Un beau jour de 1996, Bertrand Auboyneau, à 45 ans bien sonnés, décide de lâcher le monde de la finance pour la terra incognita de la limonade et reprend, avec sa compagne Gwenaëlle Cadoret, un modeste troquet dans ce coin de 11e. Trois décennies plus tard, Le taulier a colonisé la rue avec L’Ecailleur du Bistrot, Le 6 Paul Bert, La Cave du Paul Bert. Et grâce à un amour sincère et inoxydable pour la cuisine de bistrot, le Paul Bert est passé de pastiche à institution parisienne où se pressent touristes et locaux en mal d’assiettes canailles. Ça brouhahate, ça virevolte dans un vrai faux décor de vieux bouclard plus français qu’un béret en camembert (vieilles pubs émaillées, mobilier bistrot, murs nicotine). Anecdote : les belles céramiques – d’époque, elles – de la deuxième salle ont été découvertes sous le plaquage du traiteur chinois racheté par Bertrand Auboyneau quelques années plus tard. La cuisine du chef Thierry Laurent (là depuis plus de 20 ans) énumère brillamment les classiques d’une gastronomie gaillarde : hure de cochon, sole meunière, langue de bœuf.
Dans les assiettes siglées déboulent ainsi un satin de cervelle de veau pochée léchée d’un beurre citronné (15 €), puis le mythique filet de bœuf au poivre de Sarawak, qui se coupe à la cuillère, avec ses frites maison plus bronzées qu’un capitaine de yacht (48 €, ouille !). Avant de soigner ses gamma GT pour la journée avec un moelleux baba au rhum (et sa bouteille de Clément si on veut du rab). L’épaisse carte des vins se montre, elle, bien dans son époque : Sylvain Bock, Daniel Sage, Joé Chandellier… Une adresse qui fait du bien !