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24 heures à Colonel Fabien

Écrit par
Charline Lecarpentier
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Avec sa place en forme de rond-point pas très accueillante pour les piétons, le quartier Colonel Fabien (idéalement situé à équidistance des si prisés Canal Saint Martin et Buttes Chaumont, comptez dix minutes à pied) pourrait nous faire battre en retraite. Pourtant, avec son imposante bulle signée Niemeyer, le lieu vous signale qu’il n’est pas sans intérêt. Notre mission en 24h est de vous prouver qu’il peut même casser des briques. Le chef de la littérature arrondissementière Henri Calet (1904-1956), dont il faut lire le recueil 'Huit quartiers de roture' paru en 2015 chez la Dilettante, écrivait combien il aimait « ces faubourgs pauvres où il n’y a rien à voir. [Où l'] on croise le minimum de gens, [où l'] on s’enfonce dans une agréable mélancolie, au risque d’y perdre pied, insensiblement ». Mais dans ce quartier aussi appelé « Combat », du nom de l’ancienne place Colonel Fabien (le résistant communiste), on peut dénicher des trésors. Si cette place accueillait autrefois des batailles d’animaux en public, elle s’est depuis bien civilisée. D’ailleurs, le lieu est devenu un spot apprécié des jeunes touristes, avec l’implantation du Generator, la plus grande auberge de jeunesse de la capitale, et ses rooftop-parties ouvertes au public. 

9h : prendre un café dans un lieu de caractère

Qu’on ait passé la nuit dans une chambrée du Generator où que l’on sorte du métro, on se rue de bon matin sur un café à Palissade. Ici, le décor industriel n’empêche pas une atmosphère chaleureuse et traditionnelle. Si le matin on vous sert à des prix abordables (1,50 € le pain-beurre-confiture) les classiques œufs à la coque avec du pain frais, des croissants et des pains au chocolat ou des smoothies, Palissade se renouvelle le week-end avec des brunchs qui font le tour du monde, de la Bretagne au Japon. Le soir, on peut y repasser pour un verre sur la petite terrasse calme, qu'on accompagnera d’une assiette de brie truffé avec son pain à la mie couleur charbon.

10h : buller devant une exposition de l’espace Niemeyer

Impossible de rater le siège du PCF à l’architecture soignée par le Brésilien Oscar Niemeyer, dont le travail fut achevé ici en 1971. On peut découvrir les dessous de son dôme en passant la tête dans la grande salle qu’il abrite, tout en visitant les expositions qui se tiennent dans un grand hall dédié. Souvent engagées, ces dernières ont récemment réuni l’art militant de Bernard Rancillac et fait découvrir sur de beaux volumes la photographie d’exploration urbaine documentant nos ruines contemporaines avec l’exposition 'Temps suspendu'. On n’hésite pas à s’arrêter à la librairie Archilibrairies située sur le boulevard de La Villette en face de l’Ecole nationale supérieure d’architecture Paris-Belleville, pour connaître l’histoire de l’architecture et son avenir. Tout ceci vous donnera peut-être envie d’aller jusqu’au 64 rue de Meaux, un peu hors zone où, si l’on veut bien vous ouvrir, vous observerez dans cour de l’immeuble de Renzo Piano un ensemble de logements sociaux imaginés en 1991 par celui qui est aussi l’un des architectes du Centre Pompidou. 

© espace Niemeyer

12h30 : se faire des cuisses chez Gumbo Yaya

Ce village tout en pentes et en courbes ouvre l’appétit. Tout près de la place du Colonel Fabien, Gumbo Yaya est devenu la médaille (dorée) de la friture selon les estomacs du quartier.  Sa soul food importée de la Nouvelle Orléans propose du poulet sur lit de gaufres, des burgers qui ne lésinent pas sur le bon gras avec des épices dosées généreusement pour des sommes très modiques.

14h : se faire les cuisses à Pailleron ou aux Buttes Chaumont

Gumbo Yaya est savoureux, mais on admet que ce n’est pas l’adresse la plus light qu’on pouvait vous suggérer. Bien heureusement, non moin de là, vous pouvez vous dépenser sans trop débourser. L’Espace Pailleron a nos faveurs, géré par l’UCPA, il dispose d’un espace baignade idéal pour les grands et les petits, mais aussi pour les grands sportifs et les petits flemmards. On peut traîner dans le petit bassin spa et bénéficier de ses jets vigoureux puis filer sur l’herbe du solarium, ouvert tout l’été. En hiver, on se jette aussi à l’eau, mais en faisant de beaux triple-axels dans la patinoire du même complexe.

On est tellement peu fatigué qu’on va courir dans l’un des spots favoris des joggeurs adeptes des montées : les Buttes Chaumont. Ce parc fut construit sur un sol initialement miné et inauguré par Napoléon III et Bismarck le 1er avril 1867 pour l’Exposition universelle. Ceux qui auraient oublié de prendre leur gourde peuvent descendre vers le lac pour une glace à l’italienne sur un banc.

© Pailleron

17h : prendre de la hauteur sur la Butte Bergeyre, un micro-quartier qui casse des briques

Puisqu’il nous reste forcément encore un peu de force, on emprunte les nombreux escaliers du 40 avenue Mathurin-Moreau pour rejoindre le quartier de la Butte Bergeyre où subsistent des maisons en briques où le lierre et les rosiers prennent leurs aises. Moins connu que la rue de la Mouzaïa et ses villas, ce havre de paix qu’on découvre en serpentant dans la rue Georges-Lardennois offre une vue secrète et dégagée sur Paris et son Sacré Cœur. Le banc est souvent occupé par de jeunes amoureux bien renseignés, même si d’autres y viennent simplement pour observer le coucher de soleil. On en profite pour jeter un regard sur la colline où des plans de vigne s’épanouissent tranquillement, admirablement entretenus par les habitants du quartier. Ces derniers prennent également soin d’un grand jardin partagé, et rien ne vous empêche d’aller discuter avec eux lorsqu’ils ouvrent leurs garages pour un vide-grenier en septembre.

© CL

19h : dîner à la fraîche

A l'heure du dîner, votre gourmandise vous guide vers Fraîche, jeune table aux murs en briques raccord avec l’ambiance du quartier. Ici, vous aurez l’occasion de vous refaire et apprécier quelques légumes finement arrangés, l’œuf poché aux asperges étant particulièrement relevé. Les portions sont modestes mais vous permettront de ne pas hésiter à prendre le dessert : une soupe de pêches à se pâmer avec sa chantilly au lait d’amandes.

22h : danser plutôt 9 fois qu’une au 9b

Pour prendre en verre sur sa terrasse ou danser dans sa cave, les amoureux de musiques électroniques savent qu’il n’y a pas à Paris-Est de meilleure destination que le 9b. Sous ses airs de rade de quartier, où des grains de (délicieux) couscous - gratuit le mercredi - restent collés sur des tables d'écolier, l’ancien 9 Billards cache bien son jeu. Les collectifs les plus cotés s’y pressent pour y livrer de parfaits warm-up décontractés et des sets en sous-sol qui vous feront perler le front, dans une ambiance digging allant du disco boogie à la fine fleur de la techno en comité réduit.

© 9B

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