Il fallait bien un chef gouailleur pour reprendre les cuisines de cette relique de bistrot bougnat fort en gueule. Si, au dehors, le petit frère de Au Passage est un vrai, un dur, un tatoué avec son “Bois.charbon.vins.liqueurs” sur la devanture, il cache à l’intérieur un petit cœur tendre de Formica et moleskine. C’est Jeff Schilde (ex-Au Petit Panisse), cuistot à bagout et à bagouses, qui envoie depuis le passe-plat une cuisine de produit avec une précision de lanceur de couteaux.
Ce soir-là, on se fait les chicots sur une épaisse tranche de brioche surgrillée aux encoignures, astiquée d’une crème au tourteau et couverte de rondelles de courgette façon masque de visage (15 €) ; avant de pêcher à l’épuisette dans une libidinale espuma de pomme de terre cachant du haddock, des petits pois, des oignons de Roscoff compotés, à deux doigts de la tartiflette liquide (on avoue : on a lapé le fond du bol, 17 €). Puis un impeccable maquereau pané et frit en larfeuille, maquillé d’un aïoli et d’un ragoût de tomate tout en vivacité (19 €) ; avant un chelou et séduisant accord mimolette-veau sur un parquet flottant de millefeuille de pomme de terre (20 €). En dessert plus déconstruit qu’un lecteur de Mona Chollet, une pavlova fraise-piment (9 €) conclut tout en fraîcheur les agapes.
On est ici dans une petit consulat du vin nat’ : blanc ligérien de Bobinet (7 € le verre) ou rouge languedocien du Pas de l’Escalette (8 €) parmi quelques refs solides. Un bouclard de passage (pas sûr qu’il reste longtemps, hâtez-vous !) qui couve une bistrote élémentaire et fougueuse.