.Pellegrino Young Chef en ligne.  

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