L’exposition de David Hockney à la Fondation Louis Vuitton est l'événement artistique de la saison à plus d’un titre : superstar de l’art contemporain, David Hockney est peut-être le peintre le plus connu en activité, avec une carrière prolifique entamée dans les années 1960. C’est aussi une démarche assez exceptionnelle pour la Fondation Louis Vuitton, qui a invité l’artiste à choisir le thème et à s’impliquer personnellement – pendant près de deux ans de préparation – dans la conception de ce qui devient ici sa plus grande exposition à ce jour, avec plus de 400 œuvres réparties dans l’ensemble des galeries du bâtiment imaginé par l’architecte Frank Gehry.
Événement, ou plutôt avènement, car cette exposition, visible jusqu’au 29 août, marque aussi l’arrivée du printemps comme il se doit : les arbres en fleurs du bois de Boulogne environnant font écho à de nombreuses œuvres célébrant la saison et le thème de la nature. Le sous-titre de l’exposition – Do remember they can’t cancel the spring – est d’ailleurs resté en anglais, tel que Hockney l’a écrit. Une phrase née pendant le confinement de 2020, accompagnant l’un de ses dessins réalisés en Normandie, et dont le message résonne encore cinq ans plus tard. On l’a dit, l’œuvre de David Hockney est vaste. Il ne s’agit pas ici d’une rétrospective au sens strict, comme celle que lui consacrait le Centre Pompidou en 2017, même si les “greatest hits” sont bien présents dès la deuxième galerie de l’exposition. Le niveau -1 de la Fondation propose une sorte de flashback introductif avec des œuvres de jeunesse, dont son tout premier tableau peint en 1955, mais aussi celles des années 1960 et 1970, comme A Bigger Splash (1967) ou Portrait of an Artist (Pool with Two Figures) (1972).
Pour le reste, David Hockney a choisi – en collaboration avec son compagnon et studio manager Jean-Pierre Gonçalves de Lima – de se concentrer sur ses œuvres des vingt-cinq dernières années. Il montre ainsi que, tout en ayant marqué l’histoire de l’art du XXe siècle, il est aussi un artiste majeur du XXIe. On est notamment frappé par sa maîtrise des sujets académiques – le paysage, le portrait – explorés dans toutes les dimensions, et avec des techniques aussi bien traditionnelles (aquarelle, peinture à l’huile, fusain) que numériques. Il va même jusqu’à concevoir une œuvre immersive dédiée à son amour de l’opéra, visible (et audible) ici pour la première fois. En contemplant le nombre impressionnant d’œuvres fixes ou animées réalisées sur iPad, on se dit qu’il parvient même à donner ses lettres de noblesse à la peinture numérique. Son usage de la tablette permet notamment de créer d’impressionnantes vues nocturnes éclairées par la lune, ainsi que des autoportraits qui ont presque quelque chose du selfie – entre introspection classique et regard contemporain.
L’exposition et ses cartels sont aussi l’occasion d’en apprendre davantage sur les inspirations et l’érudition artistique de Hockney. Une des galeries, introduite par un mur d’images de références, aligne des réinterprétations de Fra Angelico, Van Gogh ou Picasso. Tandis que des photographies en coulisses permettent de voir l’artiste à l’œuvre. Il existe d’ailleurs une photo le représentant en train de peindre l’autoportrait final de l’exposition – dans lequel il se représente en train de peindre cette même scène, et ainsi de suite : une mise en abyme vertigineuse, à l’image de l’effort colossal déployé pour cette exposition. Dans le communiqué de presse de présentation, dévoilé en février dernier, David Hockney déclarait : « Cette exposition est particulièrement importante pour moi, car c’est la plus grande que j’aie jamais eue – les onze galeries de la Fondation Louis Vuitton ! Quelques-unes de mes toutes dernières peintures, auxquelles je suis en train de travailler, y seront présentées. Ça va être bien, je crois. » Il avait raison. C’était bien.