Piqués par la curiosité après avoir longé des mois durant ce chantier mystérieux, on attendait la visite de l’Exposition Générale de la Fondation Cartier avec impatience. Pas seulement pour l’expo, mais surtout pour découvrir la nouvelle architecture de Jean Nouvel, installée dans les anciens locaux des Grands Magasins du Louvre. Sur ce point, pas de déception : avec ses 6 500 m² – cinq fois plus qu’à Raspail – et son système de plateformes modulables à la machinerie apparente, cette « machine à voir » fascine… autant qu’elle risque d’éclipser ce qu’elle expose. Une muséographie appelée à évoluer, parfaitement intégrée à la ville grâce à ses arches vitrées qui laissent entrevoir les œuvres depuis la rue. Ajoutez une librairie, un café et bientôt un restaurant : tout pour faire de ce musée atypique un futur repaire parisien, même pour les réfractaires à l’art contemporain. Et si l’on parle tant du bâtiment, c’est peut-être parce qu’on n’a pas tout à fait réussi à saisir l’exposition qu’il abrite.
En parcourant les trois étages, on est loin du voisin Louvre : ici, la circulation libre et la proximité avec les œuvres brisent la froideur muséale habituelle. Mais entre la profusion et la dispersion des pièces, le parcours labyrinthique et l’espace encore inconnu, on ressort parfois un peu perdu, désorienté autant par l’architecture que par l’abondance. Un sentiment sans doute renforcé par la perte de repères qu’induit ce bâtiment tout neuf, truffé de recoins malgré son apparente horizontalité. Néanmoins, les habitués du boulevard Raspail (voire de l’ancienne Fondation Cartier de Jouy-en-Josas) ne seront pas totalement dépaysés : cette « Exposition Générale » fait office de best-of, condensant quarante ans d’activité de la Fondation. Des fragments d’expositions passées, dont les titres ont servi à nommer quatre grands ensembles thématiques, censés « esquisser une cartographie alternative de la création contemporaine et réinterpréter le modèle de l’encyclopédie muséale ».
Un programme dense et complexe qui exigera sans doute plusieurs passages pour en comprendre tous les tenants et aboutissants, tant l’espace déborde et les quelque 500 œuvres saturent le regard. Ce n’est qu’un dixième de la collection, mais le line-up, truffé de grands noms de la scène internationale, en met plein la vue et donne à voir à peu près tous les médiums et thèmes possibles. On ne sait parfois plus où donner de la tête, tant l’ensemble brouille la lecture. Mais au milieu de ce tumulte visuel, certaines œuvres s’imposent avec une force rare comme cette photographie de Daido Moriyama, qui rappelle au visiteur distrait de garder les yeux grands ouverts.


