Devant la porte, une dame ressort furibarde : « On ne voit même pas la nef ! » Certes, le Grand Café, tout nouveau restaurant du Grand Palais fraîchement rénové, ne donne pas sur la nef du bâtiment, mais de là à être déçue de la vue, il faut vraiment être difficile. L’intérieur de l’immense restaurant (200 couverts dedans et une centaine dehors) cornaqué par le Loulou Groupe (derrière le restaurant du MAD) et décoré par Joseph Dirand, en jette déjà sérieusement dans le genre uchronie IIIe République pompidolienne avec murs terracotta, marbre, banquettes en velours, miroirs biseautés. Mais ce n’est rien par rapport à la splendide terrasse végétalisée de 70 mètres de long sous les colonnades avec vue sur le Petit Palais, qui s’impose comme une des plus majestueuses de la ville.
Et que transportent sur leurs plateaux la myriade de serveurs en veste blanche et cravate noire ? Des incunables des brasseries parisiennes choisis par le chef Benoît Dargère, à prix aussi élevés que le plafond : asperges sauce hollandaise (25 €), saumon à l’oseille (28 €), ris de veau pané (51 €)… La poêlée de supions, poivrons et chorizo millimétrique (26 €) se révèle un souple terre-mer qui ne déparerait pas dans un mas du Luberon. Puis accoste une assiette blanche comme un yacht : deux belles quenelles de turbot à la sauce bonne-femme (crème fraîche et fumet de poisson) et riz parfumé (37 €) – comme un retour dans les 60’s.
On accompagne de vins piochés dans une carte joufflue, tradi et tarifée pour les Texans : saint-joseph du domaine Coursodon (90 €/ 16 € le verre), loire Silex du domaine Dagueneau (520 €)… Mais aussi des cocktails classiques signés Colin Field, ancien du Ritz (26-30 €). On finit avec un dessert original et réussi : un croisement entre un affogato et un tiramisu, satisfaisant comme une nouvelle Bentley. Bref, une bonne table parisienne où se faire inviter par votre oncle proprio dans le quartier.