Depuis la fermeture du restaurant Botanique (devenu Géosmine), il était devenu compliqué de goûter la cuisine sensible du chef Sugio Yamaguchi si l’on n’avait pas la chance de le croiser lors de ses pop-up. La voilà de retour avec ce Wani, arrimé à deux encablures du Bon Marché et surfant sur le tsunami des coffee shops chics : une haute salle blanche et bois qui privilégie le service (un peu hésitant) aux clients, avec seulement 10 places calées contre un étroit comptoir ou sur des caisses de vin…
Si l’on retrouve bien les habituelles variations de boissons chaudes (café Parlor, thé japonais Jugetsudo, matcha écrasé minute au mortier), jus, kombucha et autres cookies, Wani se distingue de la foule des concurrents par ses assiettes poétiques et délicates comme une pluie de pétales de sakura. Dans la carte écrite à la main par l’artiste Cosima Mizzi Degioanni (qui officie derrière le comptoir), on pioche une étonnante tartine au levain de tomme de vache plaisamment rustique sous un buisson de tranches de truffe qui va faire exploser votre Insta (à défaut de vos papilles), un poétique ceviche de Saint-Jacques polychrome (vert avocat, jaune kumquat et rose radis) et une tartelette poire cuite et pâte d’amande lustrée d’agrume (signée Chihiro Katsui). Et comme le chef adore embourgeoiser ses plats, la madeleine ou le ceviche peuvent se coiffer d’une cuillère de caviar osciètre ! Déception : pas de trace du céleri rémoulade avec lequel le chef a remporté le championnat du monde 2022.
En inventant le coffee shop gastronomique (le gastroffee shop ?), Wani s’impose comme une adresse singulière et séduisante dans un paysage passablement saturé.