Plus nourrissante que le Flore, cette brasserie alsacienne dispense choucroutes et harengs Bismarck depuis 1880 aux bidons germanopratins. En 1920, l’ambitieux Marcelin Cazes, légende des Auvergnats, met la pogne sur cette belle affaire qu’il agrandit et céramise façon Art nouveau jusqu’au plafond. Les banquettes en moleskine ont vu passer leur pesant de fameux fondements, de Trenet à Madonna via Hemingway. Il faut dire que, dès la porte, l’étiquette est de mise ! Des panneaux anciens exigent une tenue correcte (et interdisent chèque, chien ou pipe…) tandis que la dame du vestiaire impose son flow aux manteaux.
Question décor, pour sûr, on en a pour son pognon. Et dans l’assiette ? Bonne surprise : ça suit ! Fière de sa carte conservée dans un formol alsaço-bougnat sauce parigote, la brasserie fétiche de feu Mitterrand sait accommoder les petits plats à l’ancienne. Quelques hors-d’œuvre légumiers chérots (poireau mimosa vinaigrette, mâche-betteraves très 50’s) luttent vaillamment contre rosette lyonnaise, cervelas rémoulade ou pieds de porc. Le semainier égraine ses plats du jour, tel ce vol-au-vent du mercredi, petite bombe feuilletée garnie de ris de veau, volaille, épinard et pleurotes fleurant le sous-bois dont on n’aura garde de laisser une miette, en l’arrosant d’un mâcon classico (6,50 € le verre).
Depuis la cuisine rikiki – 25 m2 les bras levés –, l’équipe du Poitevin Pascal Jounault envoie en continu jarret-lentilles, choucroutes garnies, purée au beurre et… parmi les meilleures frites de Paris ! En guise de dessert, du cousu main qui méprise le Nutri-score : profiteroles aux petits oignons, riz au lait tout crème, et mille-feuille proverbial tout en croustillance et crème pâtissière rhum-vanille, qui fait se dévisser d’envie les commères voisines. Une adresse qui flatte la lippe, un peu moins les abdos !

