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Sobrelie à Mercato
© DR

Oubliez le vin : le sans-alcool s'impose sur les plus belles tables gastronomiques de Paris

Des accords mets et boissons sans alcool débarquent dans les menus. Loin d'une niche pour abstinents, voilà des verres surprenants, complexes et sapides. Le vin a-t-il des raisons de s’inquiéter ?

Antoine Besse
Écrit par
Antoine Besse
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On a cru voir double. Lancés en même temps, deux menus gastronomiques mettent en vedette un accord mets et boissons sans alcool. Pas une option honteuse écrite en petit, mais en produit d’appel en gros sur les réseaux. D’un côté, Thomas Chisholm et son adjoint Rodolphe Despagne chez Chocho dans leur menu Medley. De l’autre, Benoît d’Onofrio, alias le « sobrelier », en résidence avec des cheffes invitées chez Ventrus pour des « sobrepas » construits autour de ses décoctions, macérations et fermentations.

Pour ce pionnier d’un sans-alcool qui ne lâche rien sur la complexité et le plaisir, « la demande a toujours existé. La nouveauté, c’est que maintenant, on peut affirmer plus librement qu’on n’a pas envie de boire ». Les chiffres vont dans son sens. D’après l’Insee, la consommation d’alcool a été divisée par deux entre 1960 et 2022 en France, une baisse quasi entièrement imputable à la diminution des quantités de vin. En parallèle, la France est le pays qui compte le plus grand nombre de nouveaux consommateurs de boissons sans alcool, avec une augmentation de 25 % sur l’année 2022, d’après l’institut britannique IWSR.

Chocho
© Antoine MotardRodolphe Despagne et Thomas Chisholm

« L’idée est de ne stigmatiser personne. On veut que tout le monde profite du moment, du rituel. D’ailleurs, on sert toutes les boissons dans des verres à vin », explique Thomas Chisholm. Néanmoins, jusque très récemment, l’offre sans-alcool rendait surtout la fête plus molle. On ne proposait que des sodas et des jus trop sucrés ou des infusions diaphanes. « Rien qui ne répondait à la promesse d’un vrai accord avec un repas gastronomique », se souvient Benoît d’Onofrio, ancien sommelier chez Datsha Underground. « Et fatalement, les gens se reportaient sur des vins. Je me suis dit que j’allais devoir inventer moi-même les boissons pour être raccord avec cette promesse. »

De nouvelles recettes liquides

Le champ des possibles est immense ! Chez Chocho, le duo Thomas Chisholm et Rodolphe Despagne se concentre sur les fermentations, avec par exemple des kombuchas, ces boissons où un mélange symbiotique de diverses bactéries et levures (un « scoby ») fait fermenter ce qu’on lui offre. « Un kombucha de pomme granny et de salicorne a été beaucoup apprécié par les clients », se rappelle Thomas Chisholm. « Le goût acidulé avec des notes iodées se mariait particulièrement bien avec un poisson. » Mais on croise aussi dans son menu une citronnade au bissap naturellement pétillante ou une boisson qui se rapproche des notes d’un gamay avec une infusion de morceaux de fût. Pour lui, « cette formule sans alcool représente aussi le moyen d’explorer de nouvelles recettes, liquides cette fois, et d’expérimenter de nouvelles choses dans les verres ».

Le sobrelier
© Eric GaraultBenoît d’Onofrio

De son côté, le sobrelier multiplie les ingrédients et les techniques. Pour Ventrus, il a imaginé une boisson pour accompagner une volaille. Le processus compte presque autant d’étapes que le Tour de France : une réduction d’écorce d’orange grillée, détendue d’un bouillon d’orange puis mixée avec des cacahuètes et des graines de courge torréfiées. Le tout est filtré puis mis à reposer avec un levain de riz grillé lactofermenté. Ouf ! Benoît d’Onofrio promet un verre tout en rondeur, aux saveurs de pâte à pain avec des notes acidulées d’agrumes : « Je m’inspire des techniques des vignerons comme le foulage, la fermentation, la macération… Mais je travaille avec plus d’ingrédients. Cela permet de créer des boissons vraiment sur mesure pour un équilibre avec le plat. »

Une offre qui marge bien

L’offre du soft-pairing (que le pionnier Sang Hoon Degeimbre, chef en Belgique, propose depuis quinze ans) a réellement décollé à Paris en 2022 lorsque Manon Fleury, alors posée au Perchoir, embauche Benoît d’Onofrio comme sommelier. « Manon a tout de suite adhéré au projet. Je proposais soit un accord avec deux unités d’alcool, soit zéro. Très vite, les gens ont choisi cette dernière option. » Ces accords avec des « sobrevages » ont montré aux dineurs que la complexité aromatique n’était plus limitée aux vins, et aux restaurateurs que l’opération pouvait être rentable. « Quarante accords facturés à 40 € coûtent 100 € en matières premières. La marge se montre très intéressante ! » 

Sans alcool
© Antoine Motard

Depuis janvier, l’étoilé David Toutain propose lui aussi un accord sans alcool avec son menu gastronomique. Et Benoît d’Onofrio dispense la bonne parole désalcoolisée et savoureuse dans les restaurants de France. « Je montre que ça peut se faire dans toutes les cuisines, que c’est économique, écologique et bon ! On n’est qu’au début de l’aventure. Il y a des dizaines de boissons traditionnelles, comme l’horchata, l’eggnog, le tepache, à redécouvrir, dépoussiérer et adapter. » Pas de doute : il y a bien du cool dans le sans-alcool.

Où ? Ventrus
Quand ? Le 12 décembre 2023 avec Justine Audoin et le 19 décembre 2023 avec Marie-Victorine Manoa.
Combien ? 85 € le menu en cinq temps.
Réservation ici.

Où ? Chocho
Quand ? Tous les jours de 12h-14h et 19h-minuit.
Combien ? Menu Medley en cinq temps : 72 € / accord 24 €.

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