Du Châteaubriand, où il a secondé de longues années Iñaki Aizpitarte, Paul Boudier a exfiltré Albert Touton. Ensemble, dans ce coin de Jules Joffrin bien connu des bistronomes, les deux compères ont repris ce qui fut un vieux troquet un peu pérave. Low profile dans le décorum, mais high level dans l’assiette… Accoudé à l’étroit comptoir jaune poussin, on entame avec de flamboyantes coques énervées par un bouillon asiate et du poivre de Sichuan. On garde ce cap marin maîtrisé avec des morceaux de lieu noir en tempura léger comme un nuage en escadrille avec des poireaux à la flamme sur un édredon de béarnaise maison. On conclut ce dej régénérant par un gâteau à la mandarine confite moelleux comme un siège de sénateur. La courte carte des vins folâtre chez les boss du nature mais sait se tenir sur les tarifs.
A Paris, le 18e est à part. Tout là-haut, dans ses rues en escaliers où la vie coule en pente douce, le grand Montmartre ne cache pas son esprit de clocher et semble vouloir faire vœu d’indépendance. Car si le quartier est l’un des plus prisés par les touristes en goguette, il reste une tour d’ivoire étrangement préservée et généreusement aménagée pour ses bienheureux habitants. Puits sans fond de bistrots de quartier et barav’ festifs, paradis des boulangeries et cafés bien sourcés, melting-pot de friches, musées et marchés, festival de clubs interlopes et branchés… De Pigalle à la porte de Saint-Ouen, le meilleur de ce que Paris a à offrir s’étale crânement ; et du haut du Sacré-Cœur, c’est toute la ville qui s'aplatit au pied de la Butte comme pour marquer son respect. On va lui payer nos hommages ?